De nouvelles obligations pour les prestataires et pour les donneurs d’ordre
28 mai 2015
Le nouveau décret du 30 mars 2015 détaille les obligations qui pèsent sur les entreprises étrangères qui détachent des salariés en France ; il précise en outre l’étendue du devoir de vigilance des donneurs d’ordre à l’égard de leurs sous-traitants.
Une meilleure identification et un contrôle plus strict des entreprises étrangères
La loi du 10 juillet 2014 sur la concurrence sociale déloyale a élevé au rang législatif la «déclaration préalable de détachement » que doivent impérativement effectuer, auprès de l’inspection du travail, les entreprises étrangères qui détachent des salariés sur le territoire national.
Applicable au 1er avril 2015, le décret étoffe cette déclaration de nouvelles mentions obligatoires, telles que l’identification de l’organisme de sécurité sociale où sont versées les cotisations, les conditions de prise en charge des frais de voyage et de nourriture ou encore, les modalités d’hébergement des salariés détachés. Dans ce cadre, de nouveaux modèles que ceux qui figurent actuellement sur le site du ministère du Travail devraient être prochainement publiés par voie d’arrêté. Point important, cette déclaration doit désormais impérativement être annexée au Registre Unique du Personnel de l’entreprise d’accueil, accompagnée d’une copie des titres autorisant l’exercice d’une activité salariée des travailleurs étrangers.
De plus, le décret complète la liste des documents que le prestataire établi à l’étranger doit tenir à la disposition de l’inspecteur du travail, sur le lieu de travail des salariés détachés ou dans tout autre lieu accessible au représentant de l’employeur en France. Dorénavant, l’entreprise qui détache des salariés sur le sol français doit être en mesure de justifier du nombre de contrats et du montant du chiffre d’affaires réalisés dans son pays d’établissement et en France. Elle doit également pouvoir fournir à l’agent de contrôle un certain nombre de documents relatifs aux salariés détachés (relevés d’heures précis, preuve de paiement du salaire, justificatifs du lieu de recrutement, etc.).
Le nouveau texte précise en outre les modalités selon lesquelles l’employeur étranger doit désigner un représentant en France. Il doit ainsi y être procédé par un écrit traduit en langue française, indiquant l’acceptation du représentant et contenant un certain nombre de mentions obligatoires (identité du représentant, coordonnées, etc.). Tout comme la déclaration préalable de détachement, ce document doit être transmis au donneur d’ordre avant le début de la mission.
Un devoir de vigilance largement renforcé pour les donneurs d’ordre
En cas d’absence de remise du document désignant le représentant de l’entreprise étrangère en France ou de la déclaration préalable de détachement au donneur d’ordre, tant ce dernier que le prestataire étranger encourent une amende administrative de 2.000 € par salarié détaché, dans la limite d’un plafond de 10.000 €.
De plus, le décret précise les conditions dans lesquelles le donneur d’ordre est tenu de collaborer avec l’inspection du travail, en cas de violation par l’entreprise étrangère de ses obligations, dans le cadre de la nouvelle procédure «d’injonction».
Ainsi, le donneur d’ordre qui est informé par l’inspection du travail que l’un de ses prestataires ne respecte pas le salaire minimum applicable doit aussitôt «enjoindre» ce dernier de faire cesser cette situation. Le prestataire disposera alors d’un délai de sept jours à compter de la réception de l’injonction pour faire cesser la situation et en informer par écrit le donneur d’ordre, qui devra à son tour en aviser l’inspection du travail. En cas de non-respect de cette procédure, le donneur d’ordre pourra être tenu solidairement avec le prestataire du paiement des rémunérations dues au salarié et des charges afférentes.
Une procédure comparable s’applique si l’agent de contrôle constate que les salariés du prestataire sont hébergés dans des conditions indignes. Enjoint par le donneur d’ordre de faire cesser la situation, le prestataire disposera d’un délai de 24 heures à compter de la réception de l’injonction pour régulariser la situation et en informer son cocontractant. A défaut, le donneur d’ordre sera tenu de prendre à sa charge immédiatement l’hébergement collectif des salariés.
De même, en cas de violation, par le prestataire, des dispositions impératives de la législation du travail applicable aux salariés détachés, ce dernier disposera de 15 jours à compter de la réception de l’injonction pour régulariser la situation et en aviser le donneur d’ordre. Le donneur d’ordre sera passible d’une contravention de 5e classe en cas de non-respect de la procédure d’injonction.
Enfin, le nouveau décret modifie le montant au-delà duquel les donneurs d’ordre doivent solliciter périodiquement, auprès de leurs cocontractants, les justificatifs de paiement des cotisations sociales de leurs salariés.
Alors que depuis 2011, ces vérifications étaient obligatoires pour tout contrat conclu entre professionnels et portant sur une somme supérieure à 3.000 € TTC, ce seuil passe désormais à 5.000 € HT.
Toutefois, c’est bien le seul assouplissement -à contre-courant de la politique de renforcement des sanctions- qui est prévu par cette loi.
En effet, le projet de loi dit «Macron», qui est toujours en discussion, prévoit lui-aussi de renforcer le dispositif de lutte contre le dumping social (à lire également article Détachements et sous-traitance : le dumping social sur la sellette du 03/03/2014).
Ainsi, à peine instauré, le plafond de l’amende administrative en cas de violation de la réglementation relative à la déclaration de détachement et à la désignation d’un représentant du prestataire étranger en France pourrait être substantiellement relevé (et passer à 500.000 euros au lieu de 10.000). De plus, l’inspection du travail pourrait être autorisée à ordonner la suspension de l’activité de l’employeur étranger qui aurait gravement manqué à l’ordre public social. De même, afin de renforcer l’efficacité des contrôles sur les chantiers, la « carte d’identification professionnelle » pourrait être généralisée à tous les salariés du BTP (y compris aux travailleurs détachés).
Ces nouvelles réformes pourraient entrer en vigueur avant même que ne soit à nouveau révisée la directive détachement (à l’horizon 2016 en principe). Dès lors, la question sensible des travailleurs détachés devrait rester d’une brûlante actualité dans les semaines à venir.
A lire également
Article Dumping social : le transport aérien sous haute surveillance du 19/05/2014
Auteurs
Caroline Froger-Michon, avocat associé en matière de droit social
Guillemette Peyre, avocat, en matière de droit social.
*De nouvelles obligations pour les prestataires et pour les donneurs d’ordre* – Article paru dans Les Echos Business le 26 mai 2015
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