Imposition des sportifs non-résidents : jeu, set et match pour le contribuable
La décision Fisichella du Conseil d’Etat (CE, 17 février 2015, n°373230) permet à certains non-résidents ayant eu une activité en France de demander le remboursement partiel de la retenue à la source de l’article 182 B du CGI.
Cet article prévoit que le débiteur de rémunérations versées à un non résident est redevable, sous certaines conditions, d’une retenue à la source lorsque la prestation est rendue ou utilisée en France. Cette retenue est généralement écartée par les conventions fiscales, sauf pour les sportifs pour qui la règle est l’imposition dans l’Etat ou la prestation a été réalisée. Ces derniers supportent une retenue à la source de 15% du montant brut perçu à raison des prestations sportives effectuées en France (75% s’ils résident dans un ETNC). La retenue n’ayant pas de caractère libératoire, le sportif sera également redevable de l’impôt sur le revenu sur une base nette1.
Dans le silence des textes, l’administration estimait (BOI-IR-DOMIC-10-20-20-50 n°120) que la retenue à la source avait le caractère d’un prélèvement autonome, imputable en totalité sur l’impôt mais ne pouvant pas faire l’objet d’une restitution si la retenue excédait le montant de l’impôt. Le principe de la restitution est explicitement admise pour d’autres retenues (article 182 A CGI notamment), mais pas pour celle de l’article 182 B, les textes précisant uniquement que la retenue est « imputable« .
M. Fisichella, pilote de Formule 1 résidant en Italie, considérait au contraire que la retenue était un simple acompte, dont l’excédent pouvait faire l’objet d’une restitution. En raison des nombreuses charges exposées, la retenue à la source (assise sur le revenu brut) était supérieure à l’impôt (assis sur la rémunération nette de charges).
Le TA de Montreuil, la CAA de Versailles puis le Conseil d’Etat ont successivement donné raison à M. Fisichella en précisant qu’à défaut de caractère libératoire, la retenue à la source constitue nécessairement un acompte sur le paiement de l’impôt. La doctrine administrative se trouve ainsi infirmée.
Cette solution, favorable au contribuable, a par ailleurs le mérite de mettre le dispositif de l’article 182 B en conformité avec le droit communautaire. En effet, les décisions Gerritse et Scorpio2 interdisent d’imposer les revenus des non-résidents par voie de retenue à la source sans permettre l’imputation des frais professionnels.
La solution présente un intérêt pour les sportifs, mais également pour d’autres non-résidents ayant une activité en France, lorsqu’il n’y a pas convention fiscale entre la France et leur Etat de résidence ou, dans des cas assez rares, lorsque la convention fiscale ne fait pas obstacle à la retenue.
Les sociétés qui rendent en France des prestations de service sans y avoir d’établissement stable, visées par la même retenue de l’article 182 B, pourront également se prévaloir de cette décision, le CGI prévoyant l' »imputation » de la retenue sur l’IS sans préciser si la retenue est libératoire ou non (CGI, art. 219 quinquies).
Les contribuables concernés pourront introduire des réclamations dans les conditions fixées par les articles R.196-1 et s du CGI.
Notes
1. Au taux minimal de 20%, selon les modalités dérogatoires prévues par l’article 197 A
2. CJCE, 12 juin 2003, C-234/01 et 3 octobre 2006, C-290/04
Auteur
Clément Rozant, avocat, en fiscalité internationale.
*Imposition des sportifs non-résidents : jeu, set et match pour le contribuable* – L’actualité fiscale en bref parue dans le magazine Option Finance du 2 décembre 2015