Abonnement de téléphonie avec offre d’achat d’un mobile à prix réduit
Un abonnement de téléphonie associé à l’achat d’un mobile à prix réduit constitue-t-il une facilité de paiement soumise à la réglementation sur le crédit à la consommation (art. L 311-1 et s. C. cons.) ?
Réponse affirmative pour la Cour de cassation.
La société Free avait assigné la société SFR en concurrence déloyale pour pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Était en cause l’offre aux consommateurs de forfaits permettant l’acquisition d’un téléphone mobile pour un prix symbolique moyennant la souscription d’un abonnement téléphonique à un tarif majoré pour une durée incompressible de 12 ou 24 mois (hors hypothèses de résiliation anticipée légales ou conventionnelles). Considérant que SFR aurait dû respecter la réglementation sur les crédits à la consommation, Free demandait la réparation de son préjudice, qu’elle estimait à 76,8 millions d’euros.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel pour avoir rejeté les demandes de Free aux motifs qu’il n’existait aucune obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, et que l’aléa lié à l’existence d’hypothèses de résiliation anticipée excluait la qualification d’opération de crédit.
Après avoir rappelé que l’opération de crédit s’entend, notamment, de toute facilité de paiement, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir rechercher si « le report du prix d’achat du mobile sur le prix de l’abonnement en cas d’acquisition d’un terminal mobile à un prix symbolique » n’était pas établi « par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile, qu’aucune autre explication rationnelle ne justifiait ». En effet SFR se serait assurée ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu’elle avait avancées au moment de la vente du mobile en obtenant de ses clients la souscription d’un forfait majoré pour une durée de 12 ou 24 mois, peu important l’aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées.
Par ailleurs, le fait que la propriété du téléphone soit transférée instantanément et définitivement à l’acquéreur n’est pas incompatible avec la qualification d’opération de crédit.
Enfin, la Cour de cassation estime que l’opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d’un abonnement souscrit pour un service associé, ne pouvait pas être qualifiée de contrat de fourniture de service ou de bien à exécution successive (coût réglé par l’emprunteur par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture), exclu du champ d’application de la réglementation du crédit.
La qualification d’opération de crédit des forfaits incluant l’acquisition d’un mobile à prix modique emporte de lourdes conséquences pour les opérateurs de téléphonie. S’ils souhaitent continuer à commercialiser ce type de forfaits, ils doivent respecter un formalisme pointilleux notamment en termes d’information précontractuelle des clients et de contrôle de leur solvabilité. Certains pourraient préférer se tourner, comme d’autres déjà, vers la location des mobiles.
Soulignons que, dans l’attente de l’arrêt de renvoi, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Free à 500 000 euros au titre d’un dénigrement pour avoir dénoncé auprès de ses clients l’existence d’une action en justice contre SFR n’ayant pas encore donné lieu à une décision.
Cass. com. 7 mars 2018, FS-P+B, n°16-16.645
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique