L’achèvement de la réforme du stockage de gaz naturel
La réforme du stockage du gaz en France, achevée grâce à la publication des textes réglementaires, a reçu application dès le mois de mars 2018.
Rappelons que les principes ont été posés, à l’initiative du Sénat, dans le cadre de la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (nous en avons présenté les grandes lignes dans la précédente lettre des régulations).
Différents textes d’application ont été successivement publiés depuis le mois de février. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a ainsi adopté le 22 février 2018 la délibération n°2018-039 portant décision relative aux modalités de commercialisation des capacités de stockage dans le cadre de la mise en œuvre de l’accès régulé des tiers aux stockages souterrains de gaz naturel en France. Ce texte fixe les modalités pratiques d’accès aux enchères.
Le 22 mars ont été adoptées la délibération n°2018-068 portant décision sur les tarifs d’utilisation des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel de Storengy, de TIGF et de Géométhane à compter de 2018, ainsi que la délibération n°2018-069 portant décision d’introduction d’un terme tarifaire de stockage dans le tarif d’utilisation des réseaux de transport de GRTgaz et TIGF. Le 27 mars, par sa délibération n°2018-074, la CRE a fixé le niveau de ce terme tarifaire de stockage dans le tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et TIGF à partir du 1er avril 2018.
Par ailleurs, un arrêté du 13 mars 2018, pris en application du nouvel article L.421-4 du Code de l’énergie, a fixé pour chaque infrastructure de stockage les stocks minimaux permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel pendant la période comprise entre le 1er novembre 2018 et le 31 mars 2019.
A ensuite été publié le décret n°2018-221 du 30 mars 2018 relatif à la constitution des stocks complémentaires de gaz naturel mentionnés à l’article L.421-6 du Code de l’énergie. Entré en vigueur le 20 avril et codifié aux articles D.421-7 à D.421-13 de ce code, il prévoit, lorsque les enchères ne permettent pas d’atteindre les « stocks minimaux » fixés par l’Administration – en l’occurrence ceux prévus par l’arrêté du 13 mars –, que les opérateurs de stockage doivent constituer des « stocks complémentaires ». Si les capacités de stockage souscrites et les « stocks complémentaires » ne correspondent pas au niveau des « stocks minimaux », le ministre peut fixer par arrêté les « stocks globaux » que les fournisseurs devront constituer au 1er novembre. Dans ce cas, des capacités de stockage pourront être souscrites dans d’autres Etats membres de l’Union européenne, sous réserve que les fournisseurs disposent alors de capacités de transport non utilisées entre ces sites de stockage et le réseau de transport français : un arrêté ministériel régira cette option.
Enfin, le décret n°2018-276 du 18 avril 2018 a modifié diverses dispositions de la partie réglementaire du Code de l’énergie relatives au secteur du gaz naturel. Ce texte précise l’obligation pesant sur les fournisseurs d’estimer la consommation de leurs clients, la priorité dont bénéficient les gestionnaires de réseaux publics de transport dans l’accès aux capacités de stockage, ou encore la publication, par les gestionnaires des infrastructures de stockage, des capacités disponibles et des niveaux de stockage pour chaque site.
Un décret en Conseil d’Etat, pris en application du nouvel article L.443-8-1 du Code de l’énergie, doit encore déterminer les conditions dans lesquelles la continuité de fourniture des consommateurs de gaz naturel est assurée par leurs fournisseurs, sauf à ce que l’article R.121-4-1 du code y suffise, qui impose aux fournisseurs d’estimer la consommation de leurs clients en fonction des profils de consommation et des contraintes de froid extrême arrêtées par le ministre de l’Energie.
L’objectif que s’étaient fixé le Gouvernement et le législateur était de rénover le cadre régulatoire du stockage du gaz naturel afin de le rendre plus incitatif et ainsi de remédier aux difficultés rencontrées ces dernières années pour le remplissage des stockages de gaz naturel lors de l’« été gazier » : les inquiétudes pour la continuité d’alimentation qui ont surgi lors des derniers hivers, notamment en février 2018, n’étaient pas infondées.
Les premières enchères de stockage organisées par TIGF et Storengy ont débuté le 5 mars et elles se sont poursuivies jusqu’au 26 mars 2018. Dans un communiqué de presse du 27 mars 2018, le régulateur a indiqué que les enchères étaient achevées et s’est félicité de ce qu’elles « ont permis de proposer l’ensemble des capacités de stockage disponibles aux acteurs de marché. La quasi-totalité de ces capacités a été allouée, à des prix variant entre 0 et 2,02 €/MWh. En dehors de ces enchères, certaines capacités avaient été souscrites par des contrats long terme. Au total, les capacités souscrites s’élèvent à 128 TWh et dépassent le seuil minimum de 1 990 GWh/j défini par l’arrêté du 13 mars 2018 relatif aux stocks de gaz naturel pour garantir la sécurité d’approvisionnement entre le 1er novembre 2018 et le 31 mars 2019. »
Si le législateur et, à sa suite, le pouvoir réglementaire ont envisagé un échec des enchères, ou a minima un niveau de remplissage insuffisant à assurer la sécurité d’approvisionnement, comme cela a pu être dit, force est de constater que ces premières enchères ont permis d’atteindre dès le mois de mars les niveaux de stock qui devraient assurer la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver 2018-2019.
Auteur
Marc Devedeix, avocat, droit de l’énergie