Contribution de 3 % sur les revenus distribués : l’étau européen se resserre
Les fondements de contestation de la contribution de 3% sur les revenus distribués s’accumulent. Il est plus que jamais temps pour les sociétés débitrices de réclamer un dégrèvement !
La contribution additionnelle de 3% sur les revenus distribués (la «Contribution de 3%») a été introduite dans le droit français par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012. Elle est destinée à la fois à rapprocher le taux d’imposition des grands groupes de celui des PME et à inciter les sociétés à réinvestir leurs résultats plutôt qu’à les distribuer. La Contribution de 3% est assise sur le montant des revenus distribués par les sociétés (à l’exception des PME, telle que cette notion est définie par les règlements européens) et est due par la société distributrice. Cependant, certaines distributions sont exonérées de cette contribution, notamment celles entre sociétés membres d’un même groupe d’intégration fiscale. Très tôt, les praticiens ont contesté la compatibilité de cette taxe avec le droit européen, soit sur le fondement d’une violation de la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne, soit au titre d’une infraction aux termes de la directive dite «mère-fille». Dans les deux cas, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)1 et/ ou les conclusions des avocats généraux dans certaines affaires antérieures2 ont semblé confirmer leur analyse et laissé entrevoir de réelles chances de succès aux demandes de dégrèvement déposées par certaines sociétés débitrices de la Contribution de 3%.
Deux événements récents viennent conforter cette approche.
La Commission européenne a en effet récemment mis en demeure la France d’apporter des justifications quant à la compatibilité de la Contribution de 3% avec la liberté d’établissement, ainsi qu’avec la Directive mère-fille. Si les justifications apportées par le Gouvernement français ne parvenaient pas à convaincre la Commission, celle-ci pourrait alors émettre un avis motivé, enjoignant la France de modifier sa législation, sous peine d’engager à son encontre une action en manquement. Compte tenu du fait que le législateur avait en 2012 examiné avec attention le risque que cette contribution soit déclarée non conforme au droit de l’Union européenne, il est possible que la France prenne alors le risque d’un contentieux relativement long.
Cependant, un second événement pourrait accélérer ce calendrier, puisque la Cour constitutionnelle belge a transmis une question préjudicielle à la CJUE concernant la compatibilité de la «fairness tax» avec la Directive mère-fille3. Or, cette taxe, qui est due par la société distributrice sur la différence entre le montant des dividendes distribués et le résultat imposable final au titre de l’exercice considéré, présente certaines similitudes avec la Contribution de 3% (même fait générateur, même débiteur, même caractère distinct par rapport à l’impôt sur les sociétés, assiette comparable constituée par les dividendes distribués, etc.). Par conséquent, une condamnation de l’Etat belge signerait probablement, de manière corrélative, l’acte de décès de la Contribution de 3%. A l’inverse, si la CJUE devait considérer que la «fairness tax» est compatible avec la Directive mère-fille, la Contribution de 3% resterait contestable, au moins sur le terrain de la liberté d’établissement.
En tout état de cause, les sociétés distributrices françaises qui auraient acquitté la Contribution de 3% (voire, dans certains cas, les bénéficiaires étrangers des distributions) doivent s’interroger sur l’opportunité (et la possibilité) d’introduire une demande de dégrèvement, en gardant à l’esprit que leur action destinée à obtenir le remboursement de la Contribution acquittée en 2013 sera prescrite à la fin de cette année.
Notes
1. Voir notamment CJUE, 12 juin 2014, aff. C-39/13, C-40/13 et C-41/13.
2. Voir notamment sur la violation de la liberté d’établissement, les conclusions de l’avocat général Juliane Kokott dans les affaires C-39/13, C-40/13 et C-41/13, n°37 à 42, et sur l’infraction à la Directive mère-fille, les conclusions de l’avocat général M. L. A. Geelhoed dans l’affaire C-446/04, n°82 à 85.
3. Arrêt n° 11/2015 du 28 janvier 2015.
Auteur
Jean-Charles Benois, avocat en fiscalité directe