Covid-19 et gestion des salariés non européens arrivant en France
8 juillet 2020
La crise sanitaire a suscité un grand moment d’incertitudes pour les salariés non européens et leur employeur. Tout un arsenal juridique et technologique est venu palier le vide administratif, mais il reste encore des points de vigilance pour l’entrée et le séjour des ressortissants des pays tiers.
Arsenal juridique : prolongation automatique des droits de séjour et de travail pour les salariés étrangers
En raison de la fermeture de l’accueil du public en préfecture, les titres de séjour et documents français ont été automatiquement prolongés :
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- l’ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 a d’abord prévu, par son article 1er, la prolongation automatique de 90 jours de la validité des titres de séjour ou documents français expirant entre le 16 mars et le 15 mai 2020 ;
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- l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, par son article 24, a prolongé les 90 jours initiaux à 180 jours pour les titres de séjour ou documents français expirant entre le 16 mars et le 15 mai 2020.
Puis un nouveau public, dont les titres de séjour ou documents français expirant entre le 16 mai et le 15 juin 2020, a bénéficié d’une extension exceptionnelle grâce à la loi du 17 juin 2020 qui dispose une prolongation automatique de 180 jours. Les employeurs doivent garder ces références juridiques dans le dossier de leurs salariés en cas de contrôle, dans l’attente ou le retrait ou l’édition de leur nouveau titre.
Arsenal technologique : accélération du numérique pour les démarches simples
Pour faire face à l’afflux des demandes des salariés étrangers et de leur famille, non couverts juridiquement par les textes ci-dessus, de plus en plus de préfectures ont mis en place des démarches simplifiées et dématérialisées, notamment pour les demandes de récépissés, les changements d’adresse, les demandes de rendez-vous urgents pour des travailleurs en situation régulière.
Certaines utilisent le site Internet demarches-simplifiees.fr pour l’authentification des titres de séjour préalablement à l’embauche de ressortissants non européens. Cette démarche est à effectuer par l’employeur auprès du lieu d’emploi des collaborateurs étrangers deux jours ouvrés avant le début de l’emploi.
Notons que pour l’embauche des étudiants, la procédure de vérification consistera en une déclaration nominative à effectuer auprès de la préfecture qui a délivré le titre. Par ailleurs les étudiants présents en France à la date du 15 mars 2020, jusqu’à l’ouverture effective des universités et des établissements d’enseignement supérieur, auront le droit de travailler 80 % de la durée annuelle du travail au lieu des 60 % actuellement (loi du 17 juin 2020).
Ces démarches de vérification sont d’autant plus importantes pour les entreprises que le titre de séjour présenté à l’embauche peut déjà être expiré. Ainsi en l’absence de réponse dans les deux jours ouvrables suivants la demande de vérification, l’obligation de l’employeur de s’assurer de l’existence de l’autorisation de travail est réputée accomplie. (R. 5221-42 du Code du travail).
Points de vigilance : comment organiser la mobilité professionnelle des salariés ?
Pour les voyageurs internationaux contraints de rester en France, et qui dépasseraient le quota de séjour de 90 jours par période de 180 jours, il est possible de bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour (APS). Un décret doit prochainement compléter la loi du 17 juin 2020 sur ce point.
Pour les ressortissants tiers à l’Union européenne (UE), leur entrée n’est pas acquise au 1er juillet 2020. L’ouverture des frontières extérieures sera progressive et sélective.
L’UE appliquera les critères sanitaires et le principe de réciprocité (si un pays applique l’interdiction d’entrée des Européens, l’UE appliquera la même restriction).
Toutefois ces restrictions ne s’appliqueront ni aux étudiants, ni aux travailleurs hautement qualifiés conformément aux préconisations de la commission européenne dans sa communication du 11 juin 2020 et à la recommandation du Conseil de l’UE en date du 30 juin 2020.
La plupart des consulats traitent à nouveau les demandes de visa, par priorité et en fonction des motifs : études/concours, motif professionnel et enfin motif familial pour établissement en France. Attention toutefois, la délivrance ne vaut pas systématiquement droit d’entrée car ce dernier est soumis aux conditions sanitaires.
Enfin reste un sujet complexe : le sort des collaborateurs étrangers bloqués par la fermeture des frontières. Les collaborateurs détenteurs d’un visa long séjour non-utilisé et déjà expiré, ou d’un titre de séjour qui a expiré alors qu’ils se trouvent hors de France, bénéficient de l’extension automatique si le titre a expiré entre le 15 mars 2020 et le 15 juin 2020.
Si les textes sont applicables en France, ils sont parfois difficilement compréhensibles par les autorités ou la compagnie aérienne du pays de départ, en l’absence de visa de retour ou de visa prolongé délivré par les consulats.
Dans ce contexte, mieux vaut prendre quelques précautions pour le départ :
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- voyager dans des vols directs pour la France ;
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- signaler les références de son vol auprès du consulat français avec la copie du document expiré, afin que l’officier de liaison de l’immigration française puisse être informé en amont et coordonner si nécessaire avec la police des frontières du pays de départ comme avec celle de l’arrivée ; et
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- emporter des documents en lien avec la situation professionnelle en France, notamment l’attestation de déplacement dérogatoire vers la France métropolitaine depuis les pays tiers et la déclaration sur l’honneur de ne pas présenter de symptômes d’infection au Covid-19.
Pour ceux qui voyagent en Europe, l’UE a mis en place l’outil Re-open UE. Il renseigne les voyageurs quant aux contraintes et consignes sanitaires applicables dans chaque état-membre.
Cette crise sanitaire a permis l’accélération de la mise en place de procédures dématérialisées. Ainsi de nouveaux documents administratifs vont être générés. Les anciens récépissés sont remplacés par « un document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre » (article 16 de la loi du 17 juin 2020).
Un avenir plus numérique et de partage d’informations se dessine dans la gestion des données des ressortissants étrangers en France avec l’espoir d’une simplification des démarches et d’un traitement plus rapide des demandes.
Article publié dans les Echos Executives le 08/07/2020
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