Caractère distinct des permis de construire et de démolir objets d’un même arrêté et notion d’emprise au sol
A l’occasion d’un recours contre un arrêté unique délivrant à la fois un permis de construire et un permis de démolir, le Conseil d’Etat se prononce sur deux points de droit importants :
- la définition de l’emprise au sol lorsque le document d’urbanisme ne prévoit aucune prescription particulière à ce sujet ;
- les effets de l’illégalité d’un permis de construire sur le permis de démolir accordé par la même décision.
En l’espèce, une association de résidents de quartier avait obtenu de la cour d’appel administrative de Strasbourg l’annulation d’un arrêté par lequel le maire de Strasbourg avait délivré un permis de construire et un permis de démolir à une SCI en vue de la construction d’un immeuble d’habitation comportant neuf logements.
La cour administrative d’appel avait en effet estimé que l’article 9 UD du règlement du plan d’occupation des sols relatif à l’emprise au sol n’avait pas été respecté, en ce que la construction projetée excédait l’emprise au sol autorisée par cet article. En l’espèce, ni cet article, ni de manière générale le plan local d’urbanisme ne précisait la notion d’emprise au sol, exception faite des surplombs : « les surplombs situés à 2,5 mètres, mesurés à compter du niveau de desserte du terrain, ne sont pas pris en compte pour le calcul de l’emprise au sol ».
Après avoir rappelé les termes de l’article R.420-1 du Code de l’urbanisme, définissant l’emprise au sol comme « la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus », le Conseil d’Etat juge « qu’en l’absence de prescriptions particulières dans le document d’urbanisme précisant la portée de cette notion sauf pour les surplombs, l’emprise au sol s’entend comme la projection verticale du volume de la construction, tous débords inclus« .
Le Conseil d’Etat affirme ainsi qu’il convient de retenir pour le calcul de l’emprise au sol de la construction projetée la définition posée par le Code de l’urbanisme.
Or, pour calculer cette emprise, la cour administrative d’appel avait pris en compte une dalle de béton située sous une surface végétalisée. Dans la mesure où cette dalle en béton ne dépassait pas le niveau du sol, elle n’avait pas à être prise en compte dans le calcul de l’emprise au sol, telle que définie au Code de l’urbanisme. La cour administrative d’appel avait donc entaché son arrêt d’une erreur de droit.
La cour administrative d’appel avait donc annulé l’arrêté du 21 mars 2013 pour des motifs tirés uniquement de l’illégalité du permis de construire Or, s’il résulte des dispositions de l’article R.431-21 du Code de l’urbanisme qu’un permis de construire et un permis de démolir peuvent être accordés par une décision unique au terme d’une instruction commune, le Conseil d’Etat rappelle que ces deux permis constituent des actes distincts ayant des effets propres. Aussi, en annulant l’arrêté du 21 mars 2013 en son entier du fait de la seule illégalité du permis de construire et en ne se bornant pas à l’annulation du seul permis de construire, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Son arrêt est donc annulé en ce qu’il a annulé le permis de démolir.
La divisibilité d’un permis de construire valant permis de démolir est ainsi confirmée (CE, 29 juill. 1994, n°138895, Mme Brégamy) : l’illégalité de l’une de des deux décisions n’affecte pas la légalité de l’autre.
Auteur
Iris Pariset, avocat, en droit de la construction et droit de l’urbanisme