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Le « coup d’accordéon » et la violation d’un pacte d’actionnaires

Au premier regard, il peut sembler singulier qu’un «coup d’accordéon» puisse heurter un pacte d’actionnaires. Telle est pourtant la conclusion à laquelle a abouti la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 27 mars 2014, et qu’il faut probablement approuver.

Un pacte d’actionnaires avait été conclu, au sein d’une société, entre les fondateurs de cette société, des actionnaires dits «Friends and Family», des «Investisseurs du premier tour» et des «Investisseurs du second tour». Aux termes de celui-ci, chaque investisseur bénéficiait d’un «droit permanent au maintien de sa participation dans le capital de la société». Les autres actionnaires s’étaient donc engagés, en cas d’opération financière ayant pour conséquence une modification immédiate ou à terme du nombre d’actions de la société, à proposer aux investisseurs de souscrire à l’opération, au prorata de leur participation.

Par la suite, les fonds propres de la société étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social, ce qui a conduit l’assemblée générale des actionnaires, à la majorité qualifiée, à voter la réduction du capital social à zéro, suivie d’une augmentation de capital, ce que l’on dénomme couramment un «coup d’accordéon». Cette augmentation avait néanmoins été réservée à un investisseur extérieur à la société et les actionnaires ont voté, à son profit, la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires en place. De la sorte, ces derniers étaient tous privés de la possibilité de souscrire à l’augmentation du capital. L’un des investisseurs signataire du pacte avait ainsi invoqué la violation du pacte conclu et sollicité l’attribution de dommages et intérêts.

À l’opposé, les autres actionnaires faisaient valoir que le « coup d’accordéon » était constitué de deux opérations distinctes, une réduction du capital à zéro et une augmentation du capital subséquente, et donc que l’investisseur avait perdu sa qualité d’actionnaire à la suite de la première opération. Ils en déduisaient qu’il ne pouvait pas se prévaloir du pacte au moment de l’augmentation du capital social.

La cour d’appel de Paris a rejeté cette analyse et accordé à l’investisseur 100 000 euros de dommages et intérêts. Selon la cour, le «coup d’accordéon» ne peut «que s’analyser en une opération unique, aucun des segments de l’opération (…) ne pouvant être réalisé sans que les autres le soient aussi». Par voie de conséquence, l’existence du pacte d’actionnaires faisait obstacle à ce que l’augmentation de capital soit réservée au nouvel investisseur.

Sans doute faut-il souscrire à l’analyse de la cour d’appel de Paris dans la mesure où la loi désigne le «coup d’accordéon» comme la réduction du capital social sous «condition suspensive» d’une augmentation de capital. Il s’ensuit que la réduction du capital social ne peut exister, juridiquement, que si l’augmentation du capital est réalisée. Il n’apparaît donc pas possible de soutenir que la première opération anéantit les pactes d’actionnaires existant au sein de la société, lesquels ne pourraient donc pas s’appliquer à la seconde opération. Un tel raisonnement heurte nécessairement de front la lettre du Code de commerce.

 

Auteur

Christophe Blondeau, avocat associé spécialiste des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity.

 

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 27 octobre 2014

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