Pratique de prix excessif mise en œuvre par un monopole légal
A l’occasion d’un arrêt du 14 septembre 2017, la CJUE s’est prononcée sur une série de questions préjudicielles relatives à une pratique de prix excessifs mise en œuvre par une entreprise disposant d’un monopole légal.
Une telle pratique est en effet susceptible de constituer un abus de position dominante (voir par exemple, CJUE, 11 décembre 2008, aff. C-52/07, Kanal 5 et TV 4).
Était en cause dans cette affaire l’organisme letton de gestion collective des droits d’auteur d’œuvres musicales, seule entité autorisée en Lettonie à accorder des licences, moyennant redevances, pour la communication au public des œuvres musicales dont elle gère les droits d’auteur.
Cet organisme a été sanctionné par le Conseil de la concurrence letton pour avoir abusé de sa position dominante en pratiquant des redevances nettement plus élevées qu’en Estonie et en Lituanie, pays voisins de la Lettonie.
La Cour administrative régionale ayant confirmé la décision du Conseil de la concurrence letton, à l’exception du montant de l’amende infligée, l’organisme de gestion collective s’est pourvu devant la Cour suprême lettone en critiquant notamment les critères utilisés par le Conseil de la concurrence pour conclure à des redevances excessives.
Saisie par les juges suprêmes lettons, la CJUE rappelle d’abord que la détermination de prix excessifs nécessite en général d’étudier s’il existe une disproportion excessive entre le coût effectivement supporté et le prix effectivement réclamé et, si tel est le cas, d’examiner s’il y a imposition d’un prix inéquitable, soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits concurrents.
Néanmoins, il peut également être pertinent de comparer les prix dans l’Etat membre concerné par la pratique à ceux appliqués dans d’autres Etats membres (voir déjà en ce sens, CJCE, 13 juillet 1989, aff. 395/87, Tournier et aff. 110/88 Lucazeau).
La CJUE précise dans l’arrêt commenté les conditions requises pour qu’une telle comparaison entre Etats membres soit valable :
- d’une part, la comparaison doit reposer sur des Etats membres de référence sélectionnés selon des critères objectifs, appropriés et vérifiables (habitude de consommation, éléments économiques ou socioculturels, PIB par habitant, etc.) ;
- d’autre part, la comparaison effectuée entre les prix appliqués dans différents Etats membres doit être effectuée sur une base homogène. A cet égard, si les Etats membres pris à titre de comparaison ont des niveaux de vie différents, il convient nécessairement de prendre en compte l’indice de parité du pouvoir d’achat ;
- enfin, il est possible de comparer les tarifs pratiqués dans un ou plusieurs segments d’utilisateurs spécifiques s’il existe des indices que le caractère excessif des redevances porte sur ces segments.
Ces indications sont fort utiles pour aider tant les entreprises en position dominante susceptibles de pratiquer des prix excessifs que les victimes de ces éventuels abus à déterminer quel doit être le prix de référence.
CJUE, 14 septembre 2017, aff. C-177/16
Auteurs
Vincent Lorieul, avocat, droit de la concurrence et de la distribution