Plus-values immobilières : les changements à anticiper
Le régime d’imposition des plus-values immobilières des particuliers est complexe et n’incite pas à vendre rapidement. Pour stimuler les ventes, la loi a prévu l’application d’un abattement temporaire de 25%, mais il devrait disparaître le 31 août 2014. Etat des lieux dans un contexte législatif assez instable.
1. Le régime général d’imposition dégressive : une incitation à conserver longtemps
Lorsque la cession porte sur un bien immobilier non exonéré (nous reviendrons ci-après sur les principales exonérations), la fiscalité sur les plus-values n’encourage pas les ventes rapides. En effet :
- les impositions prélevées, sur le prix de vente, s’élèvent à 34,5% (19% pour l’impôt sur le revenu et 15,5% pour les prélèvements sociaux), voire davantage lorsque la taxe sur les plus-values immobilières élevées (supérieures à 50.000 euros) s’applique1,
- cette imposition est atténuée par un système d’abattements pour durée de détention qui incite les vendeurs à garder leurs biens pour bénéficier d’une imposition dégressive, voire d’une exonération complète, y compris pour les prélèvements sociaux, si la cession intervient au bout de 30 ans.
2. L’intérêt de l’abattement temporaire de 25 % et sa disparition le 31 août 2014
A titre transitoire, le législateur a prévu d’appliquer à l’imposition de la plus-value, calculée après le jeu des abattements pour durée de détention, un abattement exceptionnel de 25% (sauf si la vente porte sur un terrain à bâtir ou sur les titres d’une société immobilière).
Sous son effet, le taux d’imposition de 34,5 % annoncé ci-dessus se réduit à 25,875%. L’abattement de 25% concerne l’impôt sur le revenu, la taxe sur les plus-values immobilières élevées et les prélèvements sociaux. Il réduit donc un peu l’incitation à conserver longtemps un bien immobilier avant de le céder, même si l’exonération complète ne reste atteignable qu’après une détention de 30 ans.
Le législateur a prévu que l’abattement de 25% s’applique à condition que l’acte notarié soit signé le 31 août 2014 au plus tard. En pratique, compte tenu des délais pour finaliser une vente d’immeuble, celles qui sont envisagées aujourd’hui ont peu de chances d’être réalisées aussi rapidement. Des cédants s’inquiètent de ne plus pouvoir en bénéficier. Le Gouvernement est conscient de l’atonie persistante du marché, ce qui peut faire espérer qu’il ne privera pas les cédants de l’abattement exceptionnel de 25%… mais la loi de finances pour 2014 qui l’a institué n’a prévu sa prorogation que pour certaines opérations de démolition pour création de logements dans des zones urbaines tendues. Et aucune autre prorogation n’a fait partie des pistes récemment annoncées par le Gouvernement pour redynamiser le marché immobilier.
3. Les abattements pour durée de détention : un régime devenu peu lisible
Par rapport à l’abattement pour durée de détention qui s’est appliqué aux cessions réalisées du 1er février 2012 au 31 août 2013, le nouveau système mis en place (pour les biens autres que les terrains à bâtir) est plus favorable, mais aussi nettement plus complexe. Le régime actuel d’abattement pour durée de détention comporte un double barème (cette curieuse modalité conduit donc, pour une même plus-value, à calculer deux gains différents selon l’impôt) :
- pour l’impôt sur le revenu de 19% : abattement de 6% pour chaque année de détention au-delà de la 5ème, ce qui conduit à une exonération au bout de 22 ans de détention,
- pour les prélèvements sociaux de 15,5%, l’abattement est moins rapide : abattement de 1,65% pour chaque année de détention au-delà de la 5ème et jusqu’à la 21ème, de 1,60% pour la 22ème année de détention, et de 9% pour chaque année au-delà de la 22ème, ce qui conduit à une exonération au bout de 30 ans de détention.
L’impôt est devenu très peu lisible. Un exemple chiffré peut aider à y voir plus clair. Pour une vente de maison ou d’appartement dégageant 50.000 euros de plus-value après 15 ans de détention, on applique 60 % d’abattement pour le calcul de l’impôt sur le revenu (à 19%) et 16,5% seulement d’abattement pour les prélèvements sociaux (à 15,5%). L’imposition s’élèverait à 10 271 euros, ce qui montre l’intérêt des cédants à réduire l’imposition d’un quart s’ils peuvent bénéficier de l’abattement de 25% en finalisant la vente avant le 31 août 2014.
4. Les régimes d’exonération
Un propriétaire impatient sera intéressé par les quelques dispositifs d’exonération totale qui subsistent.
Celui en faveur de la résidence principale est bien connu. Si l’on a déjà acquis sa nouvelle résidence principale, la plus-value de cession de la précédente est exonérée à condition que le logement ne soit pas donné en location ou occupé gratuitement avant la cession, et qu’elle intervienne dans « es délais normaux de vente».
Celui prévu en cas de cession d’une résidence secondaire pour acquérir sa résidence principale n’est valable qu’une fois. Il suppose de ne pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des 4 ans précédant la vente, et de remployer le prix de la vente dans un délai de 24 mois pour acheter ou faire construire sa résidence principale. L’exonération qui a porté sur la fraction du prix non réinvesti sera remise en cause.
Pour les retraités et les invalides, deux dispositifs sont prévus sous conditions de ressources. Le premier s’adresse aux titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d’invalidité. Le second cible la cession de l’ancienne résidence principale d’une personne retraitée ou handicapée lorsqu’elle intègre un établissement spécialisé. Un délai de deux ans est accordé pour vendre le bien.
Dans le cadre d’une expropriation suite à une déclaration d’utilité publique, la plus-value peut également être exonérée, en cas de remploi.
Enfin, les particuliers qui cèdent un bien immobilier, bâti ou non, à un organisme en charge du logement social bénéficient d’une exonération qui devrait disparaître le 31 décembre 2015.
5. La réforme annoncée de l’imposition des terrains à bâtir (TAB)
Lorsqu’une cession porte sur un TAB, la plus-value est soumise au même taux d’imposition de 34,5% (19% pour l’impôt sur le revenu et 15,5% pour les prélèvements sociaux) mais sur une base qui, à la différence des autres cessions immobilières, reste décotée selon l’ancien barème sur 30 ans2.
Cette différence résulte de récentes positions du Conseil constitutionnel. En effet, le législateur, conscient de la nécessité d’accélérer les cessions de TAB pour permettre la construction de logements, a déjà tenté par deux fois et sans succès d’alourdir leur fiscalité après une période transitoire. Ce projet a été retoqué par le Conseil constitutionnel qui a refusé l’application d’un taux marginal d’imposition confiscatoire et la suppression de tout abattement alors qu’il est nécessaire de prendre en compte l’érosion monétaire.
Quoiqu’il en soit, l’inquiétante chute de la production de logements observée au premier semestre 2014 explique que plusieurs pistes de réflexion soient actuellement à l’étude. Outre une simplification des démarches administratives, ne serait-il pas pertinent de mettre en place un système fiscal incitatif ? Parmi les choix possibles, le législateur pourrait introduire un abattement exceptionnel et temporaire pour encourager les cessions à brève échéance et/ou une révision du barème d’abattement pour atteindre plus rapidement une exonération. Une telle réforme encouragerait la création de logements neufs et la relance d’un secteur économique en berne.
6. L’intérêt de céder sans trop attendre
L’attention des propriétaires doit être attirée sur l’instabilité législative et les conséquences qu’elle peut avoir. En cas d’aggravation de la fiscalité, ils pourraient avoir intérêt à céder leurs biens rapidement. Une plus-value latente (non soumise à l’impôt tant que la vente n’intervient pas) relève entièrement du régime fiscal applicable le jour de la vente. Les vendeurs risquent donc de passer à côté d’un régime d’exonération ou d’un régime d’abattements pour durée de détention relativement favorable.
D’ailleurs les régimes d’abattement ont changé plusieurs fois au cours des dernières années.
Notes
1. Les redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CHR) doivent également tenir compte d’une ponction supplémentaire de 1,5% ou 3% en année n+1, qu’ils réalisent ou non une plus-value élevée.
2. Pour l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux : abattement de 2% par année de détention au-delà de la 5ème, 4% par année au-delà de la 17ème et 8% par année au-delà de la 24ème, soit une exonération au bout de 30 ans de détention (barème qui s’est appliqué à toutes les cessions non exonérées réalisées du 1er février 2012 au 31 août 2013).
Auteurs
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale.
Stéphanie Némarq-Attias, avocat spécialisé en matière d’impôts directs
Article paru dans le magazine Option Finance le 28 juillet 2014