Entretiens professionnels : les sanctions financières pesant sur l’employeur en l’absence de mise en conformité au 7 mars 2020
13 mars 2020
Depuis 2014, l’employeur est tenu d’organiser tous les deux ans un entretien professionnel avec chaque salarié. Au bout de six ans, la réalisation d’un état des lieux permet de vérifier si le salarié a notamment bénéficié d’une action de formation. Le non-respect de ces obligations rend l’employeur redevable d’un abondement sur le compte personnel de formation (CPF) des salariés concernés.
La nature des obligations de l’employeur.
Chaque salarié bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien spécifique, issu des dispositions légales relatives à la formation professionnelle continue des salariés, se distingue d’autres types d’entretiens, tels que les entretiens annuels d’évaluation ou les entretiens de suivi des salariés en forfait annuel en jours.
Tous les six ans, un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié est réalisé afin de vérifier :
-
- l’effectivité des entretiens professionnels ;
-
- le bénéfice par le salarié d’au moins une action de formation, de l’acquisition des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience (VAE) et d’une progression salariale ou professionnelle.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens précités et d’au moins une formation non-obligatoire, l’employeur doit verser sur son CPF un abondement correctif de 3 000 euros.
Concrètement, pour les salariés déjà en poste le 7 mars 2014, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 ayant créé le dispositif, le respect de ces obligations est apprécié à l’issue du premier cycle de 6 ans, soit le 7 mars 2020.
Une nouvelle période transitoire relative aux modalités de mise en œuvre de l’obligation
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 a modifié les modalités d’appréciation du respect des obligations de l’employeur. Toutefois, l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 est venue introduire une période transitoire courant jusqu’au 31 décembre 2020 pendant laquelle les entreprises concernées disposent de modalités de mise en conformité plus souples.
En effet et jusqu’au 31 décembre 2020, l’employeur peut remplir ses obligations de deux façons :
-
- soit, en appliquant les règles issues de la loi du 5 mars 2014 en justifiant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins deux des trois mesures d’évolution suivantes :
– le suivi d’au moins une action de formation ;
– l’acquisition des éléments de certification par la formation ou par une VAE ;
– le bénéfice d’une progression salariale ou professionnelle.
-
- soit, en appliquant les règles issues de la loi du 5 septembre 2018 et en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins une formation dite « non-obligatoire », c’est à dire « qui [ne] conditionne [pas] l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires » (C. trav., art. L.6321-2).
A partir du 1er janvier 2021, les employeurs devront respecter les règles issues de la loi du 5 septembre 2018.
Attention cependant, la période transitoire n’a pas pour effet de repousser le terme du 7 mars 2020 pour l’organisation des entretiens d’état des lieux des salariés déjà en poste dans l’entreprise le 7 mars 2014 (Questions-réponses du Ministère du travail, Q.3).
La justification des entretiens et des formations réalisées
Qu’il s’agisse de la tenue des entretiens professionnels ou du suivi de formations, l’employeur doit disposer de justificatifs des actions réalisées.
A l’aune des obligations de ce dernier, le document justificatif d’une formation devrait comprendre a minima les dates, le thème et le programme de la formation réalisée, l’identité et la compétence du formateur ainsi que la preuve que le salarié y a assisté.
La justification des entretiens professionnels suppose quant à elle l’établissement d’un document spécifique, à tout le moins daté, dont une copie est remise au salarié. La possibilité de justifier a posteriori (et par tout moyen) d’entretiens professionnels effectivement réalisés mais pour lesquels aucun document n’avait été établi semble écartée par les textes.
De la même manière, la tenue d’entretiens professionnels « de rattrapage » ne permettrait pas à l’employeur de justifier du respect de son obligation biennale.
L’« autorégulation » de l’employeur, sous le contrôle de l’administration
C’est l’une des spécificités du dispositif : l’employeur vérifie lui-même le respect de ses obligations en la matière.
S’il constate une défaillance, il est tenu de procéder spontanément au versement de l’abondement correctif de 3 000 euros sur le CPF du salarié n’ayant pas bénéficié des entretiens professionnels et d’une action de formation légalement prévus dans les délais impartis.
Depuis le 1er janvier 2020, cette somme est théoriquement versée à la Caisse des dépôts et consignations qui alimente ensuite le CPF du salarié de l’abondement correspondant. Néanmoins, le ministère du Travail précise que les conditions et les périodes de versement à la Caisse des dépôts et consignations seront précisées ultérieurement (Questions-réponses du ministère du Travail, Q.7).
Le respect des obligations de l’employeur peut être vérifié a posteriori lors de contrôles opérés par les agents des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, DIRECCTE (Questions-réponses du Ministère du travail, Q.7).
En l’absence d’abondement spontané ou si l’abondement est insuffisant, ces agents peuvent mettre en demeure l’employeur de régulariser la situation et d’inscrire cet abondement au CPF des salariés concernés. A défaut d’une telle régularisation, l’entreprise verse au Trésor Public un montant équivalent à l’insuffisance constatée, majorée de 100 %.
L’automaticité et l’ampleur de la sanction financière sont loin d’être neutres et doivent donc conduire l’employeur à la plus grande vigilance en matière de suivi de l’évolution professionnelle de ses salariés.
Article publié dans les Echos Executives du 13/03/2020
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