Conclure une rupture conventionnelle avec une salariée en congé de maternité
5 mai 2015
L’article L.1225-4 du Code du travail interdit à un employeur de rompre le contrat de travail d’une salariée enceinte jusqu’au terme d’une période de quatre semaines suivant la fin du congé de maternité.
Est-il pour autant prohibé de conclure une convention de rupture avec une salariée durant cette période ? La Cour de cassation est récemment venue admettre ce mode de rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 25 mars 2015 n°14-10.149).
Un mode de rupture désormais admis par la jurisprudence
Le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail et ouvre droit à une protection au profit de la salariée.
En vertu des dispositions de l’article L.1225-4 du Code du travail, il est ainsi en principe interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail d’une salariée enceinte. Cette protection dure jusqu’au terme d’une période de quatre semaines suivant la fin du congé de maternité.
On pouvait s’interroger sur la possibilité, compte tenu de cette protection, de conclure une rupture conventionnelle homologuée avec une salariée en congé de maternité.
Par un arrêt du 25 mars 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation vient de mettre un terme à cette incertitude.
Dans cette affaire, une salariée négocie une rupture conventionnelle avec son employeur durant son congé de maternité.
La convention de rupture est signée à l’issue du congé mais durant la période de protection de quatre semaines suivant ce dernier.
Quelques mois plus tard, la salariée saisit la juridiction prud’homale de plusieurs demandes et sollicite notamment la nullité de la rupture de son contrat de travail en invoquant les dispositions de l’article L.1225-4 du Code du travail.
La cour d’appel de Lyon admet néanmoins la validité de la rupture conventionnelle intervenue en relevant que la salariée y a librement consenti (CA Lyon, 6 nov. 2013 n°11-08266).
La Cour de cassation entérine cette position en jugeant que «sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoquée en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L.1237-11 du Code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé de maternité».
Une position en rupture avec celle de l’Administration
La solution retenue par la Haute Cour se singularise de la position qui avait été adoptée par l’administration du travail.
En effet, une circulaire ministérielle DGT n° 2009-5 du 17 mars 2009 distinguait les périodes de suspension du contrat de travail en fonction de leur nature.
Elle différenciait ainsi les cas de suspension n’offrant au salarié aucune protection particulière et ceux dans le cadre desquels la rupture du contrat est rigoureusement encadrée, tel que le congé de maternité ou l’arrêt imputable à un accident du travail.
Selon l’Administration, aucune rupture conventionnelle ne pouvait être conclue dans ces derniers cas.
Dans un arrêt du 8 février 2013, la cour d’appel de Rennes avait suivi ce raisonnement en jugeant qu’une rupture conventionnelle signée au cours du congé de maternité était nulle (CA Rennes, 8 fév. 2013 n°11-05356).
La position plus libérale de la Cour de cassation semble cohérente au regard des garanties offertes aux salariés par la procédure de conclusion d’une rupture conventionnelle homologuée : délai de rétractation, contrôle et homologation par l’administration du travail…
Elle parait d’autant plus opportune que, par un arrêt en date du 30 avril 2014, la Cour de cassation a précisé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise des congés payés, son point de départ étant reporté à la date de la reprise du travail par la salariée (Cass. Soc. 30 avr. 2014, n°13.12321).
La potentielle prolongation de la période de protection découlant de cette décision trouve donc son tempérament dans la possibilité laissée aux parties de rompre conventionnellement le contrat de travail qui les lie.
Un mode de rupture qui suppose le libre consentement de la salariée
Il est à noter que cette possibilité s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt rendu le 30 septembre 2014 par lequel les juges du droit avaient déjà admis qu’une rupture conventionnelle homologuée puisse être conclue avec un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et qui bénéficie à ce titre d’une protection contre le licenciement (Cass. Soc. 30 sept. 2014 n°13-16.297).
Dans tous les cas néanmoins, l’employeur devra veiller à s’aménager autant que possible la preuve de ce que la rupture conventionnelle du contrat de travail ne procède pas d’une démarche discriminatoire et de ce que la salariée a librement consenti à cette dernière.
A cet égard, il est très certainement souhaitable de formaliser, le cas échéant, le fait que l’initiative des négociations tendant à la rupture conventionnelle a été prise par la salariée.
Auteurs
Damien Decolasse, avocat en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.
Virginie Séquier, avocat en matière de droit social
*Conclure une rupture conventionnelle avec une salariée en congé de maternité* – Article paru dans Les Echos Business le 4 mai 2015
A lire également
Rupture conventionnelle et salariés seniors : attention à l’URSSAF... 9 mars 2015 | CMS FL
Les nouveautés en matière de contrôle URSSAF depuis le 1er janvier 2020 : ana... 29 janvier 2020 | CMS FL Social
Comment contester l’expertise commandée par le CHSCT ?... 29 novembre 2013 | CMS FL
Rupture conventionnelle : la seule voie possible ?... 16 décembre 2014 | CMS FL
L’expert du CSE ne dispose pas d’un droit d’audition des salariés... 18 juillet 2023 | Pascaline Neymond
Obligation de reclassement d’un salarié inapte au sein d’un réseau de dist... 5 avril 2018 | CMS FL
Rupture conventionnelle et transaction : une délicate combinaison... 5 juillet 2013 | CMS FL
Budgets du comité d’entreprise : le revirement de jurisprudence de la Cour de... 2 mai 2018 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente