Préparer concrètement le retour des salariés dans l’entreprise : check-list des obligations de l’employeur
30 avril 2020
Conformément aux annonces du Gouvernement, les entreprises devraient en principe progressivement reprendre leur activité à compter du 11 mai prochain. La menace de l’épidémie n’étant toutefois pas terminée, il est primordial pour les employeurs de rester vigilants et de préparer les conditions matérielles du retour des salariés dans les locaux de l’entreprise.
Les récentes décisions à l’encontre de grandes entreprises (notamment Amazon, Carrefour, La Poste) démontrent que l’employeur doit adopter et mettre en œuvre de manière effective des mesures d’hygiène adaptées garantissant la santé et la sécurité des salariés en fonction de leur poste de travail.
Pour ce faire, l’employeur doit procéder par étape : évaluer les risques, redéfinir l’organisation du travail, réorganiser les locaux de l’entreprise et veiller à l’application stricte des consignes.
Pour chaque étape, il est indispensable d’associer deux acteurs clés en matière d’hygiène et de santé dans l’entreprise : le comité social et économique (CSE) d’une part et le médecin du travail d’autre part.
1. Evaluer les risques
Le préalable indispensable à la reprise d’activité de toute entreprise est l’évaluation concrète des risques existant en termes d’hygiène, de santé et de sécurité des salariés dans les locaux.
Pour ce faire, le document unique d’évaluation des risques (DUER) doit être actualisé et lister très précisément les risques de contagion identifiés.
Dans ce cadre, il est essentiel de ne pas oublier dans la liste des risques inhérents à la reprise d’activité les risques psychosociaux pesant sur les salariés, lesquels peuvent exister compte tenu du risque épidémique et des réorganisations qu’il entraine.
Pour procéder à l’évaluation des risques, il est vivement recommandé à l’employeur d’associer les représentants du personnel et le médecin du travail à sa démarche afin de garantir le dialogue social et d’obtenir l’expertise technique d’un praticien.
Pour mémoire, l’absence ou le défaut de mise à jour du DUER est passible de sanctions pénales (amende jusqu’à 1 500 euros voire 3 000 euros en cas de récidive) et civiles (restrictions ou suspension d’activité).
Enfin, et le cas échéant, le plan de prévention applicable dans l’entreprise doit également être revu. Il en va de même du règlement intérieur et de toute note de service applicables en matière de santé et sécurité.
2. Redéfinir l’organisation du travail
Il va falloir définir au sein de chaque service quels sont les salariés qui ont vocation à revenir sur site et quels sont ceux qui continueront à être en télétravail.
La priorité reste donnée au télétravail, seuls les salariés ne pouvant travailler à distance devraient progressivement retourner dans les locaux de l’entreprise.
Toutefois, afin d’éviter que l’ensemble des salariés ne soit présent sur le site en même temps, il peut être nécessaire de prévoir une nouvelle organisation du travail.
A ce titre, le Conseil scientifique préconise notamment de privilégier un système de rotation ou d’étalement des horaires en fonction des contraintes liées à chaque activité et de la situation des salariés concernés.
Par ailleurs, les déplacements professionnels autres que le trajet domicile-lieu de travail doivent être évités à moins qu’ils ne soient strictement nécessaires à l’activité de l’entreprise.
Enfin, les salariés vulnérables et les parents d’enfants de moins de 16 ans devraient toujours bénéficier de dispositions particulières et ce au moins jusqu’au 2 juin d’après la Ministre du travail. A cet égard, il est prévu qu’à compter du 1er mai, l’employeur devra procéder à la bascule de ces salariés dans le dispositif d’activité partielle pour le cas où ils seraient toujours dans l’impossibilité d’exercer leur activité professionnelle
3. Réorganiser les locaux de l’entreprise
L’organisation des locaux de l’entreprise doit également être repensée afin de tenir compte des recommandations formulées par les autorités sanitaires pour préserver la santé des salariés.
Dans ce cadre, l’employeur doit mettre en œuvre des mesures concrètes permettant de respecter ces consignes notamment en termes de distanciation sociale et de gestion des espaces communs.
A titre d’illustration, il est important de veiller à ce que les portiques d’entrée et les ascenseurs ne soient pas utilisés par plusieurs salariés au même moment. De même, les salles de réunions et restaurants d’entreprise, s’ils sont réouverts, ne doivent pouvoir accueillir qu’un nombre limité de salariés se tenant mutuellement à bonne distance. Les procédures de nettoyage des locaux doivent également être revues le cas échéant. De même, que les éventuelles procédures de réception de clients, de marchandises etc…
4. Veiller à l’application stricte des mesures d’hygiène
L’employeur doit veiller à ce que les salariés appliquent de manière effective les consignes d’hygiène dans l’entreprise.
Pour ce faire, il est avant tout indispensable d’adopter une politique d’information et de formation efficace des salariés garantissant leur bonne connaissance de ces consignes. L’obligation d’information doit être individualisée et adaptée à chaque poste de travail.
Par ailleurs, l’employeur doit anticiper les besoins de l’entreprise en termes d’équipements (gel hydroalcoolique, masques, le cas échéant gants…). Ce matériel doit être fourni aux salariés en fonction des risques inhérents à leur poste de travail. Le Gouvernement a d’ailleurs annoncé qu’une aide serait octroyée aux petites entreprises pour leur permettre de se fournir en masques.
5. L’implication des représentants du personnel
Conformément à l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE est consulté sur les mesures concernant les conditions d’emploi et de travail, ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité que l’employeur envisage de mettre en œuvre.
Le CSE doit donc être associé aux mesures mises en place dans l’entreprise dans le cadre de la reprise d’activité.
Afin de favoriser une reprise rapide, l’article 9 de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat réduisant les délais de consultation du CSE sera prochainement adopté. Un délai de 8 jours est annoncé.
6. Le médecin du travail acteur de la reprise
L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle prévoir que le médecin du travail pourra désormais prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19.
Le médecin du travail pourra en outre procéder à des tests de dépistage du covid-19 selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur. Des textes réglementaires doivent être prochainement publiés pour préciser le contenu et les conditions d’exercice de ces missions.
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