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Rupture conventionnelle collective dans un contexte de fermeture de site : c’est non !

Rupture conventionnelle collective dans un contexte de fermeture de site : c’est non !

Les ruptures conventionnelles collectives correspondent à des départs volontaires permettant une diminution des effectifs sans pour autant invoquer un motif économique. Elles sont négociées par un accord collectif, lequel est soumis à une validation administrative.

Le Code du travail prévoit que les ruptures conventionnelles collectives (RCC) sont « exclusives du licenciement ou de la démission » et, en conséquence, « ne peuvent être imposées par l’une ou l’autre des parties »(1). Par un arrêt en date du 20 octobre 2021 (n° 21VE02220), la Cour administrative d’appel de Versailles interprète cette règle dans une situation de fermeture de site.

 

Bref rappel des faits

Au mois de décembre 2020, une société du secteur de l’imprimerie conclut un accord collectif majoritaire de RCC. Cet accord concerne l’un des sites de production de la société, objet d’une réorganisation industrielle de ses activités impliquant à terme sa fermeture.

La Direccte valide l’accord.

Le seul syndicat non-signataire demande l’annulation de cette décision de validation administrative. Le tribunal administratif d’Orléans rejette cette demande. Le syndicat obtient gain de cause en appel, par un arrêt du 20 octobre 2021.

 

La RCC requiert un départ librement choisi par le salarié …

La cour administrative d’appel de Versailles rappelle qu’une procédure de RCC doit garantir le libre consentement du salarié quant à son départ de l’entreprise. Cela implique que les salariés doivent, selon sa motivation, être « en mesure de faire un réel choix entre le départ volontaire et le maintien dans leur emploi ».

Il s’agit là de l’esprit même de la RCC : permettre des suppressions d’emplois sans avoir à justifier d’un motif économique mais en recourant à des ruptures de contrats de travail purement volontaires.

Cette solution traduit seulement la lettre de l’article L.1237-19 du Code du travail, qui énonce qu’un accord collectif de RCC exclut « tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois ». La Cour confirme donc que ce mode de rupture du contrat de travail ne saurait aboutir au départ contraint de salariés.

 

… ce qui n’est pas le cas lorsqu’une note déjà remise au CSE prévoit la fermeture du site

Au cas particulier, la Cour administrative d’appel relève qu’une note d’information prévoyant la fermeture du site de production et le transfert de ses activités ainsi que de l’ensemble des salariés, ce dernier devant être vendu après sa désindustrialisation, avait été remise au CSE au mois d’octobre 2020. La Cour en a déduit que la société avait déjà décidé de fermer le site avant même le début des négociations de l’accord de RCC, qui se sont déroulées en décembre 2020.

L’annonce de la fermeture du site dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet de réorganisation, effectuée peu avant l’ouverture des négociations de l’accord, a amené la Cour administrative d’appel à considérer que le libre consentement des salariés à la rupture de leur contrat de travail ne pouvait pas être garanti.

Autrement dit, signer un accord collectif de RCC dans un contexte de fermeture de site a «empêché» les salariés de choisir entre la rupture de leur contrat de travail ou le maintien dans leur emploi, lequel ne pouvait qu’être supprimé ou transféré du fait de cette fermeture.

 

Il importe peu au fond que le projet puisse être finalement abandonné ou tous les salariés effectivement volontaires au départ : l’éventualité de départs contraints doit être exclue d’entrée.

 

Le raisonnement tenu par la juridiction d’appel s’inscrit dans la ligne directrice donnée dans le Questions-Réponses du ministère du Travail publié en avril 2018, à savoir que : « La rupture conventionnelle collective ne peut et ne doit pas être proposée dans un contexte de difficultés économiques aboutissant de manière certaine à une fermeture de site, ce qui aurait pour effet de fausser le caractère volontaire de l’adhésion du dispositif et de ne pas permettre le maintien des salariés non-candidats à un départ »(2).

L’annulation de la décision de validation de la Direccte (aujourd’hui la Dreets) était à cet égard inévitable, la Cour administrative d’appel ayant à juste titre considéré que l’autorité administrative avait manqué à son contrôle de légalité en ne s’assurant pas que l’accord de RCC litigieux excluait tout licenciement dans l’objectif de suppression d’emplois (3).

 

La volonté d’empêcher les employeurs de contourner un plan de sauvegarde de l’emploi

La motivation de la cour administrative d’appel de Versailles rappelle implicitement que la RCC ne doit pas constituer un moyen de contourner la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), plus contraignant.

La RCC dispose en effet de plusieurs avantages par rapport à un PSE : une absence de justification économique, une procédure plus souple, parfois un moindre coût, des risques de contestation de la rupture du contrat de travail par les salariés moins importants, etc.

 

Les juges exercent donc un contrôle rigoureux sur la légalité des décisions administratives validant des accords de RCC, afin de s’assurer qu’est effectivement exclu tout départ contraint.

 

Cela ne signifie pas pour autant que la RCC ne peut pas être motivée par des raisons économiques. Cela est possible dès lors qu’elle repose sur un volontariat libre et éclairé, en dehors de tout départ imposé. La même Cour d’appel administrative l’a d’ailleurs admis dans un arrêt du 14 mars 2019 (4).

Plus encore, le tribunal administratif de Montreuil a validé le principe du recours simultané ou successif d’une RCC et d’un PSE au regard de la même situation économique, dans la mesure où chaque procédure respectait son objectif propre, à savoir supprimer des emplois via des départs purement volontaires pour la RCC (5).

L’arrêt du 20 octobre 2021 est conforme à ces décisions, en ne s’attachant pas aux motivations économiques du projet justifiant une RCC mais au contrôle du libre consentement des salariés à la rupture de leur contrat de travail découlant de sa mise en œuvre.

 

(1) Article L. 1237-17 du Code du travail
(2) Question 8 du Questions-Réponses « La rupture conventionnelle collective » publié en avril 2018
(3) Articles L. 1237-19-3 et L. 1237-19 du Code du travail
(4) CAA Versailles, 4e, 14 mars 2019, n° 18VE04158
(5) TA Montreuil, 25 octobre 2021, 5e chambre, n° 2110664 et 2111493

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