Holding animatrice : au contribuable de faire ses preuves !
Le caractère animateur d’une holding revêt une importance toute particulière en matière de fiscalité patrimoniale compte tenu des nombreux régimes de faveur dont le bénéfice dépend de cette qualification.
La cour d’appel de Paris(1) vient à cet égard de rappeler qu’une holding ne peut être qualifiée d’animatrice que pour autant que soit démontrée la mise en œuvre concrète de ses pouvoirs d’animation, preuves à l’appui.
Cette décision invite une nouvelle fois à la prudence les contribuables qui souhaitent revendiquer le caractère animateur de leur holding : l’animation ne se décrète pas, elle se prouve !
1. Holding animatrice de groupe : une notion importante aux contours imprécis
Les holdings animatrices de groupe sont définies comme les holdings qui participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de leurs filiales et qui rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Ces holdings sont de ce fait assimilées à des sociétés commerciales sur un plan fiscal, cette assimilation pouvant parfois être expressément visée par les textes de loi(2) ou être tout simplement considérée comme implicitement prévue par eux(3) .
En dépit de l’importance pratique de cette notion, les critères de la définition de la holding animatrice demeurent encore assez flous à certains égards.
L’exigence de contrôle fait, par exemple, toujours l’objet de discussions nourries entre les services vérificateurs et les contribuables, notamment dans les situations de contrôle conjoint ou lorsque la holding ne détient pas la majorité du capital et des droits de vote de ses filiales. Les textes et la doctrine administrative ne font à cet égard aucun renvoi à une définition de la notion de contrôle (définition propre ou article L. 233-3 du code de commerce par exemple).
Le critère de l’animation des filiales fait de même régulièrement l’objet de précisions de la part des juridictions administratives et judiciaires, celles-ci ayant par exemple pu juger qu’une holding peut être reconnue comme étant animatrice de son groupe même si elle détient, de manière accessoire, une participation minoritaire dans une société non animée(4).
La preuve de l’effectivité de l’animation est également un sujet dont l’importance a été récemment rappelée par la Cour de cassation dans le cadre d’une affaire concernant le groupe Finaréa(5). La décision de la cour d’appel de Paris du 5 septembre dernier, qui concerne à nouveau le groupe Finaréa, nous en donne une nouvelle illustration.
2. Critère de l’effectivité de l’animation : l’affaire Finaréa montre le (mauvais) exemple
Dans l’affaire portée devant la cour d’appel de Paris, un contribuable avait souscrit au capital d’une holding se présentant comme animatrice, ces opérations devant lui permettre de bénéficier de l’ancienne réduction ISF-PME visée à l’article 885-0 V bis du code général des impôts.
La holding avait dans ce cadre délivré au contribuable des attestations fiscales certifiant qu’elle revêtait bien la qualité d’animatrice et qu’elle était donc éligible à cette réduction d’impôt.
A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a toutefois considéré que la holding ne pouvait être qualifiée d’animatrice et a par conséquent remis en cause l’avantage dont avait bénéficié le contribuable.
Le contribuable mettait en avant certains justificatifs…
Selon le contribuable, la structure d’investissement mise en place par Finaréa permettait d’établir l’animation de la holding, les filiales ne pouvant prendre aucune décision stratégique sans l’accord de cette dernière et le soutien au développement de ces filiales n’étant possible que dans le respect d’un cadre imposé.
Le contribuable mettait également en avant certaines pièces documentaires à l’appui de sa position (contrat d’animation, pacte d’actionnaires et statuts types, transformation des filiales en SAS).
… qui ont été considérés comme insuffisants par l’administration fiscale et le juge de l’impôt
Ces éléments de preuve ne permettaient toutefois pas, selon l’administration fiscale, d’établir la réalité de l’animation, faute pour eux de démontrer que la holding détermine bien, dans les faits, la politique commerciale ou stratégique de ses filiales.
On peut observer à cet égard que les investissements ont été réalisés par la holding dans des participations minoritaires, représentant 34 % et 45 % du capital des filiales, ce qui n’a pas dû aider le contribuable à démontrer le pouvoir effectif d’animation de la holding.
L’administration a par ailleurs relevé qu’à la date du premier investissement, la holding ne détenait encore aucune filiale, et qu’elle ne pouvait donc pas revendiquer le statut de holding animatrice en l’absence de filiale animée. Cet argument nous paraît critiquable, puisque nous comprenons que l’investissement dans la holding avait précisément pour objet de lui permettre de réaliser son objet social, en lui apportant les fonds requis à la prise de participation dans des filiales.
La cour d’appel de Paris a néanmoins donné gain de cause à l’administration fiscale.
Procédant à une analyse factuelle des éléments de preuve avancés par le contribuable, les juges ont notamment relevé que la documentation juridique produite n’est pas étayée par des réalisations concrètes qui permettraient de justifier d’un véritable rôle de pilotage exercé par la holding ou la prise d’initiatives en ce sens. Les juges observent également que la documentation formelle ne confère aucune prérogative d’animation spécifique à la holding.
La cour d’appel de Paris énonce ainsi de manière pragmatique qu’il ne suffit pas qu’une holding puisse exercer en théorie un rôle d’animation pour être qualifiée d’animatrice. Seule prévaut la démonstration d’une mise en œuvre concrète de ses pouvoirs d’animation.
3. Les enseignements à tirer de la jurisprudence
L’arrêt de la cour d’appel de Paris nous rappelle que la holding animatrice de groupe est un terreau fertile aux contentieux compte tenu des difficultés que peuvent parfois rencontrer les contribuables à produire les preuves concrètes d’une animation effective.
La multiplicité des décisions portant sur l’appréciation du critère de l’effectivité de l’animation a toutefois le mérite de dégager une ligne de conduite à suivre par les contribuables.
De manière générale, toutes les instructions de la holding ayant pour objectif d’insuffler la politique du groupe doivent être matérialisées par écrit. La bonne exécution de ces instructions par les filiales doit corrélativement être documentée, au moyen de comptes rendus périodiques ou des procès-verbaux de réunions des organes de direction des filiales par exemple.
La signature d’une convention d’animation aide par ailleurs à formaliser les relations entre les parties et à définir les règles de l’animation du groupe, même si la signature d’une telle convention ne suffit pas, en elle-même, à démontrer l’effectivité de l’animation.
Si la réalisation de la mission d’animation implique par ailleurs pour la holding de disposer des moyens humains et matériels idoines, la Cour de cassation a néanmoins considéré que l’exercice du rôle d’animation ne suppose pas nécessairement l’existence de structures importantes au sein de la holding(6).
Bien entendu, il est préférable que le personnel qui participe le cas échéant à la réalisation de la mission d’animation (DAF, DRH, etc.) soit employé par la holding, en sus de ses dirigeants mandataires sociaux. Ces personnes peuvent utilement se réunir au sein d’un comité stratégique ou autre organe qui, au niveau de la holding, à la charge de définir l’animation du groupe.
La communauté de dirigeants entre la holding et les filiales peut certainement constituer un indice positif, mais elle ne permet néanmoins pas de caractériser, à elle seule, le rôle d’animation de la holding(7). Ainsi, même dans un groupe de sociétés contrôlées à 100 %, la preuve de l’animation nécessite de pouvoir démontrer, par tous moyens, que la société holding définit la stratégie du groupe mise en œuvre par les filiales.
De la même manière, la réalisation de prestations de services intragroupe par la holding ne constitue pas un critère déterminant de qualification de l’animation, même si ces prestations peuvent également appuyer en pratique le rôle d’animation de la holding.
La plus grande vigilance est donc de mise pour les contribuables qui doivent être en mesure de produire une documentation exhaustive qui reflète l’effectivité de l’animation. Pour paraphraser la célèbre citation de Pierre Reverdy, il n’y a pas d’animation, il n’y a que des preuves d’animation !
Par Philippe Gosset et Ambroise Roux, avocats, CMS Francis Lefebvre
Article paru dans Option Finance le 07/11/2022
(1) Cour d’appel de Paris, 5 septembre 2022, n° 21/08463.
(2) Voir par exemple : article 966 du code général des impôts en matière d’impôt sur la fortune immobilière.
(3) Cour de cassation, 14 octobre 2020, n° 18-17.955 concernant le régime « Dutreil ».
(4) Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-20.557, 17-20.558, 17-20.559 et 17-20.560.
(5) Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-22.397, 18-15.826, 19-21.161, 20-11.838, 20-11.839 et 20-11.840.
(6) Cass. com., 27 septembre 2005, n° 03-20.665.
(7) Cass. com., 19 novembre 1991, n° 89-19.474.