Vers la fin du feuilleton de la réforme de l’assurance chômage ?
21 octobre 2021
Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux sur une nouvelle convention d’assurance chômage en 2018, le gouvernement a pris le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 qui redéfinit les règles d’indemnisation du chômage applicables aux travailleurs privés d’emploi et les règles relatives aux contributions chômage applicables aux employeurs et à certains salariés.
À la suite de son annulation partielle par le Conseil d’État en novembre 2020 (CE, 25 nov. 2020, n°434920), un nouveau décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 a repris, en les modifiant, les dispositions relatives au mode de calcul de l’allocation chômage et à la contriÂbution des employeurs.
Plusieurs syndicats ont demandé l’annulation de ce décret et ont demandé, en référé, sa suspension.
Par une ordonnance n°452210 du 22 juin 2021, le Conseil d’État, statuant en référé, a suspendu, sans limitation de durée, les nouvelles règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet dans la mesure où il a estimé que les incertitudes sur la situation économique ne permettaient pas de mettre en place, à cette date, ces nouvelles règles d’indemnisation.
Rappelons que ces nouvelles règles d’indemnisation ont pour but de mettre fin au phénomène de la « permittence », c’est-à -dire de l’alternance de contrats courts et de périodes d’indemnisation du chômage, qui est à la fois une source de précarité pour les salariés et de coût pour l’UNEDIC.
A la suite de cette ordonnance, le gouvernement a pris en catastrophe le décret n°2021–843 du 29 juin 2021 pour maintenir en vigueur les dispositions de la convention de 2017 relatives notamment au salaire journalier de référence jusqu’au 30 septembre 2021, afin d’éviter un vide juridique. Ce décret comporte un article 2 assez étrange qui prévoit que l’ensemble des dispositions dont l’ordonnance du 22 juin 2021 a ordonné la suspension « sont applicables à une date fixée par décret en Conseil d’État« .
Or, de deux choses l’une :
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- ou bien le Conseil d’État rejette au fond le recours formé contre la réforme de l’assurance chômage et l’arrêt du Conseil d’État mettra fin à la suspension ordonnée par le juge des référés;
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- ou bien le Conseil d’État statuant au fond annule les dispositions qui ont été suspendues et il est alors exclu qu’un décret puisse les rendre applicables.
Arguant d’une évolution favorable de la situation de l’emploi, le gouvernement a pris le décret n°2020–1251 du 29 septembre 2021 : ce décret rend applicables, à compter du 1er octobre 2021, « les onze premiers alinéas du paragraphe 1er et le paragraphe 2 de l’article 9, le paragraphe 1er de l’article 11, les paragraphes 1er, 3 et 4 de l’article 12, l’article 13 et le paragraphe 7 de l’article 65 du règlement de assurance chômage » ainsi que « les articles 21 et 23 du règlement d’assurance chômage« , c’est-à -dire, à la virgule près, l’ensemble des dispositions qui ont été suspendues par l’ordonnance du 22 juin 2021. Il y a donc une identité absolue entre le dispositif de l’ordonnance du 22 juin 2021 et le contenu du décret du 29 septembre 2021.
Le gouvernement a joint à la fiche de présentation de ce décret une note qui démontre, de façon très convaincante, que la situation de l’emploi permettait parfaitement de mettre en œuvre cette réforme depuis le mois de mai. Sans la citer intégralement, on en mentionnera les principaux éléments :
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- fin juin 2021, l’emploi salarié privé a d’ores et déjà dépassé son niveau d’avant crise avec 265 100 créations nettes d’emploi par rapport à mars 2021;
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- le taux de chômage s’est établi à 8 % de la population active au deuxième trimestre 2021, c’est-à -dire un niveau très proche de son niveau d’avant crise fin 2019 (8,1 %);
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- les embauches de plus d’un mois hors intérim se maintiennent à un niveau élevé en juillet 2021 (773 000), 7 % au-dessus du niveau de 2019;
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- fin juillet le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sans activité (DEF M A) s’ établit à 3 596 400, soit 3 % au-dessus de son niveau d’avant crise;
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- le recours au chômage partiel a très fortement diminué depuis avril;
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- les critères de la clause de retour à meilleure fortune prévue par l’article 7–1 du décret du 14 avril 2020, dont l’activation conditionne l’augmentation de 4 à 6 mois de la durée de cotisation requise pour l’ouverture et le rechargement des droits ainsi que la mise en œuvre du mécanisme de dégressivité après six mois d’indemnisation, seront remplis avec les chiffres arrêtés à fin septembre;
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- enfin, l’INSEE et la Banque de France ont revu leurs perspectives de croissance pour l’année 2021 à respectivement 6,25 et 6,3 % .
Le gouvernement a ainsi apporté un démenti cinglant à l’analyse de la situation du marché de l’emploi sur laquelle s’est fondé le Conseil d’État pour suspendre la réforme de l’assurance chômage puisque cette décision était uniquement fondée sur le fait que « les incertitudes sur la situation économique » ne permettaient pas de mettre en place cette réforme..
Le décret du 29 septembre 2021 a fait l’objet d’un recours en annulation et d’un recours en référé devant le Conseil d’État : les syndicats ont dénoncé l’atteinte portée à l’ordonnance de référé du 22 juin et à la séparation des pouvoirs. Il est très probable que, pour ce motif, ce décret va être suspendu puis annulé.
L’annulation du décret du 29 septembre va rendre tous ses effets à l’ordonnance en référé du 22 juin 2021, qui a suspendu l’application du décret du 30 mars 2021 et de la réforme. Mais le Conseil d’Etat devrait maintenant statuer très rapidement au fond sur le recours contre le décret du 30 mars 2021 : il est très probable qu’il rejette sur le fond le recours dans la mesure où l’ordonnance de référé a rejeté tous les moyens par une argumentation très solide.
Si c’est le cas, l’arrêt du Conseil d’État mettra fin à la suspension ordonnée par le juge des référés portant notamment sur les dispositions relatives au salaire journalier de référence.
Les dispositions du décret du 31 mars 2021 étant applicables à compter du 1er juillet 2021, le gouvernement souhaitera peut-être repousser l’entrée en vigueur de ce texte en application du décret du 29 juin, dont les dispositions n’ont pas été contestées.
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