Qui peut convoquer une réunion extraordinaire du CSE dans les entreprises de plus de cinquante salariés?
5 mars 2019
Dans le cadre de ses attributions anciennement dévolues au comité d’entreprise, le comité social et économique (CSE) est appelé à se réunir à un rythme régulier lors de ses séances ordinaires. Il peut également être convoqué pour une réunion extraordinaire, soit à l’initiative de l’employeur, soit à l’initiative de la majorité de ses membres. Par un arrêt récent, la Cour de cassation est justement venue préciser ce qu’il fallait entendre par cette notion de « majorité des membres ».
La périodicité des réunions ordinaires du CSE
Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, la périodicité des réunions du CSE est en principe définie par accord d’entreprise, soit conclu auprès des délégués syndicaux, soit entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus de celui-ci.
Cet accord doit cependant respecter les règles d’ordre public définies par le Code du travail à savoir que le nombre annuel de réunions du comité ne peut être inférieur à six et qu’au moins quatre d’entre elles doivent porter sur les sujets de santé, sécurité et conditions de travail.
Hormis ces obligations minimales, les partenaires sociaux ont le champ libre pour décider par la voie de la négociation collective de la périodicité des réunions du CSE.
A défaut d’accord, les dispositions légales supplétives imposent que le CSE se réunisse au moins une fois par mois dans les entreprises de plus de trois cents salariés et au moins une fois tous les deux mois dans les entreprises de moins de trois cents salariés (article L.2315-28 du Code du travail).
Les dispositions légales applicables au CSE reprennent ainsi la périodicité qui était auparavant applicable aux comités d’entreprises.
Les réunions extraordinaires sur initiative de l’employeur
En dehors de ces réunions ordinaires, le CSE peut également être amené à se réunir de manière extraordinaire à l’initiative de l’employeur, lorsque celui-ci souhaite que le comité d’entreprise se prononce sur un sujet qui ne peut attendre la prochaine réunion ordinaire.
Dans ce cas, l’ordre du jour est fixé selon les règles ordinaires, c’est-à -dire conjointement entre l’employeur et le secrétaire du CSE, sauf pour les consultations rendues obligatoires par la loi ou par un accord collectif qui peuvent être inscrites de plein droit à l’ordre du jour par l’employeur.
L’on songe ainsi aux hypothèses où le chef d’entreprise souhaite avancer sur un projet économique (cession, rachat, etc.) qui nécessite une consultation préalable du CSE.
La vie économique de l’entreprise impose ainsi que des réunions extraordinaires puissent être organisées entre deux réunions ordinaires.
Les réunions extraordinaires sur initiative de la majorité des membres du CSE
Quant aux représentants du personnel siégeant au sein du CSE, ils peuvent également souhaiter l’organisation d’une réunion extraordinaire, parce qu’ils considèrent eux aussi qu’un sujet ne peut attendre la prochaine réunion ordinaire, mais aussi parfois afin de contourner le refus d’inscription d’un point à l’ordre du jour.
L’accord relatif au fonctionnement sur le CSE peut encadrer les modalités de telles réunions extraordinaires, telles que les personnes habilitées à convoquer une telle réunion, les modalités de détermination de l’ordre du jour, les délais de convocation, etc.
A défaut d’accord sur ce point, les dispositions légales supplétives s’appliquent. Celles-ci prévoient que le CSE « peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres » (C. trav., art. L.2315-28). Dans ce cas, l’ordre du jour comprend les questions jointes à la demande de réunion extraordinaire (C. trav. art. L.2315-31).
En cela, les dispositions applicables au CSE sont identiques à celles qui étaient appliquées au comité d’entreprise qui prévoyaient de manière identique, et depuis les lois Auroux de 1982, que le comité d’entreprise pouvait être convoqué à la demande de la majorité de ses membres (ancien article L.2325-14 du Code du travail). Les principes jurisprudentiels retenus en cette matière peuvent donc être transposés au CSE.
Les incertitudes antérieures sur la notion de « majorité des membres »
Si l’on sait que l’employeur ne peut refuser d’organiser cette réunion dès lors que celle-ci est bien demandée par la majorité des membres et qu’il est tenu de mettre à l’ordre du jour les points demandés sous peine de commettre le délit d’entrave (Cass. Crim. 14 sept. 1988 ; Cass. Crim. 11 mars 2008), aucun texte ne précise cependant quels sont les membres du CSE habilités à demander une réunion extraordinaire.
En effet, la notion de membres du CSE recouvre plusieurs fonctions : élus titulaires, élus suppléants, mais aussi représentants syndicaux ou encore le représentant de l’employeur. Est-ce à dire que la majorité des membres qui peut demander l’organisation d’une réunion extraordinaire doit s’apprécier par rapport à l’ensemble de ces membres ou seulement par rapport à certains d’entre eux ? La jurisprudence ne s’était jusqu’à présent jamais prononcée sur ce sujet.
Toutefois, à l’occasion d’un arrêt rendu sous l’empire des anciennes dispositions applicables au comité d’entreprise, la Cour de cassation vient de mettre un terme à ce flou juridique qui existait depuis plus de trente ans.
Seuls les membres élus titulaires peuvent demander la convocation d’une réunion extraordinaire
Par un arrêt du 13 février 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation a en effet précisé pour la première fois la notion de majorité des membres habilitée à demander l’organisation d’une réunion extraordinaire.
Elle juge ainsi par un attendu de principe que « la majorité des membres du comité d’entreprise visée à l’article L.2325-14 du code du travail s’entend de la majorité des membres élus ayant voix délibérative« .
En l’espèce, un comité d’entreprise était composé de onze membres : six élus titulaires, trois élus suppléants, un représentant syndical et le représentant de l’employeur.
Trois élus titulaires, deux suppléants et le représentant syndical avaient sollicité une réunion extraordinaire, refusée par l’employeur qui considérait que seuls trois élus titulaires sur six avaient sollicité cette réunion, ce qui ne constituait pas une majorité.
La cour d’appel de Paris a cependant condamné l’employeur dès lors que, selon elle, la majorité des membres habilitée à convoquer une réunion extraordinaire « s’entend de tous les membres composant le comité, intégrant les élus titulaires, les suppléants, le représentant syndical et le représentant du chef d’entreprise« . La Cour constatait donc que la demande ayant été présentée par six membres sur onze, la majorité était bien réunie.
L’employeur contestait cette condamnation devant la Cour de cassation et défendait qu’au contraire la majorité ne pouvait s’entendre que de celle des élus titulaires. Il avait pour ce faire plusieurs arguments.
Premièrement, il n’était pas logique d’intégrer dans le décompte de cette majorité le représentant du chef d’entreprise puisque cela reviendrait à ce que celui-ci s’adresse à lui-même une demande de convocation. En effet, la majorité des membres ne convoque pas d’elle-même la réunion extraordinaire, mais adresse seulement en ce sens une demande à l’employeur.
Surtout, le but d’une telle demande peut justement être de contraindre l’employeur à convoquer une réunion extraordinaire. Or s’il devait être décompté dans la majorité des membres, l’employeur pourrait rendre la tâche plus difficile aux élus de faire convoquer une réunion extraordinaire.
Ensuite, concernant les représentants syndicaux, l’employeur se prévalait de ce que le comité d’entreprise doit assurer l’expression collective des salariés. Or cette expression collective est assurée par les membres du comité élus et non par les représentants désignés par les organisations syndicales. Toute prérogative du comité, et notamment la convocation d’une réunion extraordinaire, doit ainsi appartenir à ces seuls membres élus.
Enfin, concernant les membres suppléants, ceux-ci ne peuvent assurer les prérogatives de représentation des salariés que lorsqu’ils remplacent un titulaire absent. Selon cette logique, la voix des élus suppléants pour demander l’organisation d’une réunion extraordinaire ne devrait ainsi être prise en compte que s’ils remplacent effectivement un titulaire absent.
Par son arrêt du 13 février 2019, la Cour de cassation valide le raisonnement de l’employeur et juge que les membres habilités à convoquer une réunion extraordinaire se limite aux seuls membres élus ayant voix délibérative, c’est-à -dire aux élus titulaires.
Au cas d’espèce, seuls trois d’entre eux sur six avaient demandé la convocation d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise, ce qui ne constitue pas une majorité. On sait en effet que la majorité s’entendre comme la moitié des voix plus une (Cass. Soc. 10 juillet 2013). L’arrêt d’appel est donc logiquement cassé.
Une solution bienvenue et parfaitement transposable au CSE
La rédaction du texte relatif à la convocation d’une réunion extraordinaire étant restée identique postérieurement aux ordonnances Macron, la solution retenue par la Cour de cassation semble parfaitement transposable au nouveau CSE.
Il faudra ainsi retenir à l’avenir qu’à défaut de dispositions particulières à ce sujet figurant au sein d’un accord sur le fonctionnement du CSE, celui-ci doit être convoqué à une réunion extraordinaire à demande de la majorité de ses membres élus titulaires.
Cette interprétation se justifie d’autant plus aujourd’hui que les membres suppléants ne participent désormais plus aux réunions du CSE à moins qu’ils ne remplacent un titulaire absent. Il aurait été dès lors inconvenant qu’ils soient amenés à se prononcer sur la convocation d’une réunion à laquelle ils ne participeraient pas.
La solution rendue par la Cour de cassation le 13 février dernier mérite donc l’approbation.
Référence : Cass. soc., 13 février 2019, n°17-27.889, Publication au bulletin à venir
Auteurs
Thierry Romand, avocat associé, droit social
Martin Perrinel, avocat, droit social
Qui peut convoquer une réunion extraordinaire du CSE dans les entreprises de plus de cinquante salariés ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 5 mars 2019
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