Loi d’orientation des mobilités : quelles implications pour les relations de travail ?
4 mars 2020
Découvrez les principaux apports de la LOM
La loi d’orientation des mobilités (dite « LOM » ou « Loi Mobilités ») du 24 décembre 2019, transforme en profondeur la politique des mobilités en se fixant l’objectif d’améliorer de façon concrète la mobilité au quotidien de tous les Français au moyen de transports plus faciles, moins coûteux et plus respectueux de l’environnement. Point d’arrêt sur les mesures de cette loi relatives aux relations de travail.
Avec la loi d’orientation des mobilités, qui doit encore donner lieu à de nombreux décrets d’application, le législateur a souhaité répondre à la volonté des employeurs de disposer d’outils souples pour soutenir les modes de déplacement « vertueux » de leurs salariés et offrir de nouvelles garanties aux travailleurs des plateformes.
Une nouvelle négociation obligatoire sur la mobilité
Depuis le 1er janvier dernier, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent négocier les mesures destinées à améliorer la mobilité des salariés pour leurs déplacements domicile-travail, notamment en réduisant leur coût et en promouvant l’usage de modes de transport « vertueux » écologiquement.
Ces nouvelles mesures intègrent la liste des thématiques de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (QVT).
Concrètement il pourra s’agir d’aménager par accord des horaires de travail ou d’équipe, de faciliter l’usage du vélo, le recours au covoiturage ou encore au télétravail.
A défaut, les employeurs sont tenus d’établir unilatéralement un « plan de mobilité employeur » traitant de ces sujets et précisant, le cas échéant, l’aide financière octroyée pour les frais occasionnés.
La prise en charge de nouveaux frais de transport « propres »
Elargissement des frais de transport couverts et des salariés bénéficiaires
Outre les salariés pour lesquels l’utilisation d’un véhicule est rendue indispensable en raison de leurs horaires de travail, la loi d’orientation des mobilités intègre à la liste des bénéficiaires de la prise en charge de leurs frais de transport les salariés dont le lieu de travail ou la résidence habituelle :
-
- est situé dans une commune non desservie par un service public de transport régulier ou un service privé mis en place par l’employeur ; ou
-
- n’est pas inclus dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire.
De plus, les coûts liés à l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogènes s’ajoutent au remboursement traditionnel des frais de carburant (C. trav., art. L.3261-3).
Création d’un « forfait mobilités durables » et d’un « titre-mobilité »
La loi d’orientation des mobilités crée un « forfait mobilités durables » remplaçant l’indemnité kilométrique de vélo. Ce dispositif offre la possibilité aux entreprises de supporter, tout ou partie, des frais engagés par les salariés ayant recours au vélo (électrique ou non), au covoiturage (passager ou conducteur) ou encore aux transports publics (à l’exception des abonnements de transports collectifs) pour les déplacements entre le lieu de travail et leur domicile. (C. trav., art. L.3261-3-1).
Les modalités d’attribution de ce forfait sont déterminées par accord d’entreprise, interentreprises ou de branche. A défaut, cette prise en charge est mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité social et économique, CSE, le cas échéant (C. trav. art., L.3261-4).
Un titre de paiement spécifique, dématérialisé et prépayé dit « titre-mobilité », s’inspirant du ticket-restaurant, a d’ailleurs été créé pour assurer cette prise en charge. Son utilisation est facultative et ses modalités d’application seront précisées par un décret à venir (C. trav., art. L.3261-10).
Exonérations fiscales et sociales
Le forfait mobilités est exonéré de cotisations sociales pour l’employeur et d’impôt sur le revenu pour les salariés dans la limite de 400 euros par an et par salarié, incluant un maximum de 200 euros au titre du remboursement des frais de carburant.
Ce plafond intègre, pour les salariés concernés, la prise en charge des frais d’abonnement de transports collectifs ou de service public de location de vélo.
Les nouvelles garanties offertes aux travailleurs des plateformes
Pour essayer de mettre un terme à l’insécurité juridique du statut des utilisateurs de plateformes électroniques (chauffeurs VTC et livreurs de marchandises au moyen d’un véhicules, motorisé ou non, à de 2 ou 3 roues), le législateur leur consacre de nouveaux droits.
Une obligation de transparence pour les plateformes
Afin d’assurer une meilleure protection de ces travailleurs indépendants, les plateformes doivent désormais leur communiquer, avant chaque prestation, la distance couverte et le prix minimal garanti dont ils bénéficieront, déduction faite des frais de commission.
Elles sont également tenues de publier sur leur site Internet, de façon loyale, claire et transparente, des indicateurs relatifs à la durée d’activité et au revenu de ces travailleurs qui seront précisés par décret.
Une meilleure protection des travailleurs
Dans un contexte de remise en cause de leur indépendance, la loi d’orientation des mobilités garantit explicitement aux travailleurs des plateformes le droit de refuser une prestation, sans que cela n’occasionne une quelconque pénalité, ainsi que le libre choix de leurs plages horaires d’activité, y compris de déconnexion, et d’inactivité. Ces arguments ne doivent plus être utilisées par les plateformes pour rompre la relation contractuelle (C. transports, art. L.1326-2 et L.1326-4).
La possibilité de conclure une charte de responsabilité sociale
Les plateformes ont la possibilité de fixer, elles-mêmes, dans une charte :
-
- les conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs avec lesquels la plateforme est en relation, en particulier les règles selon lesquelles ils sont mis en relation avec ses utilisateurs ;
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- les modalités visant à permettre aux travailleurs d’obtenir un prix décent pour leur prestation de service ;
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- les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels ;
-
- les mesures visant notamment à améliorer les conditions de travail et à prévenir les risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ainsi que des dommages causés à des tiers ;
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- les modalités de partage d’informations et de dialogue entre la plateforme et les travailleurs sur les conditions d’exercice de leur activité professionnelle ;
-
- les modalités selon lesquelles les travailleurs sont informés de tout changement relatif aux conditions d’exercice de leur activité professionnelle ;
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- la qualité de service attendue, les modalités de contrôle par la plateforme de l’activité et de sa réalisation et les circonstances qui peuvent conduire à une rupture des relations commerciales entre la plateforme et le travailleur, ainsi que les garanties dont bénéficie le travailleur dans ce cas ;
-
- le cas échéant, les garanties de protection sociale complémentaire négociées par la plateforme dont les travailleurs peuvent bénéficier (C. trav., art. L.7342-9).
Cette charte doit être publiée sur le site internet de la plateforme et annexée aux contrats ou aux conditions générales d’utilisation qui la lient aux travailleurs. Il est également possible de la faire homologuer auprès d’une autorité administrative après consultation des travailleurs indépendants.
Retenant l’argument du Gouvernement selon lequel les plateformes sont dissuadées d’accorder des « garanties supplémentaires aux travailleurs indépendants (…) en raison des incertitudes liées au risque de requalification de la relation commerciale en contrat de travail », le législateur souhaitait que les engagements pris au titre d’une charte homologuée puissent permettre de ne pas caractériser un lien de subordination (article 44 de la LOM).
Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette position en considérant que les règles permettant d’apprécier l’existence d’un contrat de travail relèvent de la seule compétence de la loi et du pouvoir de requalification du juge (Cons. Const., 20 décembre 2019, n°2019-794 DC).
Le feuilleton jurisprudentiel sur le statut de ces travailleurs, et partant l’insécurité juridique pour les praticiens, va donc largement pouvoir se poursuivre.
Article publié dans les Echos Executives le 04/03/2020
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