Quand les dispositifs internes de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales s’avèrent contraires à la liberté de circulation des capitaux : CJUE, 1ère ch., 27 janvier 2022, affaire C-788/19
Saisie par la Commission européenne sur la compatibilité avec le droit de l’UE de mesures réprimant la méconnaissance des obligations déclaratives pesant sur les contribuables espagnols détenant des avoirs à l’étranger, la CJUE condamne l’Espagne sur le fondement de la liberté de circulation des capitaux et considère que les mesures en cause vont au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
D’une part, la CJUE relève que le dispositif espagnol qui permet à l’administration fiscale d’imposer la valeur des avoirs non révélés lorsqu’elle acquiert la connaissance de leur existence crée un « effet d’imprescriptibilité » qui contrevient à l’exigence fondamentale de sécurité juridique et est disproportionné au regard des objectifs poursuivis par le législateur. D’autre part, la majoration de 150% appliquée sur l’imposition ainsi établie et les amendes forfaitaires non plafonnées ajoutées au titre du manquement aux obligations déclaratives ont un caractère extrêmement répressif et portent une atteinte disproportionnée à la libre circulation des capitaux.
A la lumière de cette décision et bien que les dispositions applicables en France aient déjà été réformées au regard du droit de l’UE et des principes constitutionnels, il est permis de s’interroger à nouveau sur certains aspects :
– Les articles L 23 C du LPF et 755 du CGI en vertu desquels les contribuables sont susceptibles d’être imposés aux droits de mutation à titre gratuit sur la valeur de leurs avoirs étrangers quelle que soit la date d’acquisition de ces avoirs ne sont-ils pas de nature à conférer un droit indéfini d’imposition à l’administration ?
– De même, les amendes forfaitaires prévues aux articles 1736 et 1766 du CGI qui ne sont soumises à aucun plafond, notamment au regard du montant des avoirs situés à l’étranger, sont-elles bien proportionnées ?