Garantie décennale et désordres futurs
Pierre angulaire de la responsabilité spéciale des constructeurs, l’alinéa 1 de l’article 1792 du Code civil dispose que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
Cet article fondamental s’insère dans un corpus législatif fourni de textes épars relatifs aux garanties légales, qui sont à l’origine d’un contentieux abondant, notamment concernant la nature des désordres pouvant engager la responsabilité décennale des constructeurs et la mise en œuvre de la garantie de leurs assureurs.
Tel est le cas des désordres futurs qui peuvent se présenter sous deux formes, à savoir :
- les désordres évolutifs, de nature à se généraliser ou à se répéter dans l’avenir, constatés et dénoncés dans le délai décennal d’épreuve, qui présentent le degré de gravité nécessaire pour relever de la garantie décennale des constructeurs ;
- les désordres futurs, constatés et dénoncés dans le délai décennal d’épreuve mais qui ne présentent pas, au moment où le propriétaire de l’ouvrage en demande la réparation, le degré de gravité exigé pour relever de la garantie décennale des constructeurs. Sous cette seconde forme, il ne fait aucun doute que le désordre futur, qui ne s’est pas encore produit dans toute son ampleur, se révèlera dans toute son étendue et remplira le degré de gravité exigé à l’avenir pour relever de la garantie décennale des constructeurs (Cass. 3e civ., 12 septembre 2012, n°11-16.943).
En effet, le dommage futur mais certain devra se manifester dans toute son ampleur dans le délai de dix ans pour que la responsabilité décennale des constructeurs soit engagée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil (Cass. 3e civ., 16 juin 2009, n°08-14.046).
Passé ce délai, la certitude de la survenance d’un dommage à court terme ne pourra plus engager la responsabilité décennale du ou des constructeurs concernés.
Dans un arrêt récent, en date du 28 février 2018, la Cour de cassation confirme fermement sa jurisprudence antérieure en considérant que la certitude de la survenance, à court terme, d’un désordre est insuffisante à engager la responsabilité décennale du constructeur et la mobilisation de la garantie de son assureur, dès lors que ce dommage, même futur et certain, ne s’est pas encore réalisé dans le délai décennal d’épreuve (Cass. 3e civ., 28 février 2018, n°17-12.460).
Cet arrêt de la Cour de cassation s’inscrit donc dans un courant jurisprudentiel dorénavant bien établi sur le dommage futur.
Cass. 3e civ., 28 février 2018, n°17-12.460
Auteurs
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public
Simon Estival, avocat, droit de la construction et droit de l’urbanisme