Abus de droit fiscal : les clauses de conversion en actions sous le viseur
Deux récents avis du comité de l’abus de droit fiscal1 illustrent que, dans les opérations comprenant des clauses de conversion en actions, le caractère artificiel ou réel des clauses de conversion peut jouer un rôle déterminant pour confirmer ou écarter l’existence d’un abus de droit (poursuite d’un but exclusivement fiscal par application littérale de la loi à l’encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs).
Dans une première opération, le comité a qualifié d’abusive une opération par laquelle une SAS a déduit de son résultat à l’IS des intérêts versés à une banque allemande au titre de l’émission d’obligations dont le taux (9,3%) tenait compte d’une faculté de conversion, à la discrétion de la débitrice, ayant conduit à supporter des charges jugées anormalement élevées alors que la faculté de conversion était purement théorique. En effet, la banque avait parallèlement conclu un autre contrat avec une filiale néerlandaise du groupe lui garantissant le remboursement effectif, en numéraire, de son avance (l’interposition de la banque permettait la déduction d’intérêts plus élevés et sans application de la limitation prévue pour les prêts intragroupe).
Dans la seconde opération, le Comité a, au contraire, écarté l’abus. Il s’agissait d’une opération de LBO avec inscription de titres au PEA. Un fonds d’investissement avait créé une holding de reprise au capital de laquelle sont entrés les fondateurs et les cadres salariés du groupe cible. La holding de reprise a émis des OCA souscrits principalement par le fonds, l’éventuelle conversion devant lui permettre, en cas de non atteinte des objectifs de rentabilité, d’augmenter le montant de sa plus-value. L’administration entendait, sur le fondement de l’article L. 64 du LPF, soumettre le gain réalisé par les fondateurs et cadres salariés (important en raison de la non-conversion des OCA par le fonds) à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires au motif qu’il s’agirait en réalité d’un intéressement.
Le Comité n’a pas suivi cette position car les actionnaires supportaient un risque réel en capital et que les modalités précitées pouvaient conduire à une conversion effective. Dès lors l’opération n’avait pas pour objectif initial de leur octroyer un intéressement lors de la revente de leurs titres.
Note
1 Avis relatifs à la séance du 9 novembre 2017 et publiés sur le site impots.gouv.fr : affaire
n°2017-33 concernant la SAS X, et affaires n°2017-19 à 22 et n°2017-24 à 29
Auteurs
Pierre Carcelero, avocat associé, droit fiscal
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale