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L’inclusion, un nouveau défi pour les entreprises

L’inclusion, un nouveau défi pour les entreprises

Alors que s’annonce enfin la sortie de la crise sanitaire et que certains s’interrogent sur ce à quoi ressemblera le «monde d’après», d’aucuns soutiennent déjà que l’entreprise de demain sera plus inclusive et plus solidaire.

Si le mot n’est pas nouveau, la démarche semble, quant à elle, promise à un nouvel essor sous l‘impulsion combinée des nécessités économiques – elle serait un outil de performance de l’entreprise – et de revendications sociétales fortes pour l’intégration de tous, quels qu’ils soient. Mais au-delà d’un mot, que signifie concrètement le fait d’être une entreprise inclusive? Tour d’horizon d’une notion très médiatisée aux contours encore peu et mal définis.

 

La définition de l’entreprise inclusive

L’inclusion vise l’ensemble des actions menées par une entreprise visant à prévenir les situations de discrimination liées notamment au handicap, à l’âge, à l’origine sociale ou la culture, au genre, à l’orientation sexuelle, à l’apparence physique ou encore à la situation sociale.

Longtemps appréhendées sous le terme « d’intégration », ces actions sont aujourd’hui plus largement identifiées par le terme « d’inclusion ». Au-delà d’un simple changement sémantique, cette différence de vocabulaire traduit la volonté d’opérer un autre traitement de l’altérité au sein de l’entreprise.

En effet, alors que l’intégration évoque l’adaptation d’individus « différents » à un système considéré comme « normal », le terme « d’inclusion » ne distingue plus entre les individus qui ne constituent plus deux groupes distincts mais un seul groupe dans lequel toutes les personnes, quelles que soient leurs différences, ont vocation à trouver leur place.

« Intégration », « insertion » ou « inclusion » ne sont donc pas des concepts juridiques trouvant leur place en tant que tels dans la loi mais des notions qui relèvent de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au nom de laquelle l’entreprise s’engage à prendre des mesures en vue d’avoir un impact positif sur la société, l’environnement et l’économie.

La commission européenne définit ainsi la RSE « comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». Partie intégrante de la RSE dans le domaine social, l’inclusion implique donc une démarche volontaire de la part d’entreprises qui veulent s’engager au-delà de leurs seules obligations légales en matière de prévention des discriminations, pour la reconnaissance de toutes les différences.

 

Les politiques publiques en faveur de l’inclusion

Force est de constater que c’est sous l’impulsion des pouvoirs publics que se sont développées les politiques d’inclusion : qu’il s’agisse de lutte contre toutes les formes de discrimination, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou de l’intégration des handicapés, le législateur a multiplié les dispositifs visant à mieux intégrer les femmes, les personnes handicapées, les jeunes, les seniors, les LGBT.

 

Nous pouvons citer plusieurs exemples récents :

    • la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés pour imposer à toute entreprise de plus de vingt salariés d’employer 6 % de personnes en situation de handicap, sous peine de sanction et a institué l’obligation, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés, de calculer et de publier chaque année un index relatif aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ;
    • la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion pour l’emploi par l’activité économique a créé le « CDI d’inclusion », destiné aux seniors de 57 ans et plus en situation de chômage longue durée ou qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles ;
    • le plan 1 jeune 1 solution, en faveur de l’inclusion des jeunes, par lequel le gouvernement a mis en place une aide exceptionnelle au recrutement des apprentis, pour tous les contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2021.

 

Plus récemment, l’adoption par les députés à l’unanimité en première lecture de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes a notamment pour objectif de féminiser les directions des entreprises (30 % d’ici 2027, 40 % en 2030 dans les 10 % de postes à plus forte responsabilité dans les entreprises de plus de 10 00 salariés) montre que l’action du législateur va se poursuivre.

 

Un sujet « montant » dans les négociations collectives

Sous l’impulsion du législateur, l’inclusion s’impose de plus en plus comme un sujet de négociation collective et se traduit par de nombreux accords tant au niveau des branches professionnelles qu’au niveau des entreprises (9 420 accords d’entreprise relatifs à l’égalité professionnelle et 4 512 accords relatifs à la diversité et à la non-discrimination sont aujourd’hui référencés sur le site Légifrance).

Ainsi, par exemple, un accord Mixité-diversité et Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la branche des sociétés d’assurances a été conclu le 2 octobre 2020.

Il vise notamment à lutter contre toutes les formes de discriminations, principe commun à tous les publics visés par l’accord (femmes, LGBT+, jeunes, seniors, travailleurs handicapés) et à poursuivre une politique inclusive en faveur de publics spécifiques : insérer les jeunes afin d’améliorer leurs chances de réussite ; maintenir en emploi les salariés seniors, veiller à leur évolution professionnelle et salariale, en affirmant la volonté de poursuivre et de renforcer la politique de la branche pour favoriser le bien vieillir au travail et à développer l’emploi des travailleurs handicapés.

On relève également que certaines entreprises ont élargi la négociation relative à l’égalité femmes hommes et à la qualité de vie au travail à l’inclusion et la diversité.

Essilor a ainsi conclu un accord d’entreprise relatif à la diversité et l’inclusion 2020-2023 qui prévoit des actions notamment en matière de recrutement, de sensibilisation et d’accompagnement axées sur la diversité (handicap, jeunes, etc.) ainsi que des mesures en faveur de la collaboration intergénérationnelle. L’accord de BNP du 24 juillet 2020 prévoit quant à lui un Comité élargi de la Diversité avec un réseau de « correspondants Diversité ».

Les entreprises s’engagent également de manière unilatérale en adhérant à des chartes, par exemple, le Manifeste pour l’inclusion des personnes handicapées signé en 2019 par plus de 100 entreprises ou la Charte d’Engagement LGBT de L’Autre Cercle signée par plus de 150 entreprises ou encore au Collectif d’entreprises pour une économie plus inclusive (qui regroupe 35 entreprises).

La loi accompagne et valorise l’engagement des entreprises en matière de RSE.

Ainsi la loi Pacte a permis à ces dernières d’inscrire dans leurs statuts « une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (c. civ., art. 1835).Sans être obligatoire, une telle mention dans les statuts permet aux entreprises qui le souhaitent de marquer leur différence par rapport à leurs concurrents.

 

L’inclusion, un facteur de performance et d’attractivité de l’entreprise

Les déclarations de performance extra-financière mettent en avant des engagements croissants des entreprises avec un chiffrage des objectifs et des résultats. Par exemple, L’Oréal présente des chiffres-clés pour mesurer son engagement en faveur de la diversité et de l’inclusion.

 

Si l’inclusion est indubitablement un enjeu pour l’image de l’entreprise, elle est également un facteur d’amélioration de sa performance. C’est ce que démontrent plusieurs études récemment publiées. Ainsi, selon une étude réalisée en 2016 par France Stratégie, l’engagement de l’entreprise dans une démarche de RSE lui apporte un gain de performance de 13 % par rapport à une autre entreprise.

 

Plus axée sur l’inclusion, une récente étude réalisée par le cabinet Deloitte (diversité et inclusion, janvier 2020), montrent que les entreprises qui pratiquent une politique inclusive génèrent jusqu’à 30% de chiffre d’affaire supplémentaire par salarié et une profitabilité supérieure à celle de leurs concurrents. Selon cette même étude, les entreprises dotées de politiques d’égalité des chances dans l’emploi et de cultures favorisant la mixité ont près de 60% de chances supplémentaires de voir leur profit augmenter.

Les politiques inclusives peuvent également constituer un élément d’attractivité pour attirer de nouveaux talents. Des labels et certifications ont ainsi été créés pour permettre aux entreprises qui ont engagé des actions concrètes en faveur de la diversité de les faire connaitre et des valoriser. L’ANDRH a créé le label sur la diversité créé en 2008 qui reconnait les engagements et les résultats des entreprises dès lors qu’elles remplissent six objectifs définis par un référentiel.

Plus récemment, la fédération des entreprises d’insertion a créé avec l’AFNOR en février 2020, le label RSEi (Responsabilité Sociétale des Entreprises inclusives) qui atteste du niveau de maturité des entreprises inclusives en matière de RSE en y intégrant les spécificités de la mission d’inclusion des personnes vulnérables.

La démarche de l’inclusion semble donc aujourd’hui bien engagée dans les entreprises et son développement pourrait être de nature à réduire l’intervention du législateur en évitant l’édiction de nouveaux textes dans ce domaine créant de nouvelles obligations assorties de sanctions, telles que des pénalités financières.

 

Article publié dans les Echos le 28/05/2021

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