Acquisition par emprunt de titres de participation : la limitation était trop sévère!
La déduction des charges financières afférentes à l’acquisition des titres de participation est limitée par un dispositif spécifique dit « amendement Carrez » prévu au IX de l’art. 209 du CGI (étant précisé que la loi de finances pour 2019 prévoit sa suppression pour l’avenir). On rappelle en effet qu’en application de ce dispositif, la déductibilité des intérêts suppose qu’il puisse être démontré que la société détentrice des titres, sa société mère ou l’une de ses sociétés sœurs (établies en France ou dans un Etat de l’UE ou de l’EEE), exercent le pouvoir de décision sur les titres et, le cas échéant, exercent effectivement le pouvoir de contrôle ou d’influence sur la société acquise.
Plus précisément, le texte de loi prévoit que l’entreprise ne peut pas déduire les charges financières si elle n’est pas en mesure de démontrer que les décisions relatives à ces titres sont effectivement prises par elle, ou par une société la contrôlant établie en France ou dans un Etat de l’Union européenne ou de l’EEE, ou par une société directement contrôlée par cette dernière et établie dans l’un de ces Etats.
Le Conseil constitutionnel vient d’assouplir cette condition, par une réserve d’interprétation, en étendant la possibilité de déduction au cas où les décisions (et le cas échéant l’exercice du pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise) sont prises par des sociétés établies en France ou dans un Etat de l’UE ou de l’EEE « autres que les sociétés mère ou sœur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière », telles par exemple qu’une filiale de la détentrice des titres (décision n° 2018-748 QPC du 30 novembre 2018, Sté Zimmer Biomet France Holdings).
Autre point intéressant : les requérants critiquaient les dispositions comme posant une présomption irréfragable de fraude fiscale, l’idée étant que lorsque le législateur prévoit des dispositions luttant contre la fraude fiscale, le contribuable doit toujours être admis à apporter la preuve qu’il n’a pas poursuivi un objectif de fraude ou d’évasion fiscale (ligne de jurisprudence initiée par la décision n°2014-437 QPC du 20 janvier 2015 « AFEP »). Mais le Conseil constitutionnel n’a pas suivi cette argumentation, considérant qu’il ressort des travaux préparatoires que l’article 209 IX du CGI a seulement été adopté pour « faire obstacle à une pratique d’optimisation fiscale ».
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale