La parité des listes électorales
21 septembre 2018
Les listes de candidats aux élections professionnelles doivent assurer la représentativité des femmes et des hommes conforme à celle des effectifs de l’entreprise. A défaut, l’élection encourt la nullité, susceptible de conduire à l’organisation d’élections partielles.
Depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015, les listes de candidats présentées à l’occasion des élections professionnelles doivent comporter d’une part, un nombre de salariés de l’un et l’autre sexe correspondant au pourcentage de chacun dans le collège considéré et, d’autre part, alterner l’un et l’autre sexe dans l’ordre de présentation des candidats. Ces dispositions ont été reprises par l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 pour l’élection du comité social et économique (CSE) (C. trav., art. L.2314-30 et s.).
La Cour de cassation a apporté plusieurs précisions concernant la mise en œuvre de ces principes.
En premier lieu, elle retient que l’exigence de parité sur les listes de candidats est d’ordre public absolu (Cass. soc. 9 mai 2018, n°17-60.133). La composition des listes au regard de la proportion de femmes et d’hommes dans l’entreprise ne peut donc faire l’objet d’aucun aménagement par les négociateurs du protocole d’accord préélectoral, fussent-ils unanimes.
En deuxième lieu, le non-respect de la règle de l’alternance de candidats n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’élection des candidats dont le positionnement sur la liste est irrégulier. Celle-ci n’est pas encourue pour autant que la liste en cause respecte la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste ont été élus (Cass. soc., 6 juin 2018, n°17-60.263).
En troisième lieu, la Cour de cassation retient que, lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir au sein d’un collège mixte, il n’est pas possible de présenter des candidatures individuelles (Cass. soc., 9 mai 2018, n°17-14.088). En l’espèce, un syndicat avait déposé, au sein du collège cadre, une liste ne comportant qu’un seul candidat, de sexe masculin, alors que ce collège était mixte (77% de femmes et 23% d’hommes) et que deux sièges étaient à pourvoir. Le Tribunal d’instance avait rejeté la demande d’annulation présentée par l’employeur, considérant, notamment, que les règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes n’avaient vocation à s’appliquer qu’aux listes comportant plusieurs candidats. La Cour de cassation a censuré les juges du fond, retenant que deux postes étant à pourvoir, la liste devait nécessairement comporter deux candidats, une femme et un homme, conformément à la mixité du collège. Si la solution a été justifiée par la Cour de cassation par un soucis d’assurer l’effectivité de la représentation équilibrée des femmes et des hommes, elle n’est pas sans poser des difficultés dans la situation où un syndicat serait dans l’impossibilité de présenter une liste conforme en l’absence de candidat ou, plus encore, concernant les candidatures libres du second tour qui sont, bien souvent, individuelles. De fait, la capacité d’une organisation syndicale à présenter une liste pourrait s’en trouver altérée et ce, en contradiction avec le principe de participation des travailleurs pourtant cher au Conseil constitutionnel.
L’irrégularité d’une liste et l’annulation d’une élection en découlant peuvent avoir des conséquences importantes. En effet, depuis l’entrée en vigueur des dispositions relatives au CSE, l’annulation d’une élection en conséquence d’une irrégularité relative aux conditions de représentation des femmes et des hommes sur les listes électorales, impose à l’employeur d’organiser des élections partielles dès lors que cette annulation conduit à ce qu’un collège électoral ne soit plus représenté ou si le nombre des membres titulaires, tous collèges confondus, est réduit de moitié ou plus (C. trav., art. L.2314-10).
Au plan des principes juridiques, les règles sont posées, avec clarté. La mise en œuvre pratique est toutefois plus incertaine et des questions demeurent. Quid en effet des conséquences de l’annulation d’une élection par le juge d’instance sur l’élection dans sa globalité : les listes concurrentes peuvent-elles se voir attribuer le siège laissé par ladite annulation ? Le siège demeure-t-il vacant au sein du CSE pour l’ensemble de la mandature ? Un employeur serait-il tenu d’organiser un second tour dès lors que l’annulation de l’élection a pour conséquence que l’ensemble des sièges n’ont pas été pourvus ? Les réponses de la jurisprudence se font attendre et les contentieux, sur fond de rivalité syndicale, pourraient se faire nombreux.
Auteur
Damien Chatard, avocat, droit social
La parité des listes électorales – Article paru dans Les Echos Exécutives le 20 septembre 2018
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