Incidence de la nullité du contrat de réservation sur le contrat de VEFA
La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est récemment prononcée sur l’incidence de la nullité d’un contrat de réservation sur la VEFA ultérieure des biens réservés au réservataire initial et corrélativement sur les conditions d’application de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Selon cet article « pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation (…) l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte » ; son alinéa 5 précise qu’ « en aucun cas l’acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours ». Cet article est applicable à l’acte notarié s’il n’a pas été précédé d’un contrat préliminaire ; dans le cas inverse la notification du contrat préliminaire dispense de cette formalité.
En l’espèce, après avoir successivement conclu un contrat de réservation puis un contrat de vente en l’état futur d’achèvement sous la forme authentique relatif à l’opération en cause, un acquéreur avait contesté les conditions de conclusion de la VEFA ; celle-ci n’avait, fort logiquement, pas été précédée de la notification précitée puisqu’à l’époque de sa conclusion le réservataire n’avait pas encore contesté la validité du contrat préliminaire, notifié en son temps, qui l’avait précédée. L’acquéreur a assigné le vendeur en annulation et réparation de ses préjudices.
La Cour de cassation réaffirme que le contrat de réservation est un contrat distinct et autonome du contrat de vente. En l’espèce le contrat de réservation était nul en raison de l’irrégularité de sa présentation formelle, liée au fait qu’il avait été conclu dans le cadre d’un démarchage (non-respect des anciens articles L.121-23 et suivants du Code de la consommation).
La notification prévue par l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation avait donc porté sur un contrat nul. Dès lors et en l’absence de contrat préliminaire, le délai de réflexion de dix jours aurait dû être respecté préalablement à la conclusion de l’acte authentique. A défaut, l’acte notarié ne pouvait être conclu et la VEFA devait être annulée.
La Cour rejette l’argument invoqué par le vendeur (sur le fondement de la jurisprudence ci-après) selon lequel la signature sans réserve de l’acte de vente par l’acquéreur aurait permis de purger l’inefficacité de la notification intervenue au moment du contrat préliminaire. Ce faisant, elle opère un revirement quant à la régularisation possible d’une irrégularité intervenue dans la notification du délai de réflexion prévue à l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation. En effet, elle avait précédemment jugé que « la signature de l’acte authentique de vente sans réserve vaut renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la notification du droit de rétraction » (Cass. 3e civ., 7 avril 2016, n°15-13.064).
En revanche, elle réaffirme l’indépendance du contrat de réservation par rapport au contrat de vente.
Dans un arrêt rendu juste un an auparavant, la troisième chambre civile avait en effet jugé que la nullité du contrat de réservation est « sans incidence sur l’acte de vente » (Cass. 3e civ., 27 avril 2017, n°16-15.519) au motif que le premier est facultatif (Article L.261-15 du Code de la construction et de l’habitation).
Toutefois, si l’article L.271-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation n’impose le respect du délai de rétractation qu’en l’absence de contrat préliminaire, l’article 1178 nouveau du Code civil pose pour principe qu’ « un contrat annulé est censé n’avoir jamais existé » ; ce qui a pour conséquence de rendre rétroactivement applicable l’alinéa 5 précité.
Idéalement, pour éviter que la nullité d’un contrat de réservation -pour quelque cause que ce soit, et même si elle n’a pas encore diagnostiquée comme en l’espèce- n’entraîne rétroactivement la nullité de la vente, il faudrait donc purger systématiquement le délai de réflexion préalable avant de conclure l’acte authentique ; ce qui n’est pas une difficulté majeure puisque le vendeur doit de toute manière, en vertu des règles du « secteur protégé », notifier à l’acquéreur le projet de l’acte notarié complet un mois avant sa signature (Article R. 261-30 du Code de la Construction et de l’habitation).
Cass. 3e civ., 12 avril 2018, n°17-13.118
Auteur
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public