Pour Noël 2014, rappel opportun du Conseil d’Etat sur les règles régissant les exceptions au démarchage
Dans le maelström des évolutions réglementaires auquel le praticien est aujourd’hui confronté, il est toujours rassurant de retrouver affirmés les principes applicables à un texte qui fait la particularité, voire le «charme», de la commercialisation d’instruments financiers en France, nous voulons ici parler du démarchage bancaire et financier.
En effet, alors que la Directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 (MIF II) et la question cruciale du traitement des rétrocessions (et plus précisément du champ de la notion d’indépendance1) n’en finissent pas de susciter des débats, que le règlement PRIPS a été publié2 et que l’AMF a réaffirmé que le conseil valait commercialisation3, la réglementation sur le démarchage et ses près de 134 ans d’histoire semblait, jusqu’à une décision de l’AMF du 5 juin 20144, avoir trouvé une relative stabilité.
Dans un considérant mystérieux, si ce n’est inquiétant, la Commission des sanctions de l’AMF semblait, dans cette décision, être revenue sur un principe clef de l’organisation du démarchage en France, à savoir le bénéfice des exemptions à ce régime pour les instruments financiers pour lesquels le démarchage est interdit.
Ainsi, la Commission des sanctions avait considéré qu’ «en tout état de cause, que les titres proposés […] constituant des instruments financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés définis aux articles L. 421-1 et L.422-1 du code monétaire et financier [Comofi], ils ne pouvaient faire l’objet de démarchage».
Bien que certains auteurs aient qualifié un tel considérant d’ «imprécision rédactionnelle»5, on pouvait craindre qu’il ne soit interprété comme posant une interdiction de principe et irrévocable de la commercialisation des produits interdits de démarchage par l’article L.341-10 du Comofi, nonobstant la possibilité de les commercialiser dans le cadre d’une exemption au régime du démarchage.
Une telle interprétation aurait été à rebours d’une précédente décision de l’AMF6, et quand bien même il ne faisait pas de doute qu’une telle approche ne pouvait (ni devait) prospérer, l’absence de position claire pouvait susciter des abus de quérulences au préjudice des acteurs de la place.
Fort heureusement, le Conseil d’Etat a rappelé le 28 novembre dernier : «que les actes de démarchage portant sur ces titres étaient donc en principe prohibés, compte tenu de l’interdiction édictée par l’article L.341-10 du [Comofi]; qu’il appartenait à la société, à la suite de la notification de grief, d’établir que les actes de démarchage litigieux pouvaient bénéficier des exceptions énumérées à l’article L. 341-2 du même code».
Si ce considérant ne constitue pas une nouveauté au regard de la doctrine classique, il a néanmoins le mérite de rappeler, à raison, qu’on ne doit pas confondre interdiction de commercialisation et interdiction de démarchage.
Reste à espérer pour Noël 2015 que nos tribunaux concluent que les actes de conseil ne sont pas des actes de commercialisation dans des situations de «reverse sollicitation».
Notes
1. ESMA Consultation Paper 2014-549.
2. Règlement n°1286/2014 du Parlement Européen et du conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance.
3. Position – Recommandation DOC-2014-05.
4. SAN-2014-11.
5. RTDF n° 4 Juillet 2014, P. Goutay & A. Mialon.
6. Décision du 10 décembre 2012 SAN-2012-19.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.
Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 5 janvier 2015