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Mise en œuvre de la loi Santé au travail : publication des premiers décrets d’application

Mise en œuvre de la loi Santé au travail : publication des premiers décrets d’application

Transposant l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la santé au travail poursuit plusieurs objectifs tels que, notamment, le renforcement de la prévention primaire en entreprise, la prévention de la désinsertion professionnelle et la redéfinition de l’offre de service des services de prévention et de santé au travail.

Trois des principaux décrets d’application nécessaires à la mise en œuvre de certains dispositifs opérationnels prévus par la loi ont été récemment publiés.

 

Réforme du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et financement des formations santé dans les entreprises de moins de 50 salariés

Le décret n°2022-395 du 18 mars 2022 précise les nouvelles modalités d’élaboration, de conservation et de mise à jour du DUERP ainsi que les modalités de prise en charge par les opérateurs de compétences (OPCO) des formations en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

 

Nouvelles règles relatives au DUERP

La mise à jour du DUERP doit être réalisée dès qu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur. En tout état de cause, cette mise à jour doit désormais avoir lieu au moins chaque année dans les entreprises d’au moins 11 salariés alors que jusqu’à présent cette obligation s’appliquait à toutes les entreprises sans condition d’effectif.

Pour rappel, la loi du 2 août 2022 a institué une obligation de consultation du CSE sur le DUERP et sur ses mises à jour.

Il est par ailleurs précisé que le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui doit être établi dans les entreprises d’au moins 50 salariés est mis à jour, si nécessaire, à chaque mise à jour du DUERP.

Enfin, la loi a modifié les modalités de conservation et de diffusion du DUERP et a prévu, outre une transmission au service de prévention et de santé au travail (SPST) auquel l’entreprise adhère, une procédure obligatoire de dépôt dématérialisé déployée et administrée par un organisme géré par les organisations d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le DUERP, dans ses versions successives, doit désormais être conservé par l’employeur pendant une durée de 40 ans à compter de son élaboration. Les versions du DUERP, en vigueur durant leur période d’activité, sont tenues à la disposition des salariés et anciens salariés.

La communication des versions antérieures à la demande peut être limitée aux seuls éléments afférents à l’activité du demandeur. Les salariés et anciens salariés peuvent communiquer les éléments mis à leur disposition aux professionnels de santé en charge de leur suivi médical.

 

Ces dispositions s’appliquent depuis le 31 mars 2022, étant précisé que les obligations de conservation et de mise à disposition des versions successives du DUERP s’appliquent uniquement aux versions du document unique en vigueur au 31 mars 2022 ou postérieures à cette date.

 

La loi pour renforcer la santé au travail prévoit que la procédure de dépôt dématérialisé sur un portail numérique sera progressive et s’appliquera au 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et au 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés.

Ces modalités devraient être précisées courant septembre 2022. Le décret précise que, à compter du 31 mars 2022 et jusqu’à l’entrée en vigueur de cette procédure de dépôt, l’employeur doit conserver les versions successives du document unique au sein de l’entreprise sous la forme d’un document papier ou dématérialisé.

La loi du 2 août 2021 précise que le déploiement et l’administration du portail fait l’objet d’un cahier des charges qui doit être transmis par les organisations d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel au ministre du Travail, au plus tard le 31 mai 2022 (décret n°2022-487 du 5 avril 2022).

 

Prise en charge des formations en santé et sécurité par les OPCO

La loi du 2 août 2021 prévoit que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, le financement de la formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail dont bénéficient les membres de la délégation du personnel au CSE peut être supporté par l’OPCO.

Le décret n°2022-395, entré en vigueur le 31 mars 2022, précise que sont susceptibles d’être pris en charge : les coûts pédagogiques, la rémunération et les charges sociales des salariés en formation, dans la limite du coût horaire du Smic par heure de formation, les frais éventuels de transport, de restauration et d’hébergement afférents ainsi que, lorsque les formations se déroulent pour tout ou partie en dehors du temps de travail, les frais de garde d’enfants ou de parents à charge.

Le conseil d’administration de l’OPCO détermine les priorités et les critères de prise en charge des demandes présentées par les employeurs.

 

Modifications afférentes au suivi médical des salariés

La loi a donné un cadre légal aux visites de reprise et de préreprise, a instauré une visite médicale spécifique pour les salariés exposés à des risques particuliers ainsi qu’un rendez-vous de liaison. Les modalités d’application de ces dispositions sont précisées par les décrets n° 2022-372 et 2022-373 du 16 mars 2022.

 

Visite de reprise et de préreprise

Les situations qui doivent donner lieu à l’organisation d’une visite médicale de reprise ne sont pas modifiées. Celle-ci doit donc toujours être organisée après un congé de maternité, une absence pour maladie professionnelle quelle qu’en soit la durée ou une absence pour accident du travail, maladie ou accident non professionnel.

 

Dans cette dernière hypothèse, l’organisation de la visite de reprise était jusqu’à présent obligatoire après une absence d’au moins 30 jours. Désormais, l’organisation d’une telle visite n’est obligatoire qu’après une absence d’au moins 60 jours.

 

Par ailleurs, les salariés dont l’arrêt de travail est supérieur à 30 jours, contre trois mois auparavant, peuvent désormais bénéficier d’une visite de préreprise organisée à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil de la sécurité sociale, du médecin du travail ou du salarié.

Ces dispositions s’appliquent aux arrêts de travail débutant à compter du 1er avril 2022.

 

Visite médicale post-exposition

Enfin l’organisation de la visite post-exposition a été précisée pour les salariés dont la cessation d’exposition a été constatée à compter du 31 mars 2022.

Les salariés qui ont été exposés à des risques particuliers pour leur santé et leur sécurité justifiant d’un suivi individuel renforcé, bénéficient d’une visite médicale auprès du médecin du travail après la cessation de leur exposition ou, le cas échéant, avant leur départ à la retraite.

L’employeur informe son service de santé au travail dès qu’il a connaissance de la cessation de cette exposition, du départ ou de la mise à la retraite du salarié concerné, puis avise sans délai le salarié concerné de la transmission de cette information. A défaut, celui-ci peut demander directement l’organisation d’une visite médicale durant le mois précédant la cessation de l’exposition et jusqu’à six mois après la cessation de celle-ci.

 

Une fois informé, le service de santé apprécie si le salarié remplit les critères pour bénéficier de la visite médicale et, dans ce cas, organise la visite.

 

A l’issue de la visite, le médecin du travail établit un état des lieux des expositions du travailleur. Il en remet un exemplaire au salarié, le verse également au dossier médical de santé au travail et met en place le cas échéant une surveillance post-exposition ou post-professionnelle.

 

Définition des modalités de mise en œuvre du rendez-vous de liaison

La loi du 2 août 2021 a créé un rendez-vous de liaison entre l’employeur et le salarié, associant le service de prévention et de santé au travail (SPST). Celui-ci peut être organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié sans que la suspension du contrat de travail puisse faire obstacle à son organisation.

Ce rendez-vous a principalement pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, ainsi que d’un examen de préreprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail.

L’employeur doit informer le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous mais le salarié n’est jamais tenu de s’y rendre.

Le décret n°2022-373 du 16 mars 2022 fixe à 30 jours, la durée de l’arrêt de l’arrêt de travail à partir de laquelle ce rendez-vous peut être organisé.

Le rendez-vous de liaison peut être proposé au salarié dont l’arrêt de travail a débuté à compter du 31 mars 2022.

 

Prévention de la désinsertion professionnelle

La prévention de la désinsertion professionnelle constitue l’un des axes principaux de la loi du 2 août 2021 qui instaure ou modifie à cet effet plusieurs dispositifs.

 

Modalités de mise en œuvre de l’essai encadré

Ce dispositif dont le principe est fixé par la loi à l’article L.323-3-1 du Code de la sécurité sociale, permet au salarié et sur sa demande, d’apprécier, pendant l’arrêt de travail, la compatibilité d’un poste de travail avec son état de santé, au sein de son entreprise ou d’une autre entreprise.

Ce dispositif peut être actionné quelle que soit la durée de l’arrêt de travail. Sa mise en œuvre est subordonnée à une évaluation globale de sa situation par la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) avec l’accord du médecin traitant, du médecin du travail et du médecin conseil et donne lieu à une convention formalisant les engagements de l’ensemble des partenaires (décret n°2022-373).

 

La décision de refus de la demande par la CPAM doit être motivée et préciser les voies et délais de recours.

 

La durée de l’essai encadré ne peut excéder 14 jours ouvrables, renouvelable dans la limite d’une durée totale de 28 jours ouvrables.

Au cours de l’essai, le salarié est suivi par un tuteur au sein de l’entreprise d’accueil et continue à percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale ainsi que, le cas échéant, l’indemnité complémentaire versée par l’employeur. L’entreprise dans laquelle l’assuré effectue l’essai encadré ne verse aucune rémunération à ce titre.

Cette disposition s’applique aux arrêts de travail en cours au 31 mars 2022.

 

Extension de la convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE)

La loi du 2 août 2021 a élargi le bénéfice de la convention de rééducation professionnelle, initialement réservée aux travailleurs handicapés, aux salariés, handicapés ou non, déclarés inaptes ou pour lesquels, lors de l’examen de préreprise, le médecin du travail a identifié un risque d’inaptitude.

La convention est conclue entre l’employeur, le salarié et la caisse primaire d’assurance maladie ou la caisse générale de sécurité sociale mentionnée à l’article L.323-3-1 du Code de la sécurité sociale.

Le décret n°2022-372 précise que la durée maximale de la convention ne peut être supérieure à 18 mois. Sa durée est fixée en tenant compte, le cas échéant, de la durée de l’arrêt de travail qui l’a précédé. La convention indique le montant total de la rémunération perçue par le salarié au titre du salaire versé pour le compte de l’employeur et des IJSS, sans que ce montant puisse être inférieur à la rémunération perçue avant l’arrêt de travail précédant la mise en place de la CRPE.

 

Lorsque la rééducation professionnelle est assurée par l’employeur du salarié, elle fait l’objet d’un avenant au contrat de travail, qui ne peut modifier la rémunération prévue par celui-ci (C. trav., art. L.5213-3-1, II).

 

Lorsque la rééducation professionnelle est assurée par une autre entreprise, l’employeur conclut avec celui-ci une convention de mise à disposition à but non lucratif du salarié et lui refacture la fraction de rémunération, de charges sociales et de frais restant à sa charge. L’employeur transmet la CRPE à l’entreprise d’accueil.

Si au terme de la rééducation effectuée chez cet employeur, le salarié démissionne pour occuper dans cette entreprise un emploi similaire, la durée de la convention est intégralement déduite de la période d’essai. En outre, le salarié qui démissionne pour occuper un emploi dans une autre entreprise continue à percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale pendant trois mois à compter du premier jour du mois suivant la prise d’activité.

Ce dispositif s’applique aux arrêts de travail en cours le 31 mars 2022.

 

Projet de transition professionnelle

L’article L.6323-17-2 autorise le salarié en CDI ayant deux ans d’ancienneté à bénéficier d’un projet de transition professionnelle et à mobiliser dans ce cadre son compte personnel de formation. Cette condition d’ancienneté n’est pas requise pour les salariés handicapés et les salariés licenciés pour motif économique ou pour inaptitude qui ont changé d’emploi et n’ont pas suivi d’action de formation entre leur licenciement et leur réemploi.

 

La loi du 2 août 2021 a élargi la levée d’ancienneté aux salariés qui ont été en arrêt de travail pour maladie ou accident professionnel ou non, sous réserve d’une durée minimale d’absence.

 

Le décret n°2022-373 précise que la condition d’ancienneté est levée pour les absences au travail pour maladie professionnelle intervenues au cours des 24 mois précédant la demande de projet de transition professionnelle ou les absences au travail d’au moins 6 mois résultant d’un accident du travail, d’une maladie ou d’un accident non professionnel quelle que soit la nature du contrat de travail.

Cette disposition est entrée en vigueur le 31 mars 2022.

D’après l’échéancier d’entrée en vigueur de la loi santé au travail, d’autres décrets d’application devraient être publiés dans les prochains mois, concernant notamment le cahier des charges de l’agrément des SPST, ainsi que les modalités de diminution de la durée ou de retrait de cet agrément en cas de constatation de manquements du SPST par l’autorité Administrative.

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