Précisions sur les contours du droit à l’oubli : adoption d’une grille de lecture commune par le G29
A la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 13 mai 2014 sur le droit à l’oubli (voir notre commentaire), les autorités de protection des données personnelles européennes ont adopté, le 26 novembre 2014, dans le cadre des travaux du G29, une grille de lecture commune de cet arrêt.
Pour mémoire, la CJUE a consacré le droit des personnes à demander aux moteurs de recherche le déréférencement de leurs données personnelles, c’est-à -dire la suppression de certains résultats figurant dans la liste affichée par le moteur de recherche à la suite d’une requête. Elle précisait toutefois que les demandes en ce sens avaient vocation à être examinées au cas par cas, ce droit n’étant pas absolu mais devant s’apprécier au vu, non seulement de l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais surtout de l’intérêt du public à trouver l’information concernée par la demande de suppression.
Les nombreuses plaintes reçues par les autorités de protection, compétentes en cas de refus par les moteurs de recherche d’une demande de déréférencement, ont permis de dégager une liste de critères, dont la CNIL précise toutefois qu’elle doit être considérée comme non exhaustive et évolutive.
Le tableau ci-dessous propose un récapitulatif des facteurs à prendre en compte – en combinaison les uns avec les autres – par les moteurs de recherche comme par les autorités de protection, en vue d’apprécier la légitimité d’une demande de déréférencement.
Eléments en faveur du déréférencement | Eléments contre le réréférencement | |
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Personnalité publique | Information relative à une personnalité publique, portant sur sa vie familiale ou sa santé | Information relative à une personnalité publique, portant sur sa vie professionnelle ou relatant des faits susceptibles de contribuer à un débat dans une société démocratique. Information relative à une personnalité publique, portant sur sa vie professionnelle ou relatant des faits susceptibles de contribuer à un débat dans une société démocratique |
Plaignant mineur | En cas de plaignant mineur, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait primer. | |
Pertinence et exactitude des données | Information inexacte, donnant une impression trompeuse sur la personne, qualifiée pénalement de diffamation, injure ou calomnie, excessive au regard du contexte ou encore constitutive de dénigrement. | Information relative à la vie professionnelle d’une personne, en fonction du métier exercé et selon l’intérêt du public à avoir accès à l’information. |
Données sensibles | La CNIL sera plus encline à préconiser le déréférencement de données portant sur l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques ou convictions religieuses et philosophiques, l’appartenance syndicale, la santé ou vie sexuelle | |
Information à jour | Information périmée au regard du contexte initial de mise en ligne. | |
Contexte de publication de l’information | Contenu mis en ligne par le plaignant, lequel ne souhaite plus voir ce contenu référencé. | Contenu dont le plaignant pouvait raisonnablement savoir qu’il allait être rendu public. |
Information relative à une infraction pénale | Informations relatives à une infraction amnistiée ou à des infractions mineures dont la publication a un impact disproportionné sur la vie privée sans qu'il y ait un intérêt pour le public de les connaître. | |
Autres éléments | Information créant un préjudice pour la personne concernée ou un risque tel que vol d’identité ou harcèlement. | Information rendue publique à des fins journalistiques ou dont la publication répond à une exigence légale. |
Lorsque le déréférencement doit être admis, le document publié par la CNIL souligne que celui-ci doit être effectif sur toutes les extensions pertinentes.
Il précise en outre qu’une mention publiée par le moteur de recherche et visant à informer le public que certains résultats n’apparaissent plus ne sera acceptable que dans la mesure où elle ne laisse pas supposer que la suppression résulte d’une demande provenant d’une personne spécifique : à cet égard, Google a choisi une mention systématique en cas de recherche portant sur un nom1, que des contenus aient été déréférencés ou non.
Note
1 « Lorsque vous recherchez un nom, une notification peut indiquer que les résultats sont susceptibles d’avoir été modifiés conformément à la législation européenne en matière de protection des données. Nous affichons cette notification en Europe quand un utilisateur recherche des noms, et non simplement des pages concernées par une suppression » (FAQ des règles de confidentialité et conditions d’utilisation Google).
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Julie Tamba, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.