Un paysage fiscal adouci pour les terrains à bâtir
Pour encourager les particuliers propriétaires fonciers à mettre sur le marché leurs terrains constructibles, le législateur avait imaginé les années passées la création d’une période transitoire de «statu quo», préalable à un net durcissement du traitement fiscal des plus-values.
Mais les tentatives d’application à terme du barème progressif en lieu et place du taux d’IR de 19% concernant les terrains à bâtir, voire de suppression totale à leur égard des abattements pour durée de détention se sont successivement heurtées à la position du Conseil Constitutionnel.
Le reproche tenait plus à l’absence totale de prise en compte du facteur temps dans le mode de taxation qu’à l’existence d’une distorsion vis-à-vis des autres biens immobiliers.
* Une page est tournée et un virage plus encourageant est désormais à l’ordre du jour
«Laissées pour compte» de la réforme de l’année dernière, les mutations de terrains à bâtir font l’objet de 3 mesures incitatives dans le projet de loi de finances pour 2015. Les 2 premières s’appliquent d’ailleurs depuis le 1er septembre par l’effet d’une instruction administrative. Si des aménagements défavorables devaient être apportés au texte de loi ceux-ci n’auraient d’effet qu’à compter de son entrée en vigueur. Raison de plus pour profiter sans attendre de ces dispositifs.
1ère mesure : les plus-values sur terrains à bâtir sont désormais soumises au même régime d’abattement que les immeubles bâtis. En matière d’impôt sur le revenu (6% pour chaque année au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e / 4% pour la 22e), la plus-value –toujours soumise au taux de 19%- se trouve exonérée au bout de 22 ans.
En matière de CSG et de contributions assimilées (soit un taux global de 15,5%) le barème aboutira toujours à une exonération au bout de 30 ans (1,65% pour chaque année au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e/ 1,60% pour la 22e/9% au-delà de la 22e).
2ème mesure : la plus-value nette imposable obtenue après application du précédent dispositif (en matière d’IR) bénéficie provisoirement d’un abattement exceptionnel de 30%. Ne sont ici concernées que les ventes consécutives à une promesse ayant acquis date certaine entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015 et à condition que la cession définitive intervienne au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit.
Pour une promesse signée d’ici le 31 décembre prochain, la vente devra donc intervenir avant le 31 décembre 2016 et pour une promesse conclue en 2015, il s’agira de ne pas dépasser le 31 décembre 2017 pour concrétiser la cession.
On peut ici regretter que les ventes couvertes par une promesse signée avant le 1er septembre 2014 ne puissent pas bénéficier de ce régime.
3ème mesure : en l’état actuel du projet de loi de finances, les donations en pleine propriété de terrains à bâtir consenties entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015 seraient exonérées de droits à concurrence de 100.000 euros. Le donataire devrait toutefois prendre l’engagement pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date de l’acte.
* Pour l’ensemble de ces mesures, qu’entend-on toutefois par «terrains à bâtir» ?
Il s’agit notamment des terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu, voire d’une carte communale. En utilisant comme critère de distinction la définition du terrain à bâtir prévue pour la TVA -comme l’an passé pour la dernière réforme- aucune mutation portant sur une construction en état d’utilisation ne pourra bénéficier de ces mesures.
Or on sait aujourd’hui que dans les zones à forte densité –là où le besoin en logements est le plus important- rares sont les assiettes foncières totalement dépourvues de constructions utilisables.
Certes une mesure d’abattement exceptionnel de 25% sur la plus-value existe déjà pour les cessions d’immeubles bâtis situés dans les zones «tendues» réalisées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016. Mais ce dispositif reste soumis à des conditions très strictes, tant en terme de délai que de surface à réaliser, et dont le non-respect entraine à l’égard du cessionnaire l’application de pénalités pouvant être disproportionnées par rapport à l’impôt économisé par le cédant.
Dans les faits, les nouvelles mesures sur les terrains à bâtir pourraient rapidement trouver leurs limites et leur élargissement aux constructions destinées à être démolies ou restructurées en vue de la création de logements serait souhaitable, sauf à assouplir et prolonger le dispositif qui concerne déjà ces dernières.
Le foncier disponible ne se limitant pas qu’aux seuls terrains non bâtis, on peut espérer que les débats parlementaires en cours permettront une évolution dans l’un ou l’autre de ces sens.
Auteur
Christophe Frionnet, avocat associé, spécialisé en fiscalité directe.