Le coût des tests de dépistage n’est pas un frais professionnel
20 janvier 2022
Depuis le 15 octobre 2021, les tests de dépistage du Covid-19 ne sont plus pris en charge par l’assurance maladie, sauf lorsqu’ils sont réalisés notamment :
-
- sur prescription médicale ;
- pour des mineurs ;
- pour des personnes disposant d’un statut vaccinal complet, d’un certificat de rétablissement de moins de 6 mois ou d’une contre-indication à la vaccination ;
- pour des cas contact identifiés par l’assurance maladie, etc.
Il en résulte que depuis cette date, les tests sont en principe payants pour les personnes majeures qui ne sont pas vaccinées lorsqu’ils sont réalisés pour l’obtention d’un passe sanitaire dont la présentation peut notamment être requise dans le cadre de l’exercice par le salarié de son activité professionnelle. Dès lors, la question de la prise en charge du coût des tests par l’employeur au titre des frais professionnels s’est posée.
Par une mise à jour très attendue du bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS), l’URSSAF apporte une réponse très claire à cette question. Néanmoins cette réponse ne permet pas de lever toutes les difficultés.
Le coût des tests de dépistage n’est pas un frais professionnel exonéré à ce titre de cotisations sociales
Dans son questions/réponses relatif au passe sanitaire et à la vaccination au travail mis à jour le 13 octobre 2021, le ministère du Travail a retenu que pour les entreprises soumises au passe sanitaire « le coût des tests virologiques ne constitue pas un frais professionnel. L’employeur n’est pas tenu de les prendre en charge ».
Si la position du ministère avait le mérite de la clarté, elle n’était pas suffisante pour sécuriser la situation des entreprises dans la mesure où ces questions/réponses (tout comme le protocole sanitaire), s’ils constituent un élément de la « doctrine administrative », n’ont que la valeur juridique d’une circulaire (CE, 19 oct. 2020, n°444809).
Une mise à jour de la partie du BOSS consacrée aux frais professionnels est toutefois intervenue le 24 décembre 2021.
Il est désormais précisé que :
« lorsqu’un salarié est soumis à l’obligation de présenter un « passe sanitaire » pour exercer son activité professionnelle dans certains lieux (notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration), les frais engagés pour réaliser un test virologique ne constituent pas un frais professionnel, dans la mesure où l’obligation de détention d’un passe sanitaire porte sur l’ensemble des personnes qui fréquentent ces lieux. Si l’employeur décide de prendre ces frais en charge, le montant remboursé constitue un avantage en nature à intégrer dans l’assiette de cotisations et contributions sociales.
Toutefois, lorsqu’un salarié est soumis de manière ponctuelle à une obligation de présentation d’un test virologique négatif, dans le cadre d’une mission spécifique à la demande de son employeur (par exemple pour un déplacement professionnel à l’étranger pour lequel un tel test négatif est requis), et qu’il n’existe aucune alternative à la réalisation de ce test, alors le coût du test virologique constitue un frais professionnel. L’employeur est tenu de le rembourser. Ce remboursement ne donne pas lieu à cotisations et contributions sociales. »
Le BOSS illustre ces deux principes par des exemples :
« Si un salarié doit se rendre dans un pays tiers qui exige un test et que la vaccination ne constitue pas un moyen de se soustraire à cette obligation, le coût du test constitue un frais professionnel.
Si un salarié doit effectuer un déplacement professionnel sur le territoire national, ce qui nécessite la présentation d’un passe sanitaire, les frais liés à un éventuel test virologique négatif ne constituent pas des frais professionnels. Si l’employeur décide de les prendre en charge, le montant remboursé constitue un avantage en nature. »
Il résulte des précisions apportées par le BOSS – dont le contenu est opposable aux organismes de sécurité sociale – que lorsque l’employeur décide de prendre en charge le coût des tests de dépistage réalisés par ses salariés en vue de la présentation d’un passe sanitaire rendu obligatoire pour l’exercice de son activité professionnelle, le montant remboursé constitue un avantage en nature qui doit être assujetti aux cotisations et contributions de sécurité sociale, à moins qu’il ne soit exigé pour l’exercice d’une mission spécifique et qu’il n’existe aucune alternative à la réalisation de ce test.
Le coût des tests de dépistage constitue-t-il un frais que l’employeur à l’obligation de prendre en charge ?
S’il est désormais clair que la prise en charge par l’employeur du coût des tests virologiques ne constitue pas un frais professionnel du point de vue des règles de sécurité sociale, la question de l’obligation pour l’employeur de prendre en charge les frais engagés par les salariés à cette fin est plus incertaine, malgré la position très ferme prise par le ministère du Travail.
En effet, selon une jurisprudence bien établie de la chambre sociale de la Cour de cassation (voir notamment Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-43.156 ; Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-26.585 ; Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-24.546), « il est de principe que les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ».
Sur ce fondement, ainsi que sur le principe selon lequel « les mesures prises en matière d’hygiène et de sécurité ne doivent entraîner aucune charge financière pour les salariés » (C. trav., art. L. 4122-2), les conseils de prud’hommes pourraient être tentés de décider que le coût des tests virologiques relève des frais exposés par les salariés dans le cadre de leur activité professionnelle que l’employeur a l’obligation de prendre en charge.
Toutefois, les tests de dépistage qui doivent être réalisés par les salariés, comme par tous les Français, dans le cadre du passe sanitaire, pour accéder à certains lieux, n’apparaissent pas comme une dépense « exposée pour les besoins de leur activité professionnelle » et « dans l’intérêt de l’employeur ».
Une telle interprétation pourrait également être contestée en s’appuyant notamment sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à supprimer la gratuité des tests de dépistage. Le Gouvernement a en effet voulu inciter plus fortement les français à recourir à la vaccination en leur faisant supporter le coût des tests de dépistage indispensables à l’obtention du passe sanitaire, dont la présentation – loin d’être réservée à l’activité professionnelle – est nécessaire pour l’accès à certains services et à certains lieux de loisirs.
Si l’employeur devait être condamné à prendre en charge le coût de ces tests, l’objectif fixé par le Gouvernement serait manqué.
Enfin, dans le cas où le juge du contrat de travail imposerait à l’employeur la prise en charge du coût des tests de dépistage réalisés par ses salariés pour les besoins de leur activité professionnelle, les sommes versées aux salariés devraient, compte tenu de la position du BOSS, être assujetties à cotisations et à contributions de sécurité sociale.
Pour éviter une telle situation, il serait souhaitable que les conseils de prud’hommes alignent leurs décisions sur la position de l’URSSAF.
Qu’en est -il de la prise en charge du coût des tests de dépistage réalisés par les salariés protégés pour l’exercice de leur mandat ?
Force est de constater que la mise à jour du BOSS n’apporte aucune précision spécifique à la question de la prise en charge du coût des tests de dépistage réalisés par les salariés protégés pour les besoins de leur mandat (transports, présence en salles de réunions ou de conférence, etc.).
On pourrait en déduire que l’URSSAF n’a pas entendu traiter différemment, du point de vue des cotisations et contributions sociales, les sommes remboursées aux salariés pour les tests qu’ils ont réalisés pour les besoins de leur activité professionnelle et les sommes exposées par les salariés protégés pour l’exercice de leur mandat : dans les deux cas, ces remboursements constituent un avantage en nature soumis aux cotisations et contributions de sécurité sociale. Il en est de même du questions/réponses du ministère du Travail.
Là encore, la question de l’obligation pour l’employeur de prendre en charge le coût des tests de dépistage effectués par les salariés protégés demeure posée.
A cet égard, on rappellera qu’il est de jurisprudence constante que les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leur mandat. Il en résulte notamment que les frais de déplacement des représentants du personnel concernant des réunions organisées à l’initiative de l’employeur sont à la charge de ce dernier (Cass. soc., 28 mai 1996, n° 94-18797 ; Cass. soc., 22 mai 2002, n° 99-43.990), et que ces frais incluent également, sauf abus, les frais d’hébergement et de nourriture des membres du comité (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-10.127).
Ainsi, l’employeur qui refuserait de rembourser les frais exposés par le représentant du personnel pour l’exercice de son mandat s’expose à une sanction pour délit d’entrave puisque ce refus est de nature à empêcher l’exercice du mandat.
En cas de revendication d’un représentant du personnel, il nous semble utile d’invoquer les arguments susceptibles d’écarter la qualification de frais professionnels et donc la prise en charge par l’employeur du coût des tests de dépistage réalisés par les salariés pour les besoins de leur activité, qui sont fondés sur la politique du Gouvernement tendant à inciter les Français à recourir à la vaccination.. Des précisions législatives ou réglementaires sur ce point seraient néanmoins souhaitables afin de sécuriser la situation des entreprises.
Avec l’entrée en vigueur du passe vaccinal qui devrait intervenir dans les prochains jours et qui est appelé à remplacer le passe sanitaire, la question de la prise en charge des tests devrait moins se poser à l’avenir. Il n’en demeure pas moins que cette question conserve toute son acuité pour le passé dans la mesure où il ne peut être exclu que des demandes de remboursement, voire des contentieux, puissent être initiés sur ce fondement.
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