L’action en requalification d’un CDD en CDI se prescrit par 2 ans !
14 février 2020
Le délai de prescription, applicable à une action en requalification d’un contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) fondée sur le motif de recours énoncé au contrat, est de deux ans à compter du terme du CDD ou, en cas de CDD successifs, du terme du dernier contrat. C’est ce que précise la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 janvier 2020 (n° 18-15.359).
Pour rappel, le recours au CDD n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas de recours prévus par la loi (remplacement d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, emploi à caractère saisonnier, dans le cadre des mesures pour l’emploi ou pour assurer un complément de formation professionnelle). Il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Dans cet arrêt, un salarié avait été engagé dans le cadre de CDD d’usage successifs du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013. Estimant que le poste qu’il avait occupé s’inscrivait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’entreprise, il avait saisi, le 7 juillet 2014, le Conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de ses CDD en CDI, à compter du 20 novembre 2004.
Jugeant sa demande en partie prescrite, la Cour d’appel retient que le salarié ne pouvait pas solliciter la requalification des contrats plus de deux ans auparavant, soit avant le 7 juillet 2012.
La question se posait de savoir quel était le délai de prescription applicable aux actions en requalification et à quelle date courrait ce délai.
Un délai de prescription fixé à deux ans
Dans les litiges individuels du travail, plusieurs délais de prescription sont applicables :
-
- un délai réduit à 12 mois pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L.1471-1, al. 2 modifié par l’ordonnance n° 2017-1387), telles que les actions en contestation d’un licenciement, d’une rupture anticipée d’un CDD, d’une rupture de la période d’essai, d’une démission, d’une mise à la retraite, etc. ;
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- un délai de deux ans pour les actions portant sur l’exécution du contrat de travail (C. trav., art. L.1471-1, al. 1er), telles que les actions en exécution déloyale du contrat de travail, les actions en contestation d’une sanction disciplinaire autre qu’un licenciement, les actions relatives à la modification du contrat de travail, les actions en réparation d’un préjudice moral ou matériel lié à un manquement de l’employeur à l’une de ses obligations, etc. ;
-
- un délai de trois ans pour les actions en paiement de créances salariales (C. trav., art. L.3245-1);
-
- le délai de droit commun de cinq ans pour les actions fondées sur une discrimination ou un harcèlement sexuel ou moral et pour les actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail (C. trav., art. L.1471-1, al. 3).
S’agissant des actions en requalification, le délai de prescription applicable faisait débat. Il pouvait être soutenu en effet que :
-
- elles ne portaient ni sur l’exécution, ni sur la rupture, mais sur la formation du contrat, de sorte que la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil était applicable ;
-
- elles avaient pour effet de requalifier la relation de travail en cours d’exécution du contrat, de sorte que la prescription biennale de l’article L.1471-1 du Code du travail était applicable ;
-
- elles avaient pour effet de remettre en cause la validité de la rupture par arrivée du terme du CDD, de sorte que la prescription annale de l’article L.1471-1 du Code du travail était applicable.
Ce d’autant plus que, dans un arrêt du 3 mai 2018 (n° 16-26.437), pour juger que l’action en requalification d’un CDD en CDI se prescrivait par deux ans, la Cour de cassation se fondait sur la rédaction de l’article L.1471-1 du Code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387, qui a réduit le délai de prescription à un an uniquement pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation réaffirme que l’action en requalification du CDD est une action relative à l’exécution du contrat soumise au délai de prescription de deux ans.
Néanmoins, en application de l’article 2254 du Code civil, les parties devraient pouvoir aménager conventionnellement la durée de la prescription via une clause insérée dans le contrat, sans qu’elle puisse être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-16.561).
Un délai de prescription courant à compter du terme du contrat
Le délai de prescription court à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
S’agissant de l’action en requalification de CDD en CDI fondée sur le motif du recours énoncé au contrat, la Cour de cassation dans l’arrêt commenté précise que « le délai de prescription (…) a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier ».
Au cas particulier, le dernier CDD d’usage s’étant achevé le 4 octobre 2013, à la date de la saisine du Conseil de prud’hommes, le 7 juillet 2014, la demande en requalification fondée sur le motif de recours n’était pas prescrite et ce dernier pouvait se prévaloir des effets de la requalification des CDD successifs en CDI à compter du premier contrat irrégulier.
La caractérisation de la situation contractuelle permanente et durable, nécessaire à l’action en requalification fondée sur un recours illégal aux CDD successifs, explique certainement le choix de ce point de départ.
Ainsi, s’agissant en revanche d’actions en requalification reposant sur un fondement autre, tel que l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de la prescription biennale court à compter de la conclusion du contrat (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437).
La situation contractuelle permanente et durable du salarié explique également que la Cour de cassation ait admis que l’action du salarié porte sur toute la période du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013 et non, comme l’avait jugé la Cour d’appel, sur la seule période du 7 juillet 2012 au 7 juillet 2014.
Ces précisions de la Cour de cassation, transposables nous semble-t-il aux actions en requalification de contrat de mission en CDI, sont bienvenues pour les employeurs ayant recours au CDD ou à l’intérim.
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