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Etendue de la mission de l’expert-comptable du CSE lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise

Etendue de la mission de l’expert-comptable du CSE lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise

Par un arrêt en date du 1er juin 2023 (1), la Cour de cassation a apporté deux précisions importantes sur les contours de la mission de l’expert du comité social et économique (CSE) à l’occasion de sa consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

 

Selon la Cour, dans cette hypothèse, la mission de l’expert peut porter :

 

    • sur la situation et le rôle de cette entreprise au sein d’un groupe ;
    • mais demeure limitée à l’année qui fait l’objet de la consultation et aux deux années qui la précèdent.

 

Possibilité de recourir à un expert financé par l’employeur

 

A l’occasion des trois consultations récurrentes (situation économique et financière, orientations stratégiques de l’entreprise et politique sociale), le CSE peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable (2).

 

Les frais d’expertise sont alors pris en charge par l’employeur (3).

 

Il n’est pas rare que l’expert du CSE demande la communication d’un volume considérable de documents afférents à une longue période. L’analyse de ces derniers conduit à une augmentation sensible du coût de l’expertise.

 

Tel était le cas dans la situation examinée par la Cour de cassation.

 

Dans cette affaire, l’expert missionné par le CSE entendait analyser la situation d’une entreprise et du groupe auquel elle appartenait sur les cinq derniers exercices comptables pour un montant global de 21000 euros.

 

Dans l’espoir d’en limiter le coût à un montant plus raisonnable, l’employeur a contesté l’étendue de l’expertise devant le juge.

 

Une expertise limitée à l’année faisant l’objet de la consultation et aux deux années précédentes

 

Pour contester la lettre de mission de l’expert, la société exposait tout d’abord que l’étendue de celle-ci devait être limitée à l’année en cours et aux deux années précédentes.

 

Le premier juge a considéré qu’aucune limitation de l’étendue de la mission de l’expert-comptable, même temporelle, n’était prévue par les textes.

 

Telle n’a toutefois pas été la position de la Cour de cassation.

 

S’appuyant sur les articles du Code du travail relatifs à la Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), laquelle sert de support aux consultations récurrentes, la Haute juridiction a énoncé que l’expert du CSE ne peut faire porter ses travaux à l’occasion de la consultation sur la situation économique et financière que sur l’année qui fait l’objet de la consultation et les deux années précédentes.

 

En conséquence, il ne peut exiger la transmission de documents que pour autant qu’ils se rapportent à ces périodes.

 

Cette solution fonde l’employeur à réclamer la réduction des honoraires d’un expert prétendant examiner une période plus large que les trois années retenues par la Cour de cassation.

 

Une expertise étendue à la situation et au rôle de l’entreprise au sein d’un groupe

 

Par ailleurs, la société considérait que la mission d’expertise devait se limiter à l’analyse de la situation économique et financière de la seule entreprise, sans pouvoir être étendue au groupe auquel elle appartient.

 

Sur ce second point, la Cour de cassation n’a pas donné raison à l’employeur.

 

Rappelant que l’expert du CSE doit avoir accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise, qui peut étendre ses investigations à l’ensemble des sociétés du groupe auquel appartient l’entreprise, elle a considéré que la mission d’expertise pour l’examen de la situation économique et financière de l’entreprise pouvait également porter sur la situation et le rôle de cette dernière au sein d’un groupe.

 

Cela autorise l’expert à réclamer la transmission de documents émanant des autres sociétés du groupe auxquels appartient l’entreprise considérée.

 

Par cette décision, la Haute juridiction transpose la solution qu’elle avait dégagée en matière de comité d’entreprise (4).

 

Quelle portée sur les autres consultations récurrentes?

 

Sous l’empire des règles applicables aux comités d’entreprise, la Cour de cassation considérait que l’accès de l’expert aux mêmes documents que le commissaire aux comptes n’était pas limité à l’analyse de la situation économique et financière de l’entreprise.

 

En effet, selon la Cour, aux termes de l’ancien article L.2325-37 du Code du travail, cet accès était possible «pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses fonctions».

 

Elle jugeait ainsi que l’expert-comptable du comité d’entreprise pouvait analyser les documents établis par les différentes sociétés d’un groupe à l’occasion notamment de sa consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise (5).

 

En dépit de l’arrêt du 1er juin 2023, il n’est toutefois pas certain que cette jurisprudence soit transposable au CSE.

 

En effet, les dispositions de l’ancien article L.2325-37 n’ont été reprises, s’agissant du CSE, qu’au titre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise (6).

 

En toute rigueur, faute de base textuelle, l’expert-comptable du CSE ne devrait ainsi pas pouvoir étendre ses travaux aux autres sociétés du groupe à l’occasion des consultations sur la politique sociale de l’entreprise ou ses orientations stratégiques.

 

Ce point reste à confirmer par la Cour de cassation.

 

Auteurs

Damien Decolasse, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats

Matthieu Beaumont, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

 

(1) Cass. soc., 1er juin 2023, n°21-23.393
(2) «Le droit à expertise du comité social et économique» (Damien Decolasse et Matthieu Beaumont)
(3) Prise en charge intégrale pour les consultations sur la situation économique et financière et la politique sociale. Prise en charge à 80% pour la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le solde étant à la charge du CSE.
(4) Voir par exemple : Cass. soc., 8 novembre 1994, n°92-11.443
(5) Cass. soc., 5 février 2020, n°18-24.174
(6) C. trav., art. L.2315-90

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