Actualité de la construction : la sous-traitance
Sous-traitance et tâcheronnage
Cass. 3e civ., 20 janvier 2015, n°13-24.283
A la suite du bris de certaines parties de verrières, un entrepreneur a été chargé de procéder au changement des verres. Il a confié la seule mission de pose à un artisan indépendant. Par la suite, des infiltrations sont apparues. Le maître d’ouvrage a assigné l’entrepreneur et son assureur qui ont appelé en garantie l’artisan ayant posé les verres.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné l’artisan à relever et garantir l’entrepreneur au motif que le sous-traitant est tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice et, en cas de manquements, engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’entrepreneur principal.
Statuant sur le pourvoi formé par l’artisan, la Cour de cassation a cassé cette décision en relevant que celui-ci, n’ayant eu qu’une mission de pose des verres qui lui avaient été fournis sans aucune gestion indépendante du chantier, ne pouvait pas être qualifié de sous-traitant.
La Cour de cassation distingue, dans cet arrêt, le sous-traitant et le tâcheron. Si le tâcheronnage ou location de service, prévu à l’article 1787 du code civil du Code civil, est un contrat d’entreprise aux termes duquel une personne est chargée d’effectuer un travail de pose ou de mise en œuvre, sans fourniture de matière, il ne constitue pas un contrat de sous-traitance. Le tâcheron, à la différence du sous-traitant, travaille sous l’entière responsabilité de celui qui l’emploie.
Sous-traitance en chaîne – Modalités de présentation du sous-traitant de second rang
Cass. 3e civ., 21 janvier 2015 n°13-18.316
Un entrepreneur, titulaire du lot démolition / gros œuvre, avait sous-traité une partie des travaux à une seconde entreprise, laquelle avait elle-même sous-traité une partie de ses missions à une tierce entreprise. Le sous-traitant de premier rang, ayant été mis en liquidation judiciaire, n’avait pas payé le sous-traitant de second rang. Ce dernier a alors assigné l’entrepreneur titulaire du lot démolition / gros œuvre pour paiement des sommes lui restant dues, assorties de dommages et intérêts. Le sous-traitant de second rang a obtenu gain de cause devant la cour d’appel de Rouen au motif que l’entrepreneur titulaire du lot démolition / gros œuvre avait commis une faute en acceptant le sous-traitant de second rang sans toutefois le faire agréer par le maître d’ouvrage.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1975, au motif qu’il revient au seul sous-traitant de premier rang, considéré comme entrepreneur principal à l’égard de son propre sous-traitant, de présenter celui-ci à l’agrément du maître d’ouvrage.
Par cet arrêt, la Cour de cassation vient rappeler sa stricte interprétation de l’article 2 de la loi précitée selon lequel « le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants« 1. Rien dans la loi du 31 décembre 1975 n’oblige l’entrepreneur principal à signaler au maître d’ouvrage la présence de sous-traitants de second rang. L’obligation de faire accepter et agréer ces sous-traitants de second rang n’existe qu’à la charge du sous-traitant de premier rang lequel est, d’évidence, le mieux placé pour connaître leur existence. Toutefois, ces dispositions ne prévoient nullement que l’entrepreneur principal devienne maître d’ouvrage à l’égard du sous-traitant de second rang2. Il ne saurait donc y avoir, en la matière, de mécanisme d’action directe en cascade3.
Sous-traitance en chaîne – Modalités de présentation du sous-traitant de second rang
Cass. 3e civ., 18 février 2015, n°14-10.604 et 14-10.632
Dans le cadre de travaux de transformation d’anciennes cliniques en appartements et locaux commerciaux, les acquéreurs des lots s’étaient constitués en association foncière urbaine libre (AFUL). Cette dernière avait confié les travaux de réhabilitation à une société qui a sous-traité l’intégralité des travaux à une autre entreprise. Le sous-traitant a assigné l’entrepreneur principal en annulation de son contrat de sous-traitance pour violation de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et a assigné le maître d’ouvrage en paiement de diverses sommes.
La cour d’appel de Montpellier a fait droit à la demande du sous-traitant de condamner in solidum l’entrepreneur principal et le maître d’ouvrage en paiement de dommages et intérêts équivalant au juste coût des travaux exécutés.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel au motif que le maître d’ouvrage avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle en n’exigeant pas de l’entrepreneur principal qu’il lui justifie avoir fourni au sous-traitant, autorisé et agréé, une caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues au titre du contrat.
Notes
1 Cass. 3e civ., 21 janvier 2004, n°02-12.342 et Cass. 3e civ., 27 septembre 2005, n° 04-16.371
2 Voir également nos commentaires sur la sous-traitance en chaîne dans notre Lettre Construction de janvier 2014
3 Cass. 3e civ., 17 juillet 1987, n° 86-12.789 – Cass. 3e civ., 12 juillet 1989, n° 88-11.289 – Cass. 3e civ., 14 juin 2000, n°98-15.436 – Cass. 3e civ., 15 janvier 2003, n°01-02.967
Auteurs
Aline Divo, avocat associée en matière de Droit Immobilier, Droit de la construction et Droit des baux.
Charlotte Félizot, avocat en matière de Contrats de l’Entreprise et Droit Immobilier.