Fiscalité de la transmission de patrimoine : Transmettre de son vivant à ses proches : nouvelles possibilités
La fiscalité de la transmission entre vifs a été bien alourdie. Néanmoins, des régimes particuliers favorisent les donations et pas les successions.
Au fil des ans, la fiscalité des transmissions entre vifs s’est progressivement durcie : suppression des réductions de droits, augmentation de 5% du taux de certaines tranches, abaissement de l’abattement en ligne directe de 159.325 à 100.000 euros et allongement du délai de rappel fiscal à quinze ans. En outre, si le conjoint survivant, ou le partenaire de PACS, reste exonéré de droits de succession, toute transmission entre vifs entre eux reste imposable après un abattement en 2014 de 80.724 euros.
Toutefois, au plan civil préparer sa succession conserve certains avantages : une donation-partage permet de figer définitivement la valeur de rapport du bien reçu à la succession, une transmission transgénérationnelle permet d’entamer la part réservataire de son enfant au profit de ses petits-enfants, tout en évitant d’obérer sa quotité disponible. Au surplus, certains régimes particuliers favorables n’existent que dans le cadre d’une donation et non d’une succession.
Ainsi, il a été créé un régime fiscal spécifique aux dons familiaux de sommes d’argent consenties en pleine propriété au profit de descendants (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants) ou, pour les personnes sans descendance, au profit de ses propres neveux ou nièces (petits-neveux ou petites-nièces en cas de prédécès d’un neveu ou nièce – CGI art. 790 G). Si le donateur a moins de 80 ans et le donataire est majeur, ces dons sont exonérés de droits de donation à hauteur actuellement de 31.865 euros, à condition qu’ils fassent l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration fiscale dans le mois de leur réalisation. Ces dons ne font pas l’objet du rappel fiscal lors d’une nouvelle mutation et sont réalisables tous les quinze ans. Cet abattement est cumulable avec tout autre abattement.
Un père âgé de 70 ans peut donc, en tenant compte de l’abattement général de 100.000 euros, transférer à sa fille majeure une somme globale de 131.865 euros en totale exonération.
Un ascendant de moins de 80 ans peut donner à chacun de ses petits-enfants majeurs la somme globale de 63.730 euros sans aucune imposition. En effet, les donations consenties par des grands-parents à leurs petits-enfants, vivants ou représentés, bénéficient d’un abattement spécifique de 31.865 euros tous les quinze ans, sans aucune condition d’âge (l’abattement général de 100.000 euros ne leur est pas applicable, sauf en cas de représentation), auquel s’ajoute l’abattement de 31.865 euros précité (applicable aux seuls dons de sommes d’argent). Il existe un même dispositif pour les donations consenties par des arrière-grands-parents à leurs arrière-petits-enfants et ce, toujours sans aucune condition d’âge. L’abattement spécifique est dans ce cas de 5.310 euros.
D’autres raisons militent pour une transmission anticipée. La donation de la nue-propriété d’un bien par le donateur qui s’en réserve l’usufruit jusqu’à son décès, permet de réduire notablement l’assiette imposable et consécutivement l’impôt dû. Ainsi, alors que l’héritier paye des droits de succession sur la valeur en pleine propriété du bien recueilli, la donation en démembrement permet de n’imposer que la valeur de la nue-propriété du bien donné calculée en fonction de l’âge du donateur ; soit une imposition sur 50 % seulement de la valeur en pleine propriété si le donateur a moins de 61 ans ou sur 60% si le donateur a moins de 71 ans… (CGI art. 669). Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans droit supplémentaire.
En outre, le donateur peut prendre en charge les frais et l’impôt dus au titre de la donation sans que cela constitue au plan fiscal une libéralité supplémentaire. Or, dans le cadre d’une succession, l’héritier doit payer des droits de succession sur les fonds qu’il reçoit et qui vont lui servir à régler cet impôt ; l’impôt dû n’étant pas déductible de la masse successorale imposable.
Enfin, si le bien donné est grevé d’un emprunt bancaire qui a servi à son acquisition et que le donateur transfère la charge de cet emprunt en même temps que la propriété du bien, cette charge financière est exceptionnellement déductible de l’assiette imposable aux droits de donation.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 en cours d’adoption, il est prévu d’ajouter un abattement spécifique pour des donations de logements neufs ou de terrains à bâtir : le donataire doit prendre l’engagement d’achever la construction de logements dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte.
Dans les deux dispositifs, des conditions de délais sont posées et le montant de l’abattement serait de 100.000 euros en ligne directe ou entre conjoints ou partenaires de PACS, de 45.000 euros si elle est faite au profit de la fratrie et de 35.000 euros au profit de toute autre personne. Il est précisé que l’ensemble des donations consenties par un même donateur ne peuvent être exonérées qu’à hauteur de 100.000 euros.
Auteur
Isabelle Fleuret, avocat en matière de Droit du patrimoine
Article paru dans Le Revenu.Com le 14 novembre 2014