Régime Dutreil : l’activité opérationnelle doit-elle être exercée
L’application du régime Dutreil aux holdings animatrices est un terrain fertile aux contentieux fiscaux, et une récente décision rendue en la matière vient nous le rappeler.
Le régime Dutreil permet, sous certaines conditions, de transmettre des titres d’une société sous le bénéfice d’une exonération partielle de droits (donation ou succession). Pour en bénéficier, la transmission doit porter sur des titres d’une société exerçant une activité économique, et les titres doivent notamment être conservés, après la transmission, pendant une période de 4 ans par les bénéficiaires de la transmission.
Si les holdings sont par nature exclues du dispositif, la doctrine administrative en admet toutefois l’éligibilité lorsque ces dernières « animent » un groupe économique.
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Rennes a été saisie.
Des titres d’une holding animatrice avaient été transmis en régime Dutreil dans le cadre d’une succession. Les titres ont bien été conservés 4 ans par les héritiers, mais l’administration a néanmoins remis en cause l’exonération au motif que la holding animatrice n’avait pas conservé son activité pendant cette période.
La Cour d’appel1 a donné gain de cause à l’administration, considérant que la loi impose, implicitement mais nécessairement, que la société exerce une activité opérationnelle pendant toute la période de conservation de 4 ans.
Si cette solution, inédite à notre connaissance, peut présenter une certaine logique au regard de l’esprit du dispositif, son application systématique peut prêter à débat. La Cour d’appel de Rennes laisse d’ailleurs entendre qu’une solution inverse aurait pu être retenue si l’activité opérationnelle avait cessé pour des raisons indépendantes de la volonté du contribuable (procédure collective par exemple).
Or, la loi n’opère aucune distinction, et pour cause, puisqu’elle ne pose aucune condition d’exercice continue de l’activité pendant la période de conservation de 4 ans.
Rappelons à cet égard que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger, dans le cadre d’un autre dispositif fiscal de faveur (TEPA ISF) qui posait également une condition d’exercice d’une activité opérationnelle ainsi qu’une période minimale de conservation des titres, que l’exercice continue de l’activité pendant la période de conservation des titres ne pouvait être imposé dans le silence de la loi2. Ce qui avait conduit le Législateur à modifier par la suite le texte de loi…
1 CA Rennes, 8 octobre 2019, 17/08339
2 Cass com, 2 février 2016, 14-24441
L’actualité fiscale en bref parue dans le magazine Option Finance le 2 décembre 2019
Auteurs
Philippe Gosset, avocat counsel spécialisé en fiscalité nationale et internationale des entreprises
Isabelle Pichard, avocat en fiscalité directe
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