Covid-19 et reconfinement : quelles conséquences pour les entreprises ?
19 novembre 2020
A la suite du reconfinement de la population à compter du 30 octobre 2020, le ministère du Travail a mis à jour plusieurs documents publiés sur son site Internet : le protocole pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19, les questions-réponses sur le télétravail et les mesures de prévention dans l’entreprise contre la Covid-19. Il a également publié une fiche spécifique intitulée « gestion des cas contacts en entreprise ». Parallèlement, la Direction générale du travail (DGT) a donné des instructions à ses services quant à l’accompagnement des entreprises dans la mise en œuvre des mesures de prévention dans le contexte sanitaire actuel. Décryptage de ces nouvelles précisions et de leurs conséquences pratiques pour les entreprises.
Recours généralisé au télétravail pour les activités le permettant
Un principe : le télétravail total
La nouvelle version du protocole sanitaire en entreprise indique désormais que « dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, le télétravail doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance« .
Le ministère du Travail, dans son questions-réponses sur le télétravail mis à jour, précise non seulement que la mise en place du télétravail est une obligation pour l’entreprise dès lors que les activités le permettent mais également que, dans le contexte actuel, l’employeur peut se voir imposer d’accorder un ou plusieurs jours de télétravail au salarié.
On peut s’interroger sur le fondement d’une telle obligation figurant dans un protocole qui ne trouve pas sa source dans les dispositions légales et règlementaires en vigueur. Néanmoins, dans une décision de référés rendue le 19 octobre 2020, le Conseil d’Etat a retenu que le protocole sanitaire national « constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail ».
Un tempérament : le télétravail partiel
Si le télétravail est en théorie ouvert à tous les salariés, le ministère du Travail reconnaît que toutes les activités professionnelles ne peuvent pas être exercées à distance.
A ce titre, il précise que « les salariés exerçant des métiers qui paraissent a priori non « télétravaillables » peuvent néanmoins travailler à distance pour réaliser une partie de leurs activités”.
Il en est ainsi, par exemple, « lorsqu’il s’agit de renseigner le public, réaliser des enquêtes, faire du support informatique, de la gestion de projet, des achats, réaliser des supports de communication, etc. ».
Afin d’identifier ces différentes activités, le ministère préconise une méthode en trois étapes à réaliser avec les salariés concernés :
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- lister les principales activités pour chaque fonction ou métier ;
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- évaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités pour l’entreprise, le client et le télétravailleur (accès au serveur à distance, qualité du réseau internet, confidentialité des données, relations à préserver avec le client, etc.) ;
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- identifier les moyens et conditions qui peuvent être réunis pour lever ces difficultés (matériel de travail, installation de connexion sécurisée, ouverture de salles de visioconférence, définition de modalités et de plages de disponibilité pour les clients, les collègues et les managers, etc.).
Mise en place du télétravail dans le contexte sanitaire actuel
Aux termes de l’article L.1222-11 du Code du travail, le risque épidémique peut justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié.
Néanmoins, le ministère du Travail préconise aux employeurs de fixer “les règles du télétravail dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail”.
Sur ce point, il convient de rappeler qu’en principe, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en application de l’article L.2312-8 du Code du travail, l’employeur doit consulter le comité économique et social (CSE) lorsqu’il décide que les salariés doivent être placés en télétravail.
Cependant, le ministère du Travail admet que “face à l’urgence de la crise sanitaire et pour répondre rapidement à la mesure de confinement décidée par le Gouvernement, l’employeur pourra d’abord s’appuyer sur l’article L.1222-11 du Code du travail, qui prévoit que le télétravail peut être un aménagement du poste de travail pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés en cas d’épidémie pour mettre en place cette nouvelle organisation. Le CSE est ensuite consulté dès que possible après la mise en œuvre de la décision de l’employeur de recourir au télétravail. Néanmoins, l’employeur devra, sans délai, informer le CSE de sa décision”.
Sanctions des employeurs récalcitrants
Selon le questions-réponses relatif aux mesures de prévention, au regard du contexte sanitaire actuel, un employeur qui, alors que son activité s’y prête, refuserait de mettre en place le télétravail pourrait, au vu des conditions d’exercice du travail et des mesures de prévention mises en place dans l’entreprise, engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité.
En outre, il y est précisé que, lorsqu’une entreprise impose à ses salariés d’être présents sur site alors que leurs fonctions sont « télétravaillables », les agents de contrôle de l’inspection du travail peuven t:
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- adresser un rapport au direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) afin qu’il procède à une mise en demeure de l’employeur de régulariser la situation si elle est dangereuse (C. trav., art. L.4721-1, 1°) qui peut aboutir à établir un procès-verbal si l’entreprise ne donne pas suite ;
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- saisir en référé le juge judiciaire s’il existe un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique des salariés (C. trav., art. L.4732-1) ;
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- dresser un procès-verbal d’infraction adressé au procureur de la République (C. trav., art. L.4741-1).
La gradation de ces mesures dépendra “de l’importance du risque encouru par les salariés au regard du niveau de non-respect des principes généraux de prévention par l’employeur”. L’inspecteur prendra également en considération “la situation de l’entreprise et la qualité de son dialogue social”.
Organisation des activités nécessitant une présence des salariés sur site
Pour les activités attachées notamment à des lieux ou des personnes, qui impliquent de se rendre sur des lieux spécifiques pour inspecter, nettoyer, installer, réparer ou utiliser des outils et machines ou encore s’occuper de personnes ou d’animaux et pour lesquelles aucune solution technique ne permet au salarié d’exercer son activité en télétravail, l’activité peut se poursuivre sur le lieu de travail, conformément aux recommandations du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés.
Les salariés ainsi tenus de se déplacer pour l’accomplissement de leur activité professionnelle doivent obligatoirement disposer d’un justificatif de déplacement professionnel remis par leur employeur, sans avoir à se munir en plus de l’attestation de déplacement dérogatoire prévue par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
Selon le protocole sanitaire en entreprise, « l’employeur organise systématiquement un lissage des horaires de départ et d’arrivée du salarié afin de limiter l’affluence aux heures de pointe ».
Il est également précisé que les réunions en audio ou visioconférence doivent constituer la règle et les réunions en présentiel l’exception et que les moments de convivialité réunissant les salariés en présentiel dans le cadre professionnel doivent être suspendus.
Depuis le 1er septembre 2020, le port du masque en entreprise est rendu obligatoire par le protocole. Cette recommandation est déclinée selon le lieu où se trouve le salarié (lieux collectifs clos, véhicule, atelier, etc.). Dans sa dernière version, le protocole ne prévoit plus de possibilité de dérogation temporaire au port du masque dans les lieux collectifs clos et partagés. En outre, le préfet de département reste habilité à le rendre obligatoire, lorsque les circonstances locales l’exigent.
Enfin, le port systématique du masque ne dispense pas l’employeur de veiller au respect des autres mesures barrières telles que la distanciation physique, les mesures d’hygiène et les mesures barrières complémentaires (aération régulière des locaux, nettoyage et désinfection régulière des locaux et surfaces de travail, etc.).
Gestion des personnes vulnérables
Après la suspension par le Conseil d’Etat du décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 restreignant la liste des pathologies définissant une personne à risque (CE, 15 octobre 2020, n° 444425), le Gouvernement a adopté un nouveau décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 qui abroge les dispositions antérieures – sauf en ce qu’elles ont fixé au 31 août 2020 la fin du bénéfice de l’activité partielle pour les salariés partageant le domicile d’une personne vulnérable – et détermine de nouvelles modalités d’ouverture du droit à l’activité partielle incluant cumulativement des critères de vulnérabilité et des critères tenant aux conditions de travail.
Le décret du 10 novembre 2020 rétablit la liste des 11 critères de vulnérabilité initiaux et y ajoute les personnes atteintes d’une maladie du motoneurone, d’une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d’une tumeur maligne primitive cérébrale, d’une maladie cérébelleuse progressive ou d’une maladie rare.
Dès lors que les fonctions du salarié concerné ne lui permettent pas le télétravail, l’employeur doit le faire bénéficier de mesures de protection renforcées :
-
- isolement du poste de travail (mise à disposition d’un bureau individuel ou aménagement, adaptation des horaires, mise en place de protections matérielles) ;
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- respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne lors de son activité , de gestes barrières renforcés ( hygiène des mains, port d’un masque chirurgical lorsque la distanciation physique ne peut être respectée ou en milieu clos) ;
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- absence ou limitation du partage du poste de travail ;
-
- nettoyage et désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, en particulier lorsque ce poste est partagé ;
-
- adaptation des horaires d’arrivée et de départ et des éventuels autres déplacements professionnels, afin d’éviter les heures d’affluence ;
-
- mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail lorsque la personne recourt à des moyens de transport collectifs.
Ce n’est que lorsque le recours au télétravail total n’est pas possible et que les conditions de travail du salarié ne répondent pas à ces mesures de protection, que le placement en position d’activité partielle est effectué, à la demande du salarié et sur présentation à l’employeur d’un certificat d’isolement établi par son médecin traitant ou un médecin de ville (le médecin du travail ne peut plus délivrer de tels certificats d’isolement depuis le 10 octobre 2020, décret n° 2020-549, art. 2).
Le salarié peut présenter le certificat établi pour l’application du précédent décret du 5 mai 2020.
En cas de désaccord entre le salarié et l’employeur sur la mise en œuvre des mesures de protection renforcées, le salarié saisit le médecin du travail et est placé en position d’activité partielle dans l’attente de son avis.
En tout état de cause et en l’état actuel des textes, ces dispositions sont applicables jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.
Gestion des cas contacts
Le Gouvernement a mis en place, par un décret du 31 janvier 2020, un dispositif permettant aux assurés faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile en raison du risque de développer une forme grave de Covid-19 et se trouvant, pour ce motif dans l’impossibilité de continuer à travailler, de bénéficier d’un arrêt de travail et percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) et une indemnisation complémentaire versée par l’employeur en application de l’article L.1226-1 du Code du travail (ord. n° 2020-322 du 25 mars 2020 modifiée et décret n° 2020-434 du 16 avril 2020).
Depuis le 10 octobre 2020, bien que ce dispositif ne disposait plus d’aucune base textuelle, le ministre des Solidarités et de la Santé, relayé par le site de l’Assurance maladie et une fiche publiée le 3 novembre par le ministère du Travail, indiquait que les salariés « cas contacts » pouvaient toujours bénéficier d’un arrêt de travail dérogatoire et du versement des IJSS sans délai de carence. Un décret n° 2020-1386 du 14 novembre 2020 rétablit officiellement l’application de ces dispositions pour les salariés qui ne peuvent pas continuer à travailler, y compris à distance, à compter du 16 novembre et jusqu’au 31 décembre 2020.
Définition du « cas contact ».
La fiche spécifique intitulée « gestion des cas contacts en entreprise » rappelle qu’est un cas contact une personne qui a eu un contact à risque avec une personne contaminée par le Covid-19, dans l’une des situations suivantes :
-
- en face à face à moins d’un mètre et sans masque ou autre protection efficace ;
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- plus de 15 minutes dans un lieu clos, sans masque, alors que la personne contaminée tousse ou éternue ;
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- à l’occasion d’échanges de matériel ou d’objets non désinfectés ;
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- à l’occasion d’actes de soins ou d’hygiène ;
-
- en partageant le même lieu de vie.
Il est rappelé que les autres situations de contact ne sont pas considérées comme contact à risque et que le contact d’un cas contact n’est pas un cas contact.
La fiche précise en outre que « en tout état de cause, les cas contact sont identifiés comme tels par les professionnels de santé autorisés, l’assurance maladie ou l’agence régionale de santé (ARS)« . En d’autres termes, une personne qui n’est pas identifiée comme « cas contact » par l’un de ces organismes ne peut être considérée comme telle.
Isolement après un contact à risque avec un cas confirmé
Selon les préconisations de la fiche publiée par le ministère, le « cas contact » doit :
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- rester ou rentrer chez lui (avec un masque chirurgical lorsqu’il utilise les transports en commun) ;
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- avertir son employeur ;
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- rester isolé pendant sept jours après le dernier contact avec la personne déclarée positive au Covid-19. Si le cas contact partage le même lieu de vie que cette dernière, il doit faire un test dès que possible et rester isolé jusqu’à sept jours après la guérison de tous les cas du foyer ;
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- porter un masque et respecter strictement les gestes barrières pendant sept jours après l’isolement ou rester isoler 14 jours.
Délivrance d’un arrêt de travail
Le « cas contact » peut demander en ligne un arrêt de travail sur le site declare.ameli.fr., accompagné d’une déclaration sur l’honneur du « cas contact » qu’il ne peut télétravailler.
Cet arrêt de travail débute en principe à la date à laquelle l’Assurance maladie a informé le salarié qu’il est « cas contact ». Si le salarié s’est isolé avant cette date, l’arrêt peut être rétroactif dans la limite de quatre jours.
Après une période de sept jours suivant le dernier contact, le cas contact effectue un test de dépistage :
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- si le test est négatif, le salarié arrête son isolement et reprend le travail ;
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- si le résultat du test n’est pas connu ou si le test est positif l’arrêt peut être prolongé pour une durée supplémentaire, dans la limite de sept jours.
Gestion des salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne handicapée faisant l’objet d’une mesure d’isolement
Le décret n° 2020-1386 du 14 novembre 2020 donne à nouveau une base textuelle au dispositif permettant aux parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, qui ne peuvent télétravailler, de bénéficier d’un arrêt de travail et d’être placés par leur employeur, en activité partielle jusqu’au 31 décembre 2020.
Il s’agit là d’une utile précision car si le ministère du Travail indiquait depuis la rentrée de septembre que ce dispositif – interrompu depuis le début des vacances scolaires avait vocation à être réactivé – aucun texte ne le prévoyait plus depuis le 10 juillet 2020.
Alors qu’une prolongation du confinement au-delà du 1er décembre 2020 ne peut encore être écartée, les pouvoirs publics continuent de préciser la portée des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus. La publication de la loi n° 2020-1379 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire – dont les dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel (décision n° 2020-808 DC du 13 novembre 2020) – devrait conduire dans les semaines à venir à la prolongation et à la réactivation de certains des dispositifs mis en œuvre au printemps dernier.
Article paru dans Les Echos Executives le 19/11/2020
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