Contrats innommés : ce qui va sans dire ira toujours mieux en le disant
« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » (Camus).
Et mal nommer un contrat, c’est ajouter à son propre malheur. C’est ce qu’a récemment appris à ses dépens une société, après la rupture de la relation commerciale qu’elle entretenait avec une société tierce.
Dans l’affaire objet du litige, une relation commerciale s’était établie et poursuivie sur la base d’un projet d’accord élaboré par la société ODC avec la société VSO. La première y proposait à la deuxième un « partenariat » pour la fabrication d’un gazomètre : ODC apportait la technologie, dont VSO assurait la fabrication pendant la durée du contrat, en y apposant sa marque. ODC, quant à elle, devait commercialiser de manière exclusive le produit au niveau mondial.
Les relations commerciales, débutées en 2008 sans qu’aucun contrat ne soit signé, ont cessé en 2013, après que VSO a notifié à ODC sa décision d’y mettre fin.
ODC a alors assigné VSO. Selon elle, le contrat qui les avait liées devait être qualifié de contrat d’agent commercial, et une somme d’environ 500 000 euros devait lui être attribuée en réparation du préjudice causé par la rupture, considérée comme abusive du contrat. En première instance, le tribunal de commerce de Bordeaux a débouté ODC de ses demandes.
En appel, le contentieux s’est cristallisé sur la qualification du contrat : ODC considérait qu’il s’agissait d’un contrat d’agence commercial ou à défaut d’un mandat d’intérêt commun, tandis que VSO indiquait qu’il ne pouvait s’agir que d’un contrat de concession.
La cour d’appel de Bordeaux, faisant usage de son pouvoir de qualification du contrat fondé sur l’article 12 du Code de procédure civile, examine à tour de rôle chacune de ces qualifications, en tenant compte de l’intention des parties.
Du fait de la nature même de la relation, la qualification de contrat d’agent commercial ne saurait être retenue, ODC ne pouvant être mandatée pour commercialiser ses propres produits, même fabriqués par une société tierce. Par ailleurs, ODC avait indiqué à plusieurs reprises, par écrit, que VSO ne pouvait en aucune manière commercialiser les produits fabriqués sans son accord explicite. Différents échanges entre les deux protagonistes semblaient également ressortir à une relation entre fournisseur et distributeur, la société ODC s’étant à plusieurs reprises plainte de malfaçons.
Selon la Cour, « ces échanges révèlent qu’en réalité les parties ne se sont même jamais accordées sur la nature et le contenu de leurs engagements respectifs » (CA Bordeaux, 5 avril 2018, n°15/07779).
La relation ne peut davantage être qualifiée de mandat d’intérêt commun. En effet, le mandataire d’intérêt commun ne dispose pas du pouvoir de négociation. Or la société ODC a régulièrement exercé ce pouvoir de négociation et en a même revendiqué l’exclusivité.
La Cour ne se prononce pas sur la qualification de concession. Elle indique que « les relations entre les parties se sont nouées sur la base d’une proposition de contrat sui generis qu’il importe peu de qualifier dans la mesure où dans tous les cas, à défaut d’être un contrat d’agent commercial ou un mandat d’intérêt commun, il n’ouvre droit à aucune des indemnités […] que l’article L.134-11 du Code de commerce accorde au mandataire en cas de rupture ».
La société ODC est donc condamnée aux entiers dépens de la procédure.
Auteur
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management