La loi n° 2020–546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions franchit le cap du Conseil constitutionnel !
13 mai 2020
Cette loi a deux objets essentiels :
- d’une part, elle proroge l’état d’urgence sanitaire, déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020–290 du 23 mars 2020, jusqu’au 10 juillet 2020 ;
- d’autre part, elle crée un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie de Covid–19, qui est une condition essentielle au succès du déconfinement.
Adoptée le 9 mai 2020, elle a été déférée le jour même au Conseil constitutionnel par le président de la République et le président du Sénat, puis le 10 mai par un groupe de sénateurs et de députés. La décision du Conseil constitutionnel était très attendue. À part quatre censures mineures et cinq réserves plus importantes, le Conseil a globalement validé la loi.
1. La décision du Conseil constitutionnel n° 2020-800 DC du 11 mai 2020
1.1. Une disposition a été introduite dans la loi, à l’instigation du Medef et des élus locaux, pour atténuer leur responsabilité pénale dans la gestion de la crise sanitaire. À l’issue de débats animés, la disposition votée prévoit qu’en application de l’article L.3136–2 du Code de la santé publique, l’article 121–3 du Code pénal est applicable « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont dispose l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur« .
Comme l’a relevé très justement le Conseil constitutionnel, « les dispositions contestées ne diffèrent donc pas de celles du droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire« . En d’autres termes, cette disposition n’apporte aucun assouplissement des règles applicables en matière de responsabilité pénale au profit des employeurs et des autorités locales : la montagne a donc accouché d’une souris.
1.2. Le Conseil constitutionnel a jugé, en second lieu, que « la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d’assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République« . Le Conseil a validé l’ensemble des ajustements apportés aux pouvoirs du Premier ministre, tels qu’ils découlent de l’article L.3131–15 du Code de la santé publique, dans le cadre du déconfinement.
1.3. En ce qui concerne les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, le Conseil constitutionnel rappelle, dans une formulation particulièrement ferme, « que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible« . Il ne suffit pas que le juge doive autoriser la prolongation, au-delà de 14 jours, des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement. Il en a déduit que la prolongation de ces mesures imposant à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans un lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de 12 heures par jour, ne peut intervenir sans l’autorisation du juge judiciaire.
1.4. En ce qui concerne la création d’un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie, le Conseil constitutionnel a d’abord affirmé qu’ « il résulte du droit au respect de la vie privée que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.
Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités« . Le Conseil constitutionnel a noté que le législateur a restreint le champ des données collectées aux seules données relatives au statut virologique ou sérologique des personnes.
En ce qui concerne la surveillance épidémiologique et la recherche contre le virus, il a noté que les noms et prénoms des intéressés, leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques et leurs adresses sont supprimés. Il a estimé que « sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée cette exigence de suppression doit également s’étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés« . Il a estimé, par une importante réserve, qu’ « il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir les modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité et, notamment, l’habilitation spécifique des agents chargés, au sein de chaque organisme, de participer à la mise en œuvre du système d’information ainsi que la traçabilité des accès à ce système d’information« .
Enfin, il a censuré l’exigence d’un avis conforme de la CNIL pour le décret d’application de ce système d’information, en estimant qu’une telle exigence portait atteinte à l’exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre.
2. La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
2.1. L’état d’urgence sanitaire n’est pas prorogé de deux mois jusqu’au 23 juillet 2020 comme l’avait proposé le Gouvernement mais seulement jusqu’au 10 juillet inclus.
L’article 3 de la loi élargit sensiblement les pouvoirs du Premier ministre en lui permettant de :
-
- réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;
-
- réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence d’une ou plusieurs catégories d’établissement recevant du public ainsi que des lieux de réunion.
2.2 L’article 11, relatif à la création d’un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie permet de traiter et de partager des données à caractère personnel concernant la santé, relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles, le cas échéant, sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information créé par le décret en Conseil d’État et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé.
Il convient de souligner que les services de santé au travail participent à la mise en œuvre de ce système d’information et peuvent, dans la stricte mesure où leur intervention sert les finalités du dispositif –c’est-à-dire l’identification des personnes infectées et des personnes présentant un risque d’infection– avoir accès aux données nécessaires à leur intervention.
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