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Holding animatrice de groupe : le Conseil d’Etat apporte sa pierre à l’édifice

Holding animatrice de groupe : le Conseil d’Etat apporte sa pierre à l’édifice

Il est des décisions qui font date. Il ne fait aucun doute que celle rendue sur la question des holdings animatrices par le Conseil d’Etat le 13 juin 20181, dans sa formation fiscale la plus solennelle, marque le début d’une jurisprudence de grande importance.


Des personnes physiques ont vendu en décembre 2006 les actions de la société COFICES, elle-même détentrice de 95% du capital d’une société CES. Les contribuables avaient revendiqué le bénéfice du régime de faveur applicable aux plus-values des dirigeants partant à la retraite (CGI article 150-0 D ter), ce qui impliquait que la société COFICES ait exercé, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, une activité opérationnelle (notamment commerciale), « à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ».

En ce sens, les contribuables faisaient valoir que la société COFICES exerçait l’activité de « holding animatrice de groupe » (« HAG« ) que les commentaires administratifs de ce régime assimilaient expressément à une activité commerciale éligible. L’Administration contestait, pour sa part, que COFICES eut respecté les critères de qualification d’une telle activité.

Le Conseil d’Etat lui donne tort, après avoir relevé le faisceau d’indices suivant :

  • les sociétés COFICES et CES avaient conclu en décembre 2003 une convention d’assistance, précisant que la mère prendrait part activement à la stratégie et au développement de sa filiale, sans pour autant remettre en cause son indépendance juridique en tant que personne morale ;
  • les procès-verbaux du conseil d’administration de la société COFICES attestaient, dès 1999, de sa participation, conformément à ses statuts, à la conduite de la politique de la société CES et des filiales de celle-ci, en faisant état de plusieurs actions concrètes, telles que la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement, qui allaient au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tirait de sa seule qualité d’actionnaire ;
  • le président-directeur général de la société COFICES était celui de la société CES ;
  • des personnalités qualifiées d’indépendantes, spécialisées dans le secteur d’activité de la société CES, étaient par ailleurs membres du conseil d’administration de la holding ;
  • enfin, le juge a constaté que sur la période de référence de 5 années, la part de la valeur vénale de la société CES dans l’actif de la société COFICES a toujours été supérieure à 56,2%, chiffre constaté à la date de la cession.

La décision relève que l’administration fiscale ne contestait aucun de ces éléments et se bornait à faire état de la valeur comptable des titres de la société CES à l’actif de COFICES, résultant d’une inscription beaucoup plus ancienne. Nous comprenons que la valeur historique des titres de la filiale représentait moins de 50% de l’actif comptable de COFICES à la date de la cession, proportion qui fondait le grief du fisc.

« Dans ces conditions », le Conseil d’Etat juge que « la société Cofices doit être regardée comme ayant eu pour activité principale la participation active à la conduite du groupe et au contrôle de la société CES, de manière continue pendant les cinq années qui ont précédé la cession de ses titres. Par suite, elle constituait une société holding animatrice de groupe » bénéficiant du régime d’imposition des plus-values des dirigeants retraités.

Une décision riche d’enseignements

La qualification de HAG a déjà donné lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence rendues tant par les juges du fond des ordres administratif (impôt sur le revenu) et judiciaire (ISF, droits de donation et de succession), que par la Cour de cassation. En revanche, c’est la première fois que le Conseil d’Etat était saisi de cette question. Son éclairage était donc tout particulièrement attendu.

Selon la doctrine administrative, une HAG est une société « qui participe activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et qui rend, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers ».

Cette définition a été reprise littéralement par le législateur pour l’application de certains régimes fiscaux de faveur. Mais tel n’était pas le cas du régime en litige au cas d’espèce.

Il est néanmoins particulièrement frappant de constater que, tout en reprenant très fidèlement les éléments de la définition de l’activité des HAG posée par la doctrine administrative, la décision ne se réfère à aucun moment à la doctrine administrative elle-même. Le Conseil d’Etat juge qu’« une société holding qui a pour activité principale » celle de HAG ainsi définie « doit par suite être regardée comme exerçant » une activité éligible « au sens des dispositions » légales du régime en litige « éclairées par les travaux préparatoires de la loi (…) de laquelle elles sont issues ».

Il en ressort que, pour le Conseil d’Etat, l’éligibilité des HAG procède, au cas particulier, de la loi elle-même et non d’une tolérance administrative. Peut-on, pour autant, considérer en toute occurrence qu’est par essence professionnelle l’activité d’animation d’un groupe opérant dans le secteur industriel, commercial, etc, quel que soit le texte de loi dont on recherche l’application ? Une réponse positive est à ce stade prématurée eu égard à la référence expresse du juge, dans la présente affaire, à l’intention exprimée dans les travaux parlementaires par le législateur, intention dont il conviendra donc de vérifier l’existence dans les travaux relatifs à d’autres régimes de faveur.
Néanmoins, il est permis d’espérer que le Conseil d’Etat vienne à adopter une conception de portée générale de la HAG reconnue comme opérateur intrinsèquement commercial.

Activité de HAG principale mais non exclusive

Le Conseil d’Etat considère qu’une holding animatrice doit exercer son activité d’animation à titre « principal ». L’ »exception » exprimée par la loi à l’encontre de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier propre n’est donc pas comprise par le juge comme valant exigence d’exclusivité.

En toute logique, et bien que les critères d’une activité « principale » ne soient pas définis, on en déduit qu’est permise la détention, de manière non prépondérante, d’autres actifs que des participations dans des filiales opérationnelles animées. Tel devrait donc être le cas de la possession d’une participation minoritaire dans une société opérationnelle, mais également de la propriété d’une filiale foncière, a fortiori lorsque ses immeubles sont affectés aux activités des filiales opérationnelles animées.

La présente affaire n’a pas donné l’occasion au Conseil d’Etat de déterminer si les titres d’une telle société foncière dédiée à l’activité éligible du groupe, voire tout autre bien affecté à celle-ci (brevets ou marques concédées aux filiales, trésorerie prêtée aux filiales, etc), sont à classer au numérateur du ratio qui qualifie positivement la fonction de HAG. Néanmoins, nous sommes convaincus que le bon sens économique et le principe de réalisme du droit fiscal invitent nécessairement à une réponse favorable.

C’est d’ailleurs ce même réalisme qui prévaut lorsque le Conseil d’Etat se réfère aux valeurs réelles et non aux valeurs comptables pour déterminer le caractère principal de l’activité. On notera à cet égard que la haute juridiction prend incidemment le double contrepied des commentaires administratifs des régimes « Dutreil »2 qui, d’une part, se réfèrent aux « valeurs brutes comptables » et, d’autre part, exigent également de la holding la satisfaction d’un critère de chiffre d’affaires dont il n’est ici aucunement question.

La convention d’animation n’est pas une condition nécessaire

Ce n’est en effet que dans le courant de la période requise des 5 années qu’une telle convention a été conclue. Le Conseil d’Etat n’en a pas moins admis l’antériorité de l’animation en considérant la teneur des procès-verbaux du conseil d’administration de la holding et la compétence de ses membres.

Le Conseil d’Etat retient également, comme un indice positif, l’identité de dirigeant des sociétés COFICES et CES dont la présidence et direction générale était assurée par la même personne, circonstance que pour sa part la Cour de cassation a toujours jugé indifférente pour caractériser le rôle d’animation de la holding3.

L’indépendance juridique de la filiale préservée

Par ailleurs, le Conseil d’Etat se démarque des juges d’appel4 pour qui la non-immixtion de COFICES dans la gestion de sa filiale constituait un facteur défavorable.

Conformément à la convention d’assistance stratégique qui spécifiait expressément que la société CES conservait son indépendance juridique en tant que personne morale, la société COFICES ne pouvait en effet prendre aucune décision pour le compte de sa filiale, à moins d’y avoir été expressément autorisée.

Le Conseil d’Etat n’y voit pas un obstacle à la qualification de HAG. Ce faisant, la Haute juridiction fait à nouveau prévaloir un réalisme du meilleur aloi. Les organes de direction des filiales ne peuvent en effet renoncer aux pouvoirs que leur confère le Code de commerce, dont notamment l’article L.235-15 : « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre ». Mais il est pour autant admis -et requis- des HAG qu’elles donnent l’impulsion amont de la stratégie des filiales, ce qui caractérise « la participation active à la conduite de la politique du groupe » visée par le Conseil d’Etat.

Tel est le cas par exemple, comme l’illustre l’affaire COFICES, de la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement dans l’intérêt de la filiale.

Conclusion

Le présent commentaire, comme d’ailleurs la décision du 13 juin, n’épuisent pas, tant s’en faut, l’analyse complète du sujet des holdings animatrice de groupe. Il ne fait pas de doute que d’autres décisions, éclairées par les conclusions des rapporteurs publics ou leurs commentaires dans les revues fiscales, seront nécessaires pour cerner concrètement toutes les conditions de la qualification de HAG. Formons l’espoir que les juridictions suprêmes des deux ordres de juridiction adoptent des solutions convergentes !

Notes

1 Conseil d’Etat, Plénière, 13 juin 2017, n°395495, 399121, 399122 et 399124
2 Cf. sur ce sujet, Condition d’activité des régimes Dutreil : la doctrine administrative est-elle légale ? Philippe Gosset, Droit fiscal n°7-8 15 décembre 2017
3 Cass. com. 19 novembre 1991 n°1457 et 21 juin 2011 n°10-19770.
4 CAA de Paris, 9ème Chambre, 25 février 2016, n°15PA01104

 

Auteurs

Luc Jaillais, avocat associé? droit fiscal

Philippe Gosset, avocat, droit fiscal

 

Holding animatrice de groupe : le Conseil d’Etat apporte sa pierre à l’édifice – Article paru dans le magazine Option Finance le 25 juin 2018
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