La gratification des stagiaires après la loi du 10 juillet 2014
31 décembre 2014
La loi du 10 juillet 2014 et ses décrets d’application ont pour objet de compléter la réforme du statut des stagiaires, afin de le sécuriser. Cette loi est entrée en vigueur le 12 juillet 2014.
La principale mesure, outre la mise en place de quotas, concerne la question de leur gratification, qui a toujours fait l’objet de nombreuses critiques.
La parution du décret du 27 novembre 2014, lequel fixe l’augmentation de la gratification minimale due aux stagiaires offre l’opportunité d’un point sur celle-ci.
Une gratification pour tout stage d’une durée supérieure à deux mois
Tout stagiaire effectuant un stage d’une durée supérieure à deux mois bénéficie d’une gratification.
Afin d’éviter un découpage artificiel des stages, cette gratification est due dès lors que la durée du stage est supérieure à deux mois consécutifs ou à deux mois, consécutifs ou non, sur la même année scolaire ou universitaire.
Le décret précise que la durée du stage s’apprécie en fonction de la durée de présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil : toute période de 7 heures de présence, consécutives ou non, étant considérée comme équivalente à un jour et toute période, consécutive ou non, de 22 jours étant considérée comme équivalente à un mois.
Les entreprises restent bien évidemment libres de rémunérer les stages d’une durée inférieure à deux mois.
Une augmentation échelonnée du montant minimal de la gratification
La loi et le décret prévoient une augmentation échelonnée de la gratification du stagiaire :
- 13.75% du plafond horaire de la sécurité sociale pour les conventions de stages signées entre le 1er décembre 2014 et le 31 août 2015 ;
- 15% du plafond horaire de la sécurité sociale pour les conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015.
Il s’agit du minimum légal. Les conventions collectives de branche ou un accord professionnel étendu peuvent fixer une gratification minimale plus favorable.
Les entreprises sont libres de verser une gratification supérieure au stagiaire.
On peut s’interroger sur le fait que des stagiaires, présents dans l’entreprise au même moment, puissent recevoir une gratification différente en fonction de la date de signature de leur convention en termes d’égalité de traitement.
Il pourrait être recommandé d’aligner la gratification versée à l’ensemble des stagiaires présents dans l’entreprise, quelle que soit la date de signature de la convention de stage.
Les avantages accessoires
Depuis l’entrée en vigueur de la loi, les entreprises sont également tenues de faire bénéficier les stagiaires :
- d’une prise en charge équivalente à celle des salariés en matière de remboursement des frais de transport en commun ;
- d’une prise en charge des frais de restauration dans les mêmes conditions que les salariés (accès à la cantine ou octroi de tickets restaurants).
Il est précisé que la prise en charge de ces éléments s’ajoute à la gratification minimale prévue par la loi.
Incidences des absences et congés payés
Depuis le 12 juillet 2014, les stagiaires bénéficient de droit à congés en cas de maternité, paternité ou adoption d’une durée équivalente à ceux des salariés. De même, pour les stages d’une durée de 2 à 6 mois, la convention doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisation d’absences.
Ni la loi, ni le décret ne précisent le point de savoir si ces absences autorisées et congés sont rémunérés.
Par ailleurs, les dispositions concernant le versement de la gratification ne permettent pas d’adopter à cet égard une position tranchée.
En effet, si la durée du stage ouvrant droit à gratification est appréciée en fonction de la présence effective du stagiaire, la loi précise que la gratification minimale a un caractère forfaitaire indépendant du nombre de jours ouvrés dans le mois, ce qui pourrait s’opposer à la proratisation de la gratification en fonction des absences.
Par ailleurs, le décret abroge les dispositions relatives à la proratisation de la gratification en cas de suspension ou de résiliation de la convention de stage mais précise que la gratification est due pour toute heure de présence du stagiaire…
Partant, en l’absence de dispositions légales précises, il est recommandé de préciser ce point dans la convention de stage. Les absences autorisées devraient être rémunérées, à l’instar de ce qui se pratique pour les salariés. La question des congés, qui ne sont pas qualifiés de congés payés, est sujette à discussion.
Le traitement social et fiscal de la gratification versée au stagiaire
Cette gratification n’a pas le caractère d’un salaire.
Au plan fiscal, elle bénéficie actuellement d’une exonération totale d’impôt sur le revenu, sous réserve que les stages fassent partie intégrante du programme de l’école ou des études, qu’ils soient obligatoires pour les intéressés et qu’ils ne durent pas plus de trois mois.
La loi du 10 juillet 2014 a modifié le Code des impôts afin de prévoir une exonération des indemnités de stage dans la limite du montant annuel du SMIC, et ce, que le stagiaire soit ou non rattaché au foyer fiscal de ses parents. Cette exonération ne devrait s’appliquer qu’aux gratifications versées en application de conventions de stage conclues à compter du 1er septembre 2015.
Au plan social, les gratifications versées bénéficient d’une exonération de cotisations sociales pour la fraction n’excédant pas le minimum légal.
Les sommes versées au stagiaire au-delà de cette limite seront donc assujetties à charges patronales et salariales, à l’exception des cotisations d’assurance chômage et de retraite complémentaire.
On notera que la prise en charge des frais de restauration ou de transport au-delà des limites prévues par la loi pourrait, le cas échéant, être considérée comme un avantage en nature, lequel serait nécessairement soumis à cotisations sociales puisqu’ils s’ajoutent à la gratification minimale.
Auteurs
Vincent Delage, avocat associé en droit social.
Laure Soyer, avocat en droit social.
Article paru dans Les Echos Business le 29 décembre 2014
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