Taux d’imposition et représentant fiscal : une mise en conformité bienvenue du droit français avec le droit de l’Union européenne
La différence de traitement fiscal entre les personnes physiques résidentes de France et les non-résidents en cas de plus-value de cession d’immeubles situés en France a fait l’objet d’un contentieux considérable.
En application de l’article 244 bis A du CGI, les plus-values immobilières réalisées en France par des non-résidents étaient en effet traditionnellement soumises à un prélèvement de 33,13% alors que les résidents de France, de l’Union européenne (UE) et de l’EEE n’étaient soumis à l’impôt qu’au taux de 19% sur ces mêmes cessions. Dans un arrêt du 26 décembre 2013, le Conseil d’Etat avait jugé que la clause de gel de l’article 64 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE, qui autorise en principe les Etats membres à maintenir une restriction à la liberté de circulation des capitaux existante au 31 décembre 1993, ne s’appliquait pas aux investissements immobiliers patrimoniaux réalisés en France par des résidents d’Etats tiers. La discrimination établie par l’article 244 bis A du Code Général des Impôts (CGI) semblait donc condamnée.
Plus récemment, le Conseil d’Etat a jugé le 20 octobre 2014 que la différence de taux d’imposition d’une plus-value de cession d’un immeuble situé en France par une SCI, selon que les associés personnes physiques résidaient ou non dans l’EEE, constituait également une restriction aux mouvements de capitaux.
Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a modifié le taux d’imposition de l’article 244 bis A du CGI de sorte qu’à compter du 1er janvier 2015, les plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques, directement ou par l’intermédiaire d’une société de personnes, sont imposées au taux de 19%, quel que soit le lieu de résidence du cédant (France, UE, EEE ou Etat tiers).
Pour le passé, les contribuables résidents d’Etat tiers peuvent introduire des réclamations contentieuses dans les délais de droit commun afin d’obtenir la restitution partielle (voire totale) du prélèvement qu’ils ont acquitté, en se fondant sur la jurisprudence précitée.
Par ailleurs, on sait que les contribuables non résidents qui cédaient un immeuble en France devaient obligatoirement désigner un représentant fiscal domicilié en France qui devait être accrédité par l’administration fiscale. Ce représentant devait s’engager à remplir les formalités et à acquitter le prélèvement pour le compte du non-résident en cas de défaut. A la suite d’un arrêt de la CJUE du 5 mai 2011 condamnant un mécanisme similaire existant en droit portugais, la Commission européenne avait adressé à la France, le 25 avril 2013, une mise en demeure de modifier sa réglementation, considérant cette obligation de désigna¬tion d’un représentant fiscal comme étant lourde et coûteuse et constituant une restric¬tion à la liberté de circulation des capitaux. Afin de tenir compte de cette jurisprudence et de cette mise en demeure, l’article 62 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a supprimé, pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015, l’obligation de désigner un représentant fiscal pour les contribuables personnes physiques résidant dans l’EEE (sauf Liechtenstein). Lorsque le cédant est une société de personnes, la dispense s’apprécie au niveau de chacun des associés. Ainsi, l’obligation de désigner un représentant est supprimée, en particulier, pour les SCI détenues exclusivement par des associés résidents d’Etats membres de l’UE. On ne peut que se féliciter de la mise en conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne sur ces deux points.
Auteur
Julien Saïac, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale
*Taux d’imposition et représentant fiscal : une mise en conformité bienvenue du droit français avec le droit de l’Union européenne* – Article paru dans La Lettre de l’Immobilier, Option Finance le 16 mars 2015