Pas de prise en compte des arrêts maladie dans l’ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement
2 février 2023
Le montant de l’indemnité de licenciement dépend de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et naturellement, plus l’ancienneté du salarié est importante plus son indemnité de licenciement sera élevée.
L’article L. 1234-11 du Code du travail vient, toutefois, en restreindre son montant en posant comme principe général, la neutralisation des périodes de suspension du contrat de travail dans le calcul de l’ancienneté, sauf stipulations conventionnelles plus favorables.
Par exception, certaines périodes de suspension du contrat de travail sont prises en compte dans le calcul de l’ancienneté, comme celles relatives à un accident du travail ou une maladie professionnelle (1).
Aussi, un salarié en arrêt maladie peut-il tenter d’invoquer devant les juridictions que son arrêt maladie avait une origine professionnelle en ce qu’il aurait résulté de manquements de l’employeur afin de bénéficier d’un complément d’indemnité de licenciement.
Heureuse nouvelle pour l’employeur, cette tentative ne saurait prospérer comme le décide la Cour de cassation dans son arrêt du 28 septembre 2022 (n°20-18.218).
Les circonstances de l’affaire et la décision
En l’espèce, un chef de cuisine a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie «ordinaire», avant d’être déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.
Concomitamment, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Dans le cadre de ce contentieux, les juges du fond ont prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et l’ont, notamment, condamné au paiement d’une somme à titre de régularisation de l’indemnité de licenciement.
Pour déterminer le montant de cette indemnité, ils ont décidé que les périodes d’arrêts de travail pour maladie du salarié devaient être incluses dans le calcul de son ancienneté dès lors qu’elles étaient liées pour partie à des manquements de l’employeur et avaient donc une origine professionnelle.
Tel n’est, cependant, pas la solution retenue par la Cour de cassation qui casse cet arrêt et rappelle que les absences pour maladie non professionnelle ne doivent pas être prises en compte dans la détermination de l’ancienneté servant de base de calcul pour l’indemnité de licenciement, en l’absence de dispositions conventionnelles prévoyant une telle intégration.
La solution, en son principe, n’est pas nouvelle (2) et repose d’ailleurs sur l’article L. 1234-11 du Code du travail qui énonce que «la période de suspension du contrat de travail n’entre pas en compte pour la détermination de la durée d’ancienneté exigée» pour calculer le montant de l’indemnité de licenciement.
Cela étant, elle apporte un éclairage utile dans l’hypothèse d’un arrêt de travail qui n’indique pas être consécutif à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, mais qui serait la conséquence de manquements de l’employeur.
En effet, dans cette affaire, les juges du fond ont motivé leur décision par le fait que le dernier arrêt maladie du salarié trouvait sa cause en partie dans les manquements de l’employeur (qui avaient, par ailleurs, justifié la résiliation judiciaire au titre d’un harcèlement moral) et qu’un des arrêts avait, dès lors, une origine professionnelle.
Il semble donc que les juges du fond aient fait application, sans pour autant le mentionner expressément, de l’article L. 1226-7 du Code du travail, lequel prévoit que les périodes d’arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle doivent être prises en compte dans la détermination de tous les avantages légaux et conventionnels liés à l’ancienneté dans l’entreprise.
En l’espèce, la maladie du salarié n’avait, a priori, fait l’objet d’aucun arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail ni d’aucune reconnaissance en maladie professionnelle ou en accident du travail par la sécurité sociale.
La question posée à la Cour était donc de savoir si en l’absence d’un tel arrêt de travail ou d’une telle reconnaissance, le juge pouvait décider que cette maladie, parce qu’elle était la conséquence du comportement fautif de l’employeur, avait un caractère professionnel de sorte qu’elle devait être prise en compte dans le calcul de l’ancienneté du salarié.
La Cour de cassation répond par la négative à cette question et décide qu’il y a lieu de faire, dans un tel cas, une stricte application de l’article L. 1234-11 du Code du travail.
La portée de la décision
En conséquence, il convient de retenir, selon cet arrêt de cassation, que les arrêts de travail pour maladie ne doivent pas être pris en compte dans l’ancienneté pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement, sauf :
-
- si des dispositions conventionnelles le prévoient. En l’espèce, cet argument n’aurait pu être soulevé par le salarié, dès lors que la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, ne prévoit pas une telle disposition.
Sur ce point, il faut noter que la Cour de cassation a, toutefois, déjà fait preuve d’une interprétation libérale en faveur du salarié en considérant que lorsque la convention collective applicable assimile à un temps de présence effectif la durée des interruptions pour maladie, ces périodes doivent être prises en compte pour le calcul de l’indemnité conventionnelle (3).
De même, dans un arrêt concernant le calcul de l’ancienneté pour l’application de primes conventionnelles, la Haute Juridiction a estimé que l’article général de la convention collective en cause définissant l’ancienneté comme «le nombre d’années entières et consécutives dans le même établissement» excluait d’écarter du décompte de l’ancienneté les périodes de suspension pour maladie. (4)
-
- si l’absence a donné lieu à un arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail ou été reconnue comme tel par la CPAM ou en dernier lieu par les juridictions compétentes en cas de recours. A défaut, la Cour de cassation confirme que la durée de l’absence n’est pas prise en compte dans le calcul de l’ancienneté.
On notera que dans cette affaire, la Cour n’a pas argué de l’autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale – comme elle a pu le faire dans certaines affaires – pour retenir le caractère professionnel de l’arrêt de travail en raison des manquements commis par l’employeur (5)
En tout état de cause, même en l’absence de dispositions conventionnelles ou de caractère professionnel de l’arrêt de travail, il appartient à l’employeur de s’assurer qu’un usage plus favorable que la loi ou la convention collective ne prévoit pas, dans l’entreprise, la prise en compte des périodes de suspension du contrat de travail dans le calcul de l’ancienneté.
Marie-Pierre Schramm, Avocat associé et Lorry Mongilardi, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
(1) Article L. 1226-7 du Code du travail
(2) Cass. soc. 9-1-2008 n° 06-41.173
(3) Cass. soc. 2-4-1996 n° 93-40.402
(4) Cass. soc. 28-6-2018 n° 16-28.511
(5) L’autonomie du droit du travail et de la sécurité sociale a, par exemple, été soulevé dans une affaire où il a été jugé que le salarié n’était pas tenu de rembourser à l’employeur les sommes perçues au titre de l’origine professionnelle de son inaptitude à la suite d’une décision du TASS ne reconnaissant pas le caractère professionnel de sa maladie (Cass. soc., 7 mars 2018, n°16-22.856)
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