VEFA : incidence du recours à une personne qualifiée pour l’appréciation de l’achèvement de l’immeuble
La notion d’achèvement de l’immeuble objet d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et sa constatation donnent lieu à un important contentieux.
La notion d’achèvement, spécifique à cette matière, est définie par l’article R.261-1 du Code de la construction et de l’habitation qui répute l’immeuble achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement indispensables à son utilisation conformément à sa destination, les défauts de conformité et les malfaçons n’étant pas pris en considération lorsqu’ils n’ont pas un caractère substantiel et ne rendent pas l’immeuble impropre à son utilisation.
Ces dispositions ont un caractère impératif dans le secteur protégé de la VEFA (usage d’habitation ou mixte).
Contrairement à ce qui est prévu pour la, très peu usitée, vente à terme, les modalités de constatation, entre le vendeur et l’acquéreur, de l’achèvement du bien objet d’une VEFA ne sont pas déterminées par les textes.
En l’espèce, les acquéreurs avaient pris possession des biens vendus en VEFA sans payer le solde dû.
Les contrats de VEFA prévoyaient, en cas de désaccord sur l’achèvement, le constat, à l’initiative de la partie la plus diligente, de l’état de l’immeuble par une personne qualifiée désignée à cet effet par le juge ; cette personne avait pour mission de déterminer si l’immeuble était achevé au sens de l’article R.261-1 précité, et d’en faire déclaration par devant notaire, afin de rendre ainsi parfaite la constatation de l’achèvement. Les contrats renvoyaient à l’article R.261-2 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit le constat de l’achèvement par une personne qualifiée en matière de vente à terme.VEFA
Faute d’accord sur l’achèvement, le vendeur avait assigné les acquéreurs en paiement du solde du prix de vente, lesquels ont mis en œuvre le dispositif contractuel. La personne qualifiée désignée par le juge des référés avait conclu à l’absence d’achèvement de l’immeuble.
Ne s’estimant pas liés par la conclusion retenue par la personne qualifiée, les premiers juges avaient considéré que l’immeuble était achevé au sens de l’article R.261-1 et avaient condamné les acquéreurs au paiement du solde du prix. Par un arrêt du 21 janvier 2016, la cour d’appel d’Aix en Provence avait infirmé ce jugement, considérant que le juge ne pouvait pas se substituer à la personne qualifiée eu égard au caractère spécifique de sa désignation et aux conséquences attachées par les actes de vente à son avis sur l’achèvement.
La Cour de cassation censure cette décision : elle considère que la clause considérée ne faisait pas obstacle à ce que le juge vérifie la conformité de l’avis émis aux critères de l’achèvement définis par l’article R.261-1.
Dès lors si les parties à la VEFA peuvent (et objectivement doivent) organiser conventionnellement la constatation de l’achèvement, le juge n’est pas lié par les conclusions de la personne qualifiée à laquelle le contrat attribue pourtant la mission de trancher la question de l’achèvement.
Il faut souligner la particularité de cette solution ; en effet, depuis la disparition des garanties intrinsèques, une grande partie des VEFA s’accompagne d’une garantie financière d’achèvement (ou plus rarement d’une garantie de remboursement).
Or, s’agissant de ce type de garantie, l’article R.261-24 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que celle-ci prend fin à l’achèvement de l’immeuble, lequel résulte de la constatation qui en est faite soit par une personne qualifiée désignée par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble, soit par un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l’art. Lorsque le vendeur assure lui-même la maîtrise d’Å“uvre, la constatation est faite par un organisme indépendant.
L’article R.261-24 précité, dans sa rédaction issue du décret n°2016-359 du 25 mars 2016, ajoute que la personne ou l’organisme qui constate l’achèvement doit remettre au vendeur une attestation d’achèvement, en trois exemplaires originaux, établie conformément à un modèle défini par arrêté du ministre chargé du logement (Arrêté LHAL1609243A du 17 mai 2016) dont le vendeur remet un exemplaire à l’organisme garant et un autre au notaire chargé de la vente.
Notons que ces nouvelles dispositions entrées en vigueur au 1er juillet 2016 n’étaient toutefois pas applicables dans le cadre de l’affaire commentée. Il est permis de s’interroger sur le point de savoir si désormais, dans les VEFA qui sont assorties d’une telle garantie d’achèvement (et elles constituent la quasi-totalité des VEFA proposées), il ne serait pas plus opportun afin de prévenir les risque de contentieux, de prévoir que le vendeur ne pourra percevoir que 95% du prix de vente et, corrélativement, de proposer de ne prendre livraison qu’une fois que celui-ci aura transmis au notaire l’attestation visée à l’article R.261-24 al. 2. Reste à savoir cependant si, s’agissant de cette attestation, la Haute juridiction confèrera, ou non, au juge le soin de vérifier la conformité de l’attestation émise aux critères de l’achèvement définis par l’article R.261-1.
Cass. 3e civ., 30 novembre 2017, n°16-19.073
Auteurs
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public
Aline Divo, avocat associé, droit Immobilier, droit de la construction et droit des baux.