Les nouvelles règles du cumul emploi retraite
26 janvier 2015
Le cumul emploi retraite permet au salarié ayant fait liquider sa retraite de reprendre l’activité qu’il exerçait auparavant, ou d’en entreprendre une nouvelle, tout en continuant à percevoir sa retraite. La loi du 20 janvier 2014 a réaménagé ce dispositif à partir du 1er janvier 2015. Un décret du 30 décembre 2014 et une circulaire de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) du 29 décembre 2014 l’ont précisé. Point sur les règles applicables.
Le salarié qui souhaite reprendre une activité après avoir liquidé sa retraite peut cumuler entièrement ses pensions de vieillesse avec une activité professionnelle, même chez son précédent employeur, s’il remplit un certain nombre de conditions («cumul emploi retraite total»).
Si ces conditions ne sont pas réunies, le cumul des pensions de retraite avec les revenus tirés de l’activité reprise est limité par un plafond, et le salarié doit, le cas échéant, respecter un délai de carence («cumul emploi retraite plafonné»).
Qu’il soit total ou plafonné, le cumul emploi retraite suppose, au préalable, que le salarié ait liquidé ses pensions de vieillesse.
Cesser toute activité pour liquider une pension de retraite
La liquidation d’une pension de retraite est en principe subordonnée à une condition de cessation d’activité.
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 20 janvier 2014, la liquidation d’une pension de retraite du régime général de sécurité sociale était subordonnée à la cessation de toute activité relevant du régime général (ou du régime des salariés agricoles ou de certains régimes spéciaux de retraite, qui appartenaient au même «groupe de régimes» que le régime général).
Le salarié devait donc rompre tout lien professionnel avec son ancien employeur.
Dans le cas d’un mandataire social rémunéré «assimilé à un salarié» au regard de la protection sociale, la rupture du lien professionnel impliquait la cessation du mandat.
En revanche, rien n’empêchait un salarié souhaitant liquider sa pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale de poursuivre concomitamment une activité relevant de groupes de régimes différents (par exemple, régime social des indépendants, régime des professions libérales etc).
Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la loi du 20 janvier 2014 a soumis le service d’une pension de vieillesse de n’importe quel régime de base à la cessation de toutes les activités salariées et non salariées, quel que soit le régime dont elles relèvent.
Cette règle est applicable aux assurés dont la première pension prend effet à compter du 1er janvier 2015.
L’assuré doit désormais produire, au moment où il demande la liquidation de sa retraite, une attestation sur l’honneur mentionnant la date de cessation de toute activité, salariée ou non salariée, donnant lieu à affiliation à un régime quelconque de retraite de base au cours des six mois précédant la date d’effet de la pension.
La reprise d’une activité n’est plus génératrice de droits nouveaux à retraite
La cessation de toute activité professionnelle pour liquider une pension de retraite de base ne remet pas en cause la possibilité de reprendre une activité après la liquidation de la retraite.
Mais cette reprise d’activité n’ouvrira désormais droit à aucun avantage vieillesse auprès d’aucun régime légal ou rendu légalement obligatoire d’assurance vieillesse, de base ou complémentaire (sauf en cas de retraite progressive). En d’autres termes, l’assuré cotise à perte au titre de l’activité reprise sans se créer de nouveaux droits à retraite, et ce même si l’activité reprise l’affilie à un autre régime que celui qui lui sert sa pension de vieillesse.
La liquidation d’une pension de retraite d’un régime de base a pour conséquence, selon la DSS, de «cristalliser» les avantages vieillesse acquis par l’assuré dans l’ensemble des régimes. A la date d’effet de la première pension de retraite, chacun des régimes dont l’assuré a relevé calcule les droits qu’il a acquis et établit une date d’arrêt des droits. Passée cette date, aucune activité reprise par l’assuré ne pourra plus créer aucun droit nouveau à retraite dans aucun régime.
Le cumul emploi retraite total
S’il remplit un certain nombre de conditions, le salarié (ou le mandataire social «assimilé à un salarié») peut entièrement cumuler les revenus tirés d’une reprise d’activité avec le service de ses pensions de vieillesse du régime général de sécurité sociale. S’il reprend cette activité chez son ancien employeur, il n’a pas à observer de délai de carence.
La loi du 20 janvier 2014 n’a pas remis en cause ce principe.
Le bénéfice du cumul emploi retraite total est soumis à la réunion des conditions suivantes :
- Le salarié doit être en mesure de bénéficier d’une retraite de base à taux plein (soit parce qu’il a atteint l’âge requis pour bénéficier automatiquement du taux plein, soit, avant cet âge, parce qu’il justifie d’un nombre suffisant de trimestres d’assurance).
- Le salarié doit avoir liquidé toutes les pensions de retraite personnelles auxquelles il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales.
Cela implique notamment la liquidation de la retraite ARRCO et, si le salarié est cadre, de la retraite AGIRC.
Par dérogation, la loi du 20 janvier 2014 permet à l’assuré de ne pas liquider une pension de retraite si les règles qui lui sont applicables prévoient un âge d’ouverture des droits, avec ou sans décote, supérieur à l’âge légal d’ouverture des droits à retraite (62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955). Tel est le cas, par exemple, dans certains régimes de retraite complémentaires de professions libérales. L’assuré devra néanmoins liquider cette pension à partir de l’âge requis par ce régime ou, en cas de décote, à l’âge à partir duquel la décote prend fin.
L’assuré titulaire d’une pension de retraite servie par le régime général de sécurité sociale (ainsi que par le régime des salariés agricoles ou certains régimes spéciaux de retraite) doit déclarer sa reprise d’activité, si elle donne lieu à affiliation à l’un de ces régimes, dans le mois qui suit cette reprise. Cette déclaration doit être faite par écrit auprès de l’organisme qui lui sert la pension au titre de son dernier régime d’affiliation. Il doit également prévenir la caisse AGIRC-ARRCO préalablement à la reprise d’activité.
Le cumul emploi retraite plafonné
Lorsque les conditions nécessaires au cumul emploi retraite total ne sont pas réunies, le salarié peut cumuler les revenus tirés d’une reprise d’activité donnant lieu à affiliation au régime général de sécurité sociale (au régime des salariés agricoles, ou à certains régimes spéciaux de retraite) avec sa pension de retraite de base du régime général de sécurité sociale, mais ce cumul est alors plafonné et un délai de carence de 6 mois doit être respecté entre l’entrée en jouissance de la pension et la reprise d’activité si elle a lieu chez le dernier employeur.
Les revenus perçus au titre de l’activité reprise ajoutés aux pensions de retraite (retraite de base du régime général, du régime des salariés agricoles et de certains régimes spéciaux, et retraites complémentaires légalement obligatoires) ne doivent pas dépasser 160% du SMIC ou, si ce plafond est plus favorable à l’assuré, la moyenne mensuelle des salaires des trois derniers mois d’activité salariée.
En cas de dépassement des plafonds, la loi dispose désormais que la pension de retraite de base du régime général sera réduite à due concurrence du dépassement, et non plus suspendue. Un décret doit toutefois préciser les modalités de mise en œuvre de cette mesure. Faute pour l’heure de parution de ce décret, l’ancienne règle demeure applicable (suspension du service des pensions).
Auteurs
Sandra Petit, avocat, spécialisée en matière de conseil et de contentieux pour des entreprises françaises et étrangères.
Cécile Derouin, avocat en droit social.
Article paru dans le magazine Décideurs de janvier 2015
A lire également
Actualités sociales de l’été 2023 : quels sont les points essentiels à ret... 7 septembre 2023 | Pascaline Neymond
Transaction à la suite d’un licenciement pour faute grave : attention à l’... 29 janvier 2015 | CMS FL
Contrôle URSSAF : la mise en demeure qui ne mentionne pas le délai imparti au ... 25 juillet 2017 | CMS FL
Ordonnances Macron : le prêt de main d’œuvre facilité pour les jeunes entre... 28 décembre 2017 | CMS FL
Indemnités kilométriques : nul besoin que le salarié soit propriétaire du vÃ... 5 mai 2014 | CMS FL
Contrôle URSSAF : obligation de mise en conformité avec les observations anté... 3 janvier 2014 | CMS FL
Attributions gratuites d’actions (AGA) : l’embellie n’aura pas duré !... 21 février 2017 | CMS FL
Attributions d’actions gratuites : la contribution patronale est due même... 3 juillet 2014 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente