Rupture brutale et préavis applicable en transport routier avant le nouveau contrat type général
Un chargeur confie à deux transporteurs l’acheminement de ses produits. A la suite de livraisons effectuées en mauvais état, le chargeur informe l’un des transporteurs de la non-conformité d’une livraison (cartons écrasés) et cesse quelques mois plus tard, sans signifier de préavis de rupture, les relations avec les deux transporteurs.
Les transporteurs assignent le chargeur en réparation du préjudice subi en invoquant le contrat type sous-traitance de transport qui prévoit la nécessité de respecter, compte tenu de la durée de leur contrat de plus d’un an, un préavis de trois mois en cas de rupture (article 12 de l’annexe 1 du décret n°2003–1295 du 26 décembre 2003).
La Cour d’appel confirme l’analyse des juges du premier degré en constatant que la relation commerciale ne pouvait relever du contrat type sous-traitance précité car le chargeur avait confié le transport de sa marchandise aux sociétés de transport qui effectuaient directement elles-mêmes l’acheminement (CA Paris, 11 janvier 2018, n°16/03045).
Les transporteurs ne pouvaient donc revendiquer le bénéfice d’un préavis d’une durée de trois mois puisqu’ils n’étaient pas sous-traitants d’un flux de transport de marchandises initialement confié à un commissionnaire ou à un transporteur.
De plus, à l’époque des faits le nouveau contrat type général de transport de marchandises qui réglemente depuis le 1er mai 2017 la durée du préavis selon la durée de la relation commerciale de transport, à la différence de sa version antérieure qui ne comportait aucune disposition équivalente, n’était pas encore entré en vigueur.
La Cour d’appel rappelant ensuite que dans cette hypothèse seul l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce est susceptible de régir la situation, constate que les conditions étaient réunies pour son application effective. En effet, même si la relation commerciale avait été relativement courte (14 mois pour l’un et 23 mois pour l’autre), elle présentait bien « un caractère régulier de courant d’affaires fournies pendant sa durée » quand bien même il s’agissait de « commandes ponctuelles, sans contrat cadre et sans exclusivité ». La rupture des contrats était donc bien brutale.
Restait à apprécier le préjudice allégué.
Prenant en considération les circonstances propres à la relation, la Cour d’appel constate la courte durée de la relation, « le caractère fluide et concurrentiel du secteur en cause » et la faible proportion que représentait le flux de transport avec le chargeur dans les chiffres d’affaires des transporteurs, pour décider qu’un préavis d’un mois aurait dû être donné.
Soulignons que si le nouveau contrat type général de transport de marchandises avait été applicable, c’est un préavis de trois mois qui aurait dû être respecté au cas particulier (voir sur ce point notre article : « Le nouveau contrat type général de transport : le phœnix qui renaît de ses cendres » – 6 juillet 2017).
Conclusion : la durée du préavis prévue par le contrat type sous-traitance n’est pas applicable à une relation de transport qui n’est pas régie par ledit contrat type, sauf à participer le cas échéant à l’appréciation des usages du secteur lorsqu’il n’existe pas de préavis légal ou règlementaire applicable.
Auteur
Francine Van Doorne, avocat Counsel, droit commercial et droit de la distribution