Rappels sur l’utilisation de la vidéosurveillance par l’employeur
24 février 2020
Par un arrêt du 11 décembre 2019 (n° 17-24.179), la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision qui s’inscrit dans la droite lignée de sa jurisprudence concernant l’obligation d’information du salarié en cas d’utilisation d’un système de surveillance.
Ainsi, lorsque la vidéosurveillance a pour seul objet d’assurer la sécurité des biens et des locaux, et non pas de surveiller l’activité des salariés, l’information préalable des salariés n’est pas requise. Pour autant, cela n’exclut pas, dans certains cas, l’utilisation ultérieure de la vidéosurveillance pour justifier une mesure de licenciement…
Les faits
Un agent de surveillance a été filmé, sur le site d’un client de son employeur, en train de fracturer la porte d’un casier au sous-sol réservé au stationnement. Le client de la Société en a informé son prestataire après visionnage des caméras de surveillance.
Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave par son employeur. Le salarié a toutefois contesté son licenciement, faisant notamment valoir que dès lors qu’il n’avait pas été informé de la présence de caméras de surveillance, l’enregistrement vidéo ne lui était pas opposable.
La décision
Par un arrêt du 28 juin 2017, la cour d’appel de Versailles a estimé que faute pour le salarié d’avoir été dûment informé de la présence sur le site de caméras, l’enregistrement vidéo ne pouvait lui être valablement opposé par son employeur. La Cour d’appel a confirmé le jugement du Conseil des Prud’hommes, estimant que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation a toutefois cassé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles.
L’analyse
Cet arrêt ne constitue pas un infléchissement de la jurisprudence antérieure mais s’inscrit, au contraire, dans la droite lignée des textes et de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de vidéosurveillance des salariés.
En effet, deux situations doivent être distinguées.
Vidéosurveillance aux fins de contrôle de l’activité du salarié : l’information du salarié est toujours requise
En application de l’article L.1222-4 du Code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Sur ce fondement, lorsqu’un système de vidéosurveillance est utilisé afin de contrôler l’activité des salariés dans l’exercice de leurs fonctions, alors les enregistrements ne leur sont opposables que s’ils en ont été préalablement avertis.
En outre, en principe, il n’est pas possible de filmer les salariés sur leur poste de travail de manière permanente et constante, ceux-ci ayant droit au respect de leur vie privée, même sur leur lieu de travail.
Ainsi, l’enregistrement d’images ou de sons effectués à l’insu du salarié constitue un mode de preuve illicite. De la même manière, est illicite l’usage d’une caméra dissimulée dans une caisse aux fins de surveiller le comportement des salariés sans qu’ils s’en doutent (Cass. Soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120) ou encore lorsque l’employeur dépose plainte pour des faits de vol en se fondant sur des images de vidéosurveillance alors même que la salariée n’a pas été informée de l’existence de ce système de surveillance (Cass. Soc., 20 septembre 2018, n° 16-26.482).
L’obligation d’information s’applique également en cas de système de vidéosurveillance chez un client. La Cour de cassation considère dans ce cas que le système de surveillance installé sur le site d’une société cliente ne peut être utilisé par l’employeur pour contrôler l’activité des salariés si ceux-ci n’ont pas été préalablement informés de son existence (Cass. Soc., 10 janvier 2012, n°10-23.482).
Vidéosurveillance afin d’assurer la sécurité des locaux : l’information du salarié n’est pas requise
A contrario, lorsque le système de vidéosurveillance est exclusivement destiné à assurer la sécurité des locaux dans lesquels les salariés n’ont pas vocation à assurer leur activité professionnelle, les enregistrements leur sont opposables même s’ils n’en ont pas été avertis préalablement, dès lors que le système de surveillance n’a pas pour but de contrôler leur activité (Cass. Soc., 19 avril 2005, n°02-46.295).
C’est dans cette seconde situation que s’inscrit l’arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2019.
En effet, dès lors que le système de surveillance n’avait pas été installé pour surveiller l’activité du salarié mais pour surveiller les locaux, son employeur était en droit d’en faire usage pour justifier son licenciement pour faute grave.
Respect du principe de proportionnalité
Si l’employeur peut opposer au salarié un enregistrement dont l’existence n’a pas été préalablement portée à sa connaissance, et ce dès lors que ce système de vidéosurveillance n’a pas pour objet de surveiller son activité, il est toutefois indispensable de rappeler que le système de vidéosurveillance doit, en tout état de cause, être proportionné au but recherché.
En effet, en application de l’article L. 1121-1 du Code du travail, toute atteinte aux droits et libertés des salariés doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Ainsi, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de juger qu’une entreprise ne peut invoquer la finalité de sécurité des personnes et des biens et la confidentialité de ses missions pour justifier du caractère proportionné de la vidéosurveillance du poste de travail d’un salarié alors que ces préoccupations de sécurité n’étaient étayées par aucun élément hormis sa volonté de lutter contre des vols susceptibles d’être perpétrés par ses salariés (CE, 18 novembre 2015, n° 371196).
Traitement des données personnelles et responsabilité de l’employeur
Enfin, il convient de rappeler que si l’accomplissement des démarches administratives auprès de la CNIL a disparu avec l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), toute société traitant des données à caractère personnel est pleinement responsable de la protection des données qu’elle traite.
Il lui appartient donc d’assurer la conformité au RGPD de ses traitements de données personnelles tout au long de son cycle de vie et d’être en mesure de démontrer cette conformité.
La CNIL veille par ailleurs à l’utilisation appropriée de la vidéosurveillance par les employeurs et a déjà sanctionné financièrement des entreprises en raison de manquements en la matière.
La vigilance s’impose donc en matière d’utilisation d’un système de vidéosurveillance.
Article publié dans les Echos Executives le 24/02/2020
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