Données publiques : précisions sur les modalités de calcul des redevances de réutilisation
Les données produites par les personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, établissements publics administratifs) sont des données dites « publiques » dès lors qu’elles ne sont pas produites dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial, qu’elles ne sont pas protégées par le secret et ne sont pas régies par la législation applicable aux données à caractère personnel.
Elles peuvent alors être réutilisées par « toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » (article 10 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978). Pour autant, ce droit d’usage n’induit pas nécessairement la gratuité (article 15 de la même loi) et les administrations peuvent subordonner l’accès aux données au paiement d’une redevance dont elles fixent le montant.
Dans ce cadre, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), saisie d’une demande d’avis sur la licéité d’un barème de redevances, a rendu un avis relatif aux modalités de calcul de ces redevances de réutilisation (avis n°20141556 du 30 octobre 2014).
Elle a estimé que, par interprétation de l’article 15 de la loi du 17 juillet 1978, l’Administration peut combiner trois composantes distinctes de redevance :
- une contribution aux coûts de mise à disposition, de collecte ou de production des informations qu’elle a supportés ;
- une rémunération des investissements afférents qu’elle a consentis, raisonnablement proportionnée à ces investissements ;
- une rémunération (raisonnable) des droits de propriété intellectuelle à caractère patrimonial, lorsque l’Administration détient de tels droits sur les données objets de la licence.
La Commission estime dès lors que l’administration, qu’elle opte pour une tarification forfaitaire, à l’unité ou variant selon d’autres facteurs, « ne peut légalement établir une redevance de réutilisation sur des bases étrangères aux trois séries de facteurs précédemment énumérées« . La redevance ne peut être constituée d’un pourcentage de la valeur économique produite par le licencié qui en bénéficie, si ce n’est, le cas échéant, au titre de la rémunération des droits de propriété intellectuelle dont est titulaire la personne publique.
La CADA rappelle par ailleurs que les redevances doivent être fixées dans le respect des règles du droit de la concurrence. En conséquence, si l’Administration utilise les informations dans le cadre d’activités commerciales, elle ne peut facturer la réutilisation aux autres opérateurs à un coût supérieur à celui qu’elle s’impute, ni leur imposer des conditions moins favorables que celles qu’elle s’applique à elle-même.
Si cette prise de position éclairante est salutaire, elle ne devrait guider les politiques de tarification des personnes publiques que pour un temps réduit. En effet, la France doit transposer, au plus tard le 18 juillet 2015, la directive 2013/37 du 26 juin 2013 concernant la réutilisation des informations du secteur public. Celle-ci crée des règles spécifiques applicables aux « organismes du secteur public qui sont tenus de générer des recettes destinées à couvrir une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public » : dans leur cas, le total des recettes générées par la réutilisation des données ne doit pas dépasser « le coût de collecte, de production, de reproduction et de diffusion, tout en permettant un retour sur investissement raisonnable« . Reste à voir comment le droit français aménagera ces nouveaux principes directeurs…
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.