Le printemps de la digitalisation des services financiers
Depuis plusieurs années, on assiste à une révolution numérique qui concerne notamment le secteur financier. Cette révolution suit non seulement les évolutions technologiques récentes comme les applications mobiles et les robo-advisors pour les besoins du crédit, des paiements ou des investissements mais surtout les pratiques et attentes des consommateurs, qui privilégient les relations immatérielles, comme en atteste la hausse de fréquentation des sites Internet ou des applications mobiles des établissements financiers1.
Les évolutions règlementaires font aussi entrer le secteur dans le printemps de la digitalisation, avec l’entrée en vigueur le 1er avril 2018 de l’ordonnance n°2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier.
Depuis cette date, les établissements du secteur financier ont la possibilité d’échanger sur support durable2 avec leurs clients et prospects et même de demander aux premiers d’opter pour une relation dématérialisée. Cette faculté n’est certes pas automatique puisque les établissements doivent non seulement informer leur client et vérifier qu’une telle relation est adaptée aux pratiques digitales de celui-ci, mais encore que les informations sont fournies via un espace personnel et sécurisé, dont l’accessibilité est garantie pendant une durée adaptée à leur finalité.
Cette digitalisation de la relation client emporte plusieurs changements majeurs que les établissements financiers doivent prendre en compte, spécialement à travers leurs procédures internes. Par exemple, la digitalisation favorisant une entrée en relation à distance avec l’établissement financier, ce dernier doit entreprendre une vérification d’identité plus stricte, notamment au titre de ses obligations relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Concrètement, cela impacte les procédures d’entrée en relation qui devront intégrer un procédé d’identification digitalisé, tel qu’une signature électronique ou une identification électronique3, autant de procédés légaux d’identification qu’un décret à paraître doit très prochainement consacrer.
De même, la digitalisation entraînant une augmentation du volume des données échangées entre le client et les établissements financiers, ces derniers sont plus exposés que jamais au risque de hacking. Cela commande des procédure de sécurité dûment adaptées, qui font écho à l’entrée en vigueur récente des nouvelles règles sur l’authentification forte, qu’il s’agisse de l’authentification du client ou des nouveaux acteurs émergents des services de paiement (les agrégateurs et autres initiateurs de services de paiement de la 2e Directive européenne sur les services de paiement).
L’autre enjeu essentiel concerne les bienfaits d’un allègement du coût de l’archivage, les contrats et échanges clients étant souvent archivés sous format papier pendant toute la durée légale de conservation, qui varie selon les finalités (généralement de 5 à 10 ans). Les établissements financiers de la Place devront toutefois veiller à ne pas toujours franchir l’étape de l’archivage électronique global pour les documents du passé, dans la mesure où la fiabilité de l’écrit électronique est aujourd’hui laissée à l’appréciation du juge, malgré un Code civil qui reconnaît que cet écrit a en principe la même force probante que l’écrit sur support papier.
Enfin, la digitalisation permettant aux établissements français du secteur financier d’entrer plus aisément en relation avec les clients à l’étranger, ces établissements devront rester vigilants sur les limites de leur agrément à l’international et le droit applicable à ces relations. Réciproquement, les acteurs financiers étrangers ne disposant pas des agréments idoines ne doivent pas oublier que les démarches entreprises « au moyen d’un réseau de communication électronique » sont réputées localisées sur le territoire français, ce qui peut déclencher les foudres pénales.
La digitalisation vient ainsi de franchir une nouvelle étape qui n’est pas sans impacts sur les établissements financiers français et étrangers.
Notes
1 Au détriment des traditionnels échanges dans les agences, ce que confirme une récente étude de la Banque de France sur la révolution numérique dans le secteur bancaire français (ACPR Analyses et Synthèses n°88 – Mars 2018).
2 C’est-à-dire, au travers de « (…) tout instrument offrant au client ou au professionnel la possibilité de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées, et qui permet la reproduction à l’identique des informations conservées », article L. 311-7 du Code monétaire et financier.
3 Telle la reconnaissance vocale ou plus récemment la reconnaissance faciale.
Auteurs
Alexandre Marion, avocat, droit bancaire et financier.
Pauline Robin, avocat, droit bancaire et financier