Rupture de relation commerciale établie : l’appel d’offres doit être réalisé par écrit
Peut-on valablement rompre une relation commerciale établie en notifiant oralement un appel d’offres à son partenaire ?
Dans un arrêt du 14 février 2018 (Cass.com. n°16-24.667), la Chambre commerciale de la Cour de cassation, statuant sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, répond par la négative, reprochant à la Cour d’appel de Paris de ne pas avoir constaté le caractère écrit d’un appel d’offres, dont l’existence même était, au demeurant, contestée.
Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle utilement que l’article L. 442-6, I, 5°du Code de commerce exige un préavis « écrit », sans opérer davantage de distinction : la notification d’un appel d’offres – si elle peut valablement valoir préavis au sens de l’article L. 442-6 – doit donc, à l’instar de tout autre préavis, être réalisée par écrit.
La solution retenue par la Cour de cassation paraît logique : il n’y a, en effet, pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et ce, même en matière commerciale où la preuve est en principe libre, contrairement à ce qu’avait pu juger la Cour d’appel.
L’auteur de l’appel d’offres doit donc impérativement notifier la mise en concurrence par écrit, dans le respect d’un délai suffisant tenant compte de l’ancienneté et de l’intensité de la relation commerciale, en précisant à son cocontractant, de façon claire et dénuée d’ambiguïté, que l’appel d’offres vaut préavis de rupture.
A cet égard, un courrier électronique ou une lettre recommandée avec accusé de réception permettra à l’auteur de l’appel d’offres de se conformer aux exigences légales.
Le défaut d’écrit et/ou une simple notification orale sera considéré comme une absence de préavis et permettra de retenir la qualification de rupture brutale, de nature à engager la responsabilité civile délictuelle de son auteur. Cela permettra à la victime d’être indemnisée, notamment sur la base de la marge brute perdue pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordée.
Il sera utilement rappelé que l’appel d’offres doit être régulier et loyal, au sens de la jurisprudence. En effet, la bonne foi, qui doit présider toute relation contractuelle, doit perdurer au stade de la rupture de la relation commerciale et l’appel d’offres ne doit pas être fictif.
Il est donc nécessaire que l’appel d’offres soit réellement adressé à plusieurs candidats, que ces derniers soient placés sur un pied d’égalité et notamment, reçoivent le même cahier des charges.
L’auteur de l’appel d’offres sera donc bien inspiré d’archiver les preuves d’envoi de chaque appel d’offres aux différents candidats et les réponses de ces derniers.
Enfin, rappelons que le recours systématique à un processus de mise en concurrence peut permettre de se soustraire à la notion de relation commerciale établie et donc au champ d’application de l’article L. 442-6, I, 5°; la jurisprudence considérant, à ce titre, qu’une relation nouée sur la base d’appels d’offres systématiques est, par essence, précaire (C. cass. 18 oct. 2017, n°16-15.138).
La notification par écrit des appels d’offres et la conservation des preuves afférentes apparaissent donc, à tous égards, nécessaires.
Auteurs
Xavier Vahramian, avocat associé en contentieux commercial
Marion Cabanes, avocat en contentieux commercial
CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats