L’indemnisation des jours de congés conventionnels non pris en cas de rupture du contrat de travail
3 juin 2015
En cas de rupture du contrat de travail, se pose la question du sort des jours de congés conventionnels acquis et non pris par le salarié : le salarié quittant l’entreprise peut-il bénéficier d’une indemnisation afférente à ces jours ?
La Cour de cassation apporte une réponse à cette question dans son arrêt en date du 12 mars 2015 (n°13-20.349) en considérant que l’indemnisation des jours de congés conventionnels non pris par le salarié ne saurait être systématique, cette indemnisation n’étant possible que si le salarié apporte la preuve que l’absence de prise de tels jours est imputable à l’employeur.
Un régime distinct de celui applicable aux congés payés légaux
En matière de congés payés légaux, l’article L. 3141-26 du Code du travail prévoit expressément que le salarié n’ayant pas bénéficié de l’intégralité de ses congés payés doit recevoir une indemnité compensatrice de congés payés lors de la rupture de son contrat de travail équivalente au nombre de jours en cause.
Le salarié peut, en sus, obtenir des dommages et intérêts au titre du défaut de prise des congés payés légaux au cours de la relation de travail si l’employeur n’est pas en mesure de prouver qu’il a accompli toutes les diligences nécessaires pour permettre l’exercice effectif de son droit à congé (Cass. soc., 13 juin 2012, n°11-10.929).
Il appartient donc à l’employeur de prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour permettre au salarié de bénéficier de ses congés payés.
La Cour de cassation précise, dans son arrêt du 12 mars 2015, que ce principe n’a pas vocation à s’appliquer aux jours de congés conventionnels.
En effet, la Cour de cassation considère que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation au titre des congés conventionnels non pris que s’il établit qu’il n’a pas été en mesure de poser ses congés «du fait de l’employeur».
Par un arrêt rendu seulement quelques jours plus tard, la Cour de cassation pose un principe analogue s’agissant des jours de RTT, considérant qu’à défaut de dispositions conventionnelles expresses, l’absence de prise des jours de RTT n’ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur (Cass. soc., 18 mars 2015, n°13-16369).
En définitive, et sauf en ce qui concerne les congés payés légaux, la Cour de cassation semble retenir que l’absence de prise des jours de congés (et ce quel que soit leur nature) ne doit donner lieu à indemnisation que si celle-ci est imputable à l’employeur.
Une charge de la preuve reposant intégralement sur le salarié
Le salarié ne saurait prétendre à une indemnisation au titre des jours de congés conventionnels non pris que s’il rapporte la preuve que cette situation est imputable à l’employeur.
La charge d’une telle preuve repose donc intégralement sur le salarié.
Reste donc à déterminer les hypothèses dans lesquelles il pourrait être considéré, sous réserve de l’appréciation du juge prud’homal, que l’absence de prise des jours de congés conventionnels est imputable à l’employeur.
En réalité et au regard de la diversité des situations pouvant se présenter, seule une analyse au cas par cas semble envisageable.
Il reviendra au juge d’apprécier si l’absence de prise des jours de congés conventionnels par le salarié quittant l’entreprise est imputable ou non à l’employeur.
Pourrait, par exemple, être jugée comme imputable à l’employeur l’impossibilité pour le salarié de prendre des jours de congés conventionnels dès lors que celui-ci aurait refusé que le salarié prenne de tels jours.
En revanche, si le salarié a été incité par l’employeur à prendre ses jours de congés conventionnels, l’on peut penser que l’absence de prise des jours en cause par le salarié ne saurait être considérée comme imputable à l’employeur.
Le salarié pourrait soutenir, par ailleurs, que l’absence de prise des jours de congés conventionnels est imputable à l’employeur dès lors que celui-ci se trouve à l’initiative de la rupture du contrat de travail (notamment en cas de licenciement).
Les juges auront donc à déterminer dans quelle mesure pourrait être considérée comme imputable à l’employeur l’absence de prise des jours de congés conventionnels par le salarié à raison de la situation créée par la mesure de licenciement prise à son égard.
En définitive et même si par principe l’indemnisation des jours de congés conventionnels non pris ne saurait être automatique, en réalité, l’indemnisation des jours de congés conventionnels non pris sera largement fonction de l’interprétation donnée par le Conseil de prud’hommes des situations dans lesquelles il doit être considéré que l’absence de prise de ces jours de congés est imputable à l’employeur.
Auteurs
Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social
Natacha Menotti, avocat en droit social
*L’indemnisation des jours de congés conventionnels non pris en cas de rupture du contrat de travail* – Article paru dans Les Echos Business le 3 juin 2015
A lire également
Indemnité de congés payés : comment prendre en compte les rémunérations var... 23 mai 2019 | CMS FL
Congés payés : le droit français mis en conformité avec le droit de l’... 13 septembre 2023 | Pascaline Neymond
Accident du travail ou maladie professionnelle : les principales conséquences d... 18 novembre 2014 | CMS FL
L’année 2018 mettra-t-elle un terme à l’égalité de traitement?... 20 novembre 2018 | CMS FL
La demande de requalification d’un CDD en CDI et les conséquences financière... 11 octobre 2022 | Pascaline Neymond
Les heures supplémentaires : le salarié doit à présent se contenter de prés... 14 mai 2020 | CMS FL Social
Les causes d’annulation des élections professionnelles récemment rappelées ... 7 février 2017 | CMS FL
La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels... 20 octobre 2015 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente